Saint-Simon dit que lorsque l'abbé d'Albret, plus tard cardinal de Bouillon, soutint ses thèses en Sorbonne, l'abbé Le Tellier était déjà coadjuteur de l'archevêque de Reims. Il y a dans ce récit une erreur chronologique. L'abbé d'Albret soutint ses thèses le 29 février 1664, et ce fut plus de quatre ans après, le 30 mai 1668, que l'abbé Le Tellier devint coadjuteur de l'évêque-duc de Langres, et ensuite de l'archevêque-duc de Reims. Comme ces faits ont une certaine importance dans le récit de Saint-Simon, et que d'ailleurs on ne connaît qu'assez imparfaitement ces détails, je citerai deux passages du Journal inédit d'Olivier d'Ormesson, qui fixent avec la dernière précision l'ordre chronologique. L'auteur raconte d'abord les incidents de la thèse de l'abbé d'Albret.
« Le vendredi 29 février 1664, l'après-dînée, je fus en Sorbonne à l'acte de M. le duc d'Albret [43] , neveu de M. de Turenne. M. l'archevêque de Paris présidait [44] . Le répondant se couvrait quelquefois comme étant prince, et la chose avait été ainsi résolue en Sorbonne, dont les jeunes bacheliers de condition étaient fort offensés, et avaient fait ligue entre eux de ne point disputer. J'ai su depuis que l'abbé de Marillac seul, des bacheliers de condition, avait disputé, M. le premier président l'ayant voulu absolument pour obliger M. de Turenne; que les autres lui avaient fait reproche; que l'abbé Le Tellier s'était le plus signalé, ayant dit beaucoup de choses fort désobligeantes. »
On voit que l'abbé Le Tellier n'était encore promu à cette époque à aucune dignité ecclésiastique. Ce fut seulement le 30 mai 1668 [45] , comme l'atteste le même Journal, qu'il devint coadjuteur de l'évêque-duc de Langres, et quelques jours plus tard de l'archevêque-duc de Reims.
« Le jeudi 14 juin 1668, dit Olivier d'Ormesson, je fus faire mes compliments à M. l'abbé Le Tellier sur la coadjutorerie de l'archevêché de Reims. Il en témoignait une joie très grande, comme d'un établissement très élevé et beaucoup au delà de ses espérances. Il y avait longtemps que l'on ménageait cette coadjutorerie avec le cardinal Antoine [46] , et l'on croit que celle de Langres a fait réussir la seconde, parce que M. Le Tellier ayant obtenu l'agrément, de M. le cardinal Antoine, il le dit au roi, et marqua que la coadjutorerie de Reims était un même titre de duché que Langres; une plus grande dignité, étant archevêché; et néanmoins qu'il ne désirait l'une plus que l'autre que parce que celle de Reims n'était qu'à deux journées de Paris, et celle de Langres beaucoup plus éloignée; et ainsi, sans faire une grande différence de ces deux grâces, le roi lui accorda sur-le-champ celle de Reims. Tout le monde considère cette grâce comme trop considérable pour M. l'abbé Le Tellier, à son âge, etc.; et que c'était un effet et de la bonne fortune de M. Le Tellier, et de la puissance que les trois ministres ont sur le roi [47] ; car ils font chacun tout ce qu'ils veulent pour leur intérêt. »