CHAPITRE V.

1701

Plusieurs bonnes nouvelles. — D'Avaux ambassadeur en Hollande, au lieu de Briord, fort malade. — Les troupes françaises, introduites au même instant dans les places espagnoles des Pays-Bas, y arrêtent et désarment les garnisons hollandaises, que le roi fait relâcher. — Flottille arrivée. — Chocolat des Jésuites. — Philippe V reconnu par le Danemark. — Connétable de Castille ambassadeur extraordinaire à Paris. — Philippe V à Bayonne; à Saint-Jean de Luz; séparation des princes. — Comte d'Ayen passe en Espagne. — Duc de Beauvilliers revient malade. — Lettres patentes de conservation des droits à la couronne de Philippe V. — La reine d'Espagne abandonnée et reléguée à Tolède. — Philippe V reconnu par les Provinces-Unies. — Ouragan à Paris et par la France. — Mort de l'évêque-comte de Noyon. — Abbé Bignon, conseiller d'État d'Église. — Aubigny, évêque de Noyon. — Mlle Rose, béate extraordinaire. — M. Duguet. — M. de Saint-Louis retiré à la Trappe. — Institution d'un prince, par M. Duguet. — Helvétius à Saint-Aignan. — Retour du duc de Beauvilliers. — Cardinal de Bouillon à Cluni, restitué en ses revenus. — Exil du comte de Melford. — Roi Jacques à Bourbon.

Plusieurs nouvelles agréables arrivèrent fort près à près. Le roi reçut de milan un acte qu'on n'avait pas quoique connu: c'était l'investiture de Charles V du duché de Milan et du comté de Pavie pour tous les successeurs tant mâles que femelles; la certitude du passage de ses troupes en Italie accordé par M. de Savoie en la forme qu'on désirait, et un succès en Flandre qui tenait de la merveille et très semblable à un changement de théâtre d'opéra. Briord, ambassadeur en Hollande, était tombé dangereusement malade. Les affaires y étaient en grand mouvement. Il demanda par plusieurs courriers un successeur, et d'Avaux y fut envoyé. Les États, qui de concert avec l'Angleterre ne cherchaient qu'à nous amuser en attendant que leur partie fût prête, ne se lassaient point de négocier. Ils demandaient des conférences avec d'autant plus d'empressement que Briord était hors d'état d'ouïr parler d'affaires. Le roi d'Angleterre faisait presser le roi de les accorder. Quelque désir qu'eut le roi d'entretenir la paix, il ne pouvait se dissimuler les mouvements découverts de l'empereur et la mauvaise foi de ses anciens alliés.

Les Hollandais avaient vingt-deux bataillons dans les places espagnoles des Pays-Bas, sous les gouverneurs espagnols qui y avaient aussi quelques troupes espagnoles en moindre nombre. Puységur travailla à un projet là-dessus, par ordre du roi, qu'il approuva. Il fut communiqué au maréchal de Boufflers, gouverneur de la Flandre française, et Puységur alla à Bruxelles pour le concerter avec l'électeur de Bavière, gouverneur général des Pays-Bas pour l'Espagne. Les mesures furent si secrètes et si justes, et leur exécution si profonde, si exacte et si à un point nommé, que le dimanche matin, 6 février, les troupes françaises entrèrent toutes au même instant dans toutes les places espagnoles des Pays-Bas à portes ouvrantes, s'en saisirent, prirent les troupes hollandaises entièrement au dépourvu, les surprirent, les dépostèrent, les désarmèrent, sans que dans pas une il fût tiré une seule amorce. Les gouverneurs espagnols et les chefs de nos troupes leur déclarèrent qu'ils n'avaient rien à craindre, mais que le roi d'Espagne voulait de nos troupes au lieu des leurs, et qu'ils demeureraient ainsi arrêtés jusqu'à ce qu'on eût reçu les ordres du roi. Ils furent très différents de ce qu'ils attendaient et de ce qu'on devait faire. L'ardeur de la paix fit croire au roi qu'en renvoyant ces troupes libres avec leurs armes et toutes sortes de bons traitements, un procédé si pacifique toucherait et rassurerait les Hollandais, qui avaient jeté les hauts cris à la nouvelle de l'introduction de nos troupes, et leur persuaderait d'entretenir la paix avec des, voisins, des bonnes intentions desquels ils ne pouvaient plus douter après un si grand effet. Il se trompa.

Ce fut vingt-deux, très bons bataillons tout armés et tout équipés qu'il leur renvoya, qui leur auraient fait grande faute, qui les auraient mis hors d'état de faire la guerre, et par conséquent fort déconcerté l'Angleterre, l'empereur et toute cette grande alliance qui se bâtissait et s'organisait contre les deux couronnes. Le vendredi 11 février, c'est-à-dire six jours après l'occupation des places et la détention des vingt-deux bataillons hollandais, l'ordre du roi partit, portant liberté de s'en aller chez eux avec armes et bagages, dès qu'ils seraient rappelés par les États. Ceux-ci, qui n'espéraient rien moins, reçurent cette nouvelle avec, une joie inespérée et des marques de reconnaissance qui servirent de couverture nouvelle encore plus spécieuse de leurs mauvais desseins, et frémissant cependant du danger qu'ils avaient couru n'en devinrent que plus ardents à la guerre, gouvernés par le roi d'Angleterre, ennemi personnel du roi, qui avec eux se moqua d'une simplicité si ingénue, et qui retraça à l'Europe celles de Louis XII et de François Ier qui furent si funestes à la France. Celle-ci ne la fut aussi guère moins.

Enfin, l'arrivée de la flottille couronna ce succès. Elle était riche de plus de soixante millions en or ou argent, et de douze millions de marchandises sans les fraudes et les pacotilles. J'avancerai à cette occasion le récit d'une aventure qui n'arriva que depuis que le roi d'Espagne fut à Madrid. En déchargeant les vaisseaux il se trouva huit grandes caisses de chocolat dont le dessus était: chocolat pour le très révérend père général de la compagnie de Jésus. Ces caisses pensèrent rompre les reins aux gens qui les déchargèrent et qui s'y mirent au double de ce qu'il fallait à les transporter à proportion de leur grandeur. L'extrême peine qu'ils y eurent encore avec ce renfort donna curiosité de savoir quelle en pouvait être la cause. Toutes les caisses arrivées dans les magasins de Cadix, ceux qui les régissaient en ouvrirent une entre eux et n'y trouvèrent que de grandes et grosses billes de chocolat, arrangées les unes sur les autres. Ils en prirent une dont la pesanteur les surprit, puis une deuxième et une troisième toujours également pesantes. Ils en rompirent une qui résista, mais le chocolat s'éclata, et ayant redoublé ils trouvèrent que c'étaient toutes billes d'or, revêtues d'un doigt d'épais de chocolat tout alentour; car, après cet essai, ils visitèrent au hasard le reste de la caisse et après toutes les autres. Ils en donnèrent avis à Madrid, où malgré le crédit de la société on s'en voulut donner le plaisir. On fit avertir les jésuites, mais en vain. Ces fins politiques se gardèrent bien de réclamer un chocolat si précieux; et ils aimèrent mieux le perdre que de l'avouer. Ils protestèrent donc d'injure qu'ils ne savaient ce que c'était, et ils y persévérèrent avec tant de fermeté et d'unanimité que l'or demeura au profit du roi, qui ne fut pas médiocre, et on en peut juger par le volume de huit grandes caisses de grandes et grosses billes solides d'or; et le chocolat qui les revêtait demeura à ceux qui avaient découvert la galanterie.

Le Danemark reconnut le roi d'Espagne. Ce prince fut rencontré à Bordeaux par le connétable de Castille, venant ambassadeur extraordinaire pour remercier le roi de l'acceptation du testament. Il s'appelait don Joseph-Fernandez de Velasco, duc de Frias. Il fut reçu au Bourg-la-Reine par le baron de Breteuil, introducteur des ambassadeurs, qui est un honneur qui de ce règne n'avait été fait à aucun autre qu'au marquis de La Fuente, qui après l'affaire du maréchal d'Estrades et du baron de Vatteville à Londres pour la préséance, vint ambassadeur extraordinaire pour en faire excuse et déclarer en présence de tous les autres ambassadeurs, en audience publique, que l'Espagne ni ses ambassadeurs ne disputeraient jamais la préséance au roi ni à ses ambassadeurs et la lui céderaient partout. Le connétable de Castille parut avec une grande splendeur, et fut extrêmement accueilli et festoyé. Le roi le distingua extrêmement et lui fit un présent très considérable à son départ. Il ne fut pas longtemps en France, et il y parut fort magnifique, fort galant et fort poli.

À Bayonne le roi trouva le marquis de Castanaga, dix ou douze autres personnes de considération, et plus de quatre mille Espagnols accourus pour le voir. Harcourt y était arrivé deux jours auparavant, de Madrid, au-devant de lui. Le roi se mit dans un fauteuil à la porte de son cabinet, ayant derrière lui M. de Beauvilliers, entre MM. de Noailles et d'Harcourt. Le duc d'Ossone était plus en avant, pour marquer au roi ceux qui étant gentilshommes pouvaient avoir l'honneur de lui baiser la main. Tous, à l'espagnole, se mirent à genoux en se présentant ‘devant lui. Il vit toute cette foule les uns après les autres, et les satisfit tous ainsi au dernier point fort aisément. M. de Beauvilliers avait souvent entretenu le roi d'Espagne tête à tête pendant le voyage. Il y eut pendant le séjour de Bayonne, des conférences où le duc d'Harcourt fut presque toujours en tiers, et quelquefois le duc de Noailles avec eux. Ils allèrent à Saint-Jean de Luz, et le 22 janvier se fit la séparation des princes avec des larmes qui allèrent jusqu'aux cris.

Après quantité d'embrassades réitérées au bord de la Bidassoa, au même endroit des fameuses conférences de la paix des Pyrénées, le duc de Noailles emmena le roi d'Espagne d'un côté, et le duc de Beauvilliers les deux autres princes de l'autre, avec lesquels il remonta en carrosse, et retournèrent à Saint-Jean de Luz. Il y avait un pont et de très jolies barques galamment ajustées par ceux du pays. Le roi d'Espagne passa dans une avec le duc d'Harcourt, le marquis de Quintana, gentilhomme de la chambre, et le comte d'Ayen. La petite rivière qui sépare les deux royaumes était bordée d'un peuple innombrable à perte de vue des deux côtés. Les acclamations ne finissaient point et redoublaient à tous moments. Au sortir de la barque le roi d'Espagne marcha un peu à pied, pour contenter la curiosité de ses peuples, et alla coucher à Irun. Il fut d'abord à l'église, où le Te Deum fut chanté. Et, dès le même soir, il commença à être servi et à vivre à l'espagnole. Il fut visiter le lendemain Fontarabie, puis Saint-Sébastien, et continua son voyage à Madrid, ayant toujours le duc d'Harcourt dans son carrosse, un ou deux de ses officiers principaux espagnols et le comte d'Ayen. Ce dernier fut trouvé là fort mauvais, l'entrée du carrosse du roi n'étant que pour ses officiers les plus principaux. Ce neveu de Mme de Maintenon, à qui d'Harcourt faisait sa cour, avait une nombreuse suite et une musique complète, dont il tâchait les soirs d'amuser le roi d'Espagne. Son âge, sa faveur en France, l'imitation des airs libres et familiers et des grands rires de sa mère, montrèrent à l'Espagne un fort jeune homme, bien gâté, et qui les scandalisa infiniment par toutes ses manières avec les seigneurs de cette cour, et par la familiarité surtout qu'il affecta avec le roi d'Espagne. Il fut le seul jeune seigneur français qui passa avec lui. Noblet fit deux journées en Espagne, puis vint rendre compte au roi de ce qui s'était passé durant le voyage.

De Saint-Jean de Luz, les princes allèrent à Acqs [12] , où ils demeurèrent huit ou dix jours assiégés par les eaux. Là ils commencèrent à vivre avec plus de liberté, à manger quelquefois avec les jeunes seigneurs de leur cour et à se trouver affranchis de toutes les mesures qu'imposait la présence du roi d'Espagne. Le duc de Noailles demeura leur conducteur comme l'avait été jusque-là M. de Beauvilliers, qui, se trouvant toujours plus mal, avait eu besoin de tout son courage pour venir jusqu'à la frontière, d'où il revint droit par le plus court, autant que sa santé le lui permit. Le roi d'Espagne emporta des lettres patentes enregistrées, pour lui conserver et à sa postérité leurs droits à la couronne, pareilles à celles qu'Henri III avait emportées en Pologne, et qu'on en avait dressé de toutes prêtes pour y envoyer à M. le prince de Conti.

La reine d'Espagne avait écrit au roi les lettres les plus fortes par le connétable de Castille, par lesquelles elle demandait aux deux rois leur protection et la punition du comte de San-Estevan et de ses dames, qui l'avaient quittée et outragée. Le style en était fort romanesque. Il y en eut aussi pour Madame, dont elle réclamait les bons offices par leur parenté. Je ne sais qui put lui donner ce conseil; sa partialité déclarée, et sa liaison avec tout ce peu qui ne voyait qu'à regret succéder la maison de France à celle d'Autriche en Espagne, ne lui devaient pas laisser espérer de succès. Aussi, le roi d'Espagne n'eut pas beaucoup fait de journées en Espagne, qu'elle eut ordre de quitter Madrid et de se retirer à Tolède, où elle demeura reléguée avec peu de suite et encore moins de considération. La junte avait été de cet avis, et en avait chargé le duc d'Harcourt pour en faire envoyer l'ordre par le roi d'Espagne: ce fut un trait de vengeance de Portocarrero.

Ce prince n'était pas encore à Madrid qu'il fut reconnu par les Hollandais. Ils n'en avaient pas moins résolu la guerre. Mais toutes les machines de l'alliance n'étaient pas prêtes, et rie s'expliquer point eût été s'expliquer, et découvrir des desseins qu'ils prenaient de si grands soins de cacher.

Il y eut, le jour de la Chandeleur, un ouragan si furieux que personne ne se souvint de rien qui eût approché d'une telle violence, dont les désordres furent infinis par tout le royaume. Le haut de l'église de Saint-Louis, dans l'île, à Paris, tomba; beaucoup de gens qui y entendaient la messe furent tués ou blessés: entre autres Verderonne, qui était dans la gendarmerie, en mourut le lendemain. Il s'appelait L'Aubépine comme ma mère. Cet ouragan a été l'époque du dérangement des saisons et de la fréquence des grands vents en toutes; le froid en tout temps, la pluie, etc., ont été bien plus ordinaires depuis, et ces mauvais temps n'ont fait qu'augmenter jusqu'à présent, en sorte qu'il y a longtemps qu'il n'y a plus du tout de printemps, peu d'automne, et, pour l'été quelques jours par-ci par là: c'est de quoi exercer les astronomes.

M. de Noyon mourut en ce temps-ci à Paris à soixante-quatorze ans. Il avait l'ordre, et s'était, à l'exemple de M. de Reims, laissé faire conseiller d'État d'Église. J'ai tant parlé de ce prélat que je me contenterai de dire qu'il mourut fort pieusement, après avoir très soigneusement gouverné son diocèse. On trouva dans ses papiers des brouillons de sa main pour servir à son oraison funèbre, tant la folie de la vanité avait séduit ce prélat; d'ailleurs docte, fort honnête homme, très homme de bien, bon évêque et de beaucoup d'esprit. Il ne laissa pas d'être regretté, et beaucoup, dans son diocèse. Sa vanité eût été étrangement mortifiée s'il eût prévu ses successeurs.

Le chancelier qui avait extrêmement aimé sa soeur, femme de Bignon, conseiller d'État, et qui en avait comme adopté les enfants, était fort embarrassé de l'abbé Bignon. C'était ce qui véritablement, et en bonne part, se pouvait appeler un bel esprit, très savant, et qui avait prêché avec beaucoup d'applaudissements; mais sa vie avait si peu répondu à sa doctrine qu'il n'osait plus se montrer en chaire, et que le roi se repentait des bénéfices qu'il lui avait donnés. Que faire donc d'un prêtre à qui ses moeurs ont ôté toute espérance de l'épiscopat? Cette place de conseiller d'État d'Église parut à son oncle toute propre à l'en consoler et à le réhabiliter dans le monde, en lui donnant un état. L'embarras était que ces places étaient destinées aux évêques les plus distingués, et qu'il était bien baroque de faire succéder l'abbé Bignon à M. de Tonnerre, évêque-comte de Noyon, pour le mettre en troisième avec M. de Reims et M. de Meaux; c'est pourtant ce que le chancelier obtint, et ce fut tout l'effort de son crédit. Il fit par là un tort à l'épiscopat et une plaie au conseil, où pas un évêque n'a voulu entrer depuis, par l'indécence d'y seoir après un homme du second ordre, ce qui ne peut s'éviter que par des évêques pairs qui précèdent le doyen des conseillers d'État, comme faisaient MM. de Reims et de Noyon. L'abbé Bignon fut transporté de joie d'une distinction jusqu'à lui inouïe. Son oncle le mit dans des bureaux en attendant qu'il lui en pût donner, et à la tête de toutes les académies: ce dernier emploi était fait exprès pour lui. Il était un des premiers hommes de lettres de l'Europe; et il y brilla, et solidement. Il amassa plus de cinquante mille volumes, que nombre d'années après il vendit au fameux Law qui cherchait à placer de l'argent à tout. L'abbé Bignon n'en avait plus que faire. Il était devenu doyen du conseil à la tête de quantité de bureaux et d'affaires, et bibliothécaire du roi. Il se fit une île enchantée auprès de Meulan, qui se put comparer en son genre à celle de Caprée; l'âge ni les places ne l'ayant pas changé, et n'y ayant gagné qu'à faire estimer son savoir et son esprit aux dépens de son coeur et de son âme. Noyon ne fut pas mieux rempli, mais à la renverse de la place de conseiller d'État par un homme de condition et de très saintes moeurs et vie, mais d'ailleurs un butor.

M. de Chartres avait trouvé à Saint-Sulpice un gros et grand pied plat, lourd, bête, ignorant, esprit de travers, mais très homme de bien, saint prêtre pour desservir, non pas une cure, mais une chapelle; surtout sulpicien excellent en toutes les minuties et les inutiles puérilités qui y font loi, et qu'il mit toute sa vie à côté ou même au-dessus des plus éminentes vertus. Ce garçon n'en savait pas davantage, et n'était pas capable de rien apprendre de mieux; d'ailleurs pauvre, crasseux et huileux à merveille. Ces dehors trop puissants sur M. de Chartres, et qui par ses mauvais choix ont perdu notre épiscopat, l'engagèrent à s'informer de lui. C'était un homme de bonne et ancienne noblesse d'Anjou qui s'appelait d'Aubigny; ce nom le frappa encore plus, il le prit ou le voulut prendre pour parent de Mme de Maintenon qui était d'Aunis, et s'appelait d'Aubigné. Il lui en parla et à ce pied plat aussi, qui, tout bête qu'il fût, ne l'était pas assez pour ne sentir pas les avantages d'une telle parenté dont on lui faisait toutes les avances; Mme de Maintenon se trouva ravie de s'enter sur ces gens-là. Les armes, le nom, et peu après, pour tout unir, la livrée, furent bientôt les mêmes. Le rustre noble fut présenté à Saint-Cyr à sa prétendue cousine, qui ne l'était pas tant, mais qui pouvait tout. Teligny, frère de l'abbé, qui languissait de misère dans sa chaumine, accourut par le messager, et fit aussi connaissance avec le prélat et sa royale pénitente. Celui-ci se trouva un compère délié, entendu et fin, qui gouverna son frère et suppléa tant qu'il put à ses bêtises. M. de Chartres, qui voulut décrasser son disciple, le prit avec lui, le fit son grand vicaire, et ce bon gros garçon, sans avoir pu rien apprendre en si bonne école que des choses extérieures, fut nommé évêque de Noyon, où sa piété et sa bonté se firent estimer, et ses travers et ses bêtises détester, quoique parés par son frère qui ne le quittait point, et qui était son tuteur.

M. le cardinal de Noailles, depuis peu revenu de Rome, chassa de son diocèse Mlle Rose, célèbre béate à extases, à visions, à conduite fort extraordinaire, qui dirigeait ses directeurs, et qui fut une vraie énigme. C'était une vieille Gasconne ou plutôt du Languedoc, qui en avait le parler à l'excès, carrée, entre deux tailles, fort maigre, le visage jaune, extrêmement laid, des yeux très vifs, une physionomie ardente, mais qu'elle savait adoucir; vive, éloquente, savante, avec un air prophétique qui imposait. Elle dormait peu et sur la dure, ne mangeait presque rien, assez mal vêtue, pauvre et qui ne se laissait voir qu'avec mystère. Cette créature a toujours été une énigme, car il est vrai qu'elle était désintéressée, qu'elle a fait de grandes et surprenantes conversions qui ont tenu, qu'elle a dit des choses fort extraordinaires, les unes très cachées qui étaient [passées], d'autres à venir qui sont arrivées, qu'elle a opéré des guérisons surprenantes sans remède, qu'elle a eu pour elle des gens très sages, très précautionnés, très savants, très pieux, d'un génie sublime, qui n'avaient ni ne pouvaient rien gagner à cet attachement, et qui l'ont conservé toute leur vie. Tel a été M. Duguet, si célèbre par ses ouvrages, par la vaste étendue de son esprit et de son érudition qui se peut dire universelle, par l'humilité sincère et la sainteté de sa vie, et par les charmes et la solidité de sa conversation.

Mlle Rose, ayant longtemps vécu dans son pays, où elle pansait les pauvres et où sa piété lui avait attaché des prosélytes, vint à Paris, je ne sais à quelle occasion. De doctrine particulière elle n'en avait point, seulement fort opposée à celle de Mme Guyon, et tout à fait du côté janséniste. Je ne sais encore comment elle fit connaissance avec ce M. Boileau qui avait été congédié de l'archevêché pour le Problème dont j'ai fait l'histoire en son temps, et qui vivait claquemuré et le plus sauvagement du monde dans son cloître Saint-Honoré. De là elle vit M. du Charmel et d'autres, et enfin M. Duguet qui, pour en dire la vérité, ne s'en éprirent guère moins tous trois que M. de Cambrai de Mme Guyon. Après avoir mené assez longtemps une vie assez cachée à Paris, M. Duguet et M. du Charmel eurent aussi bien qu'elle un extrême désir de la faire voir à M. de la Trappe, soit pour s'éclairer d'un si grand maître sur une personne si extraordinaire, soit dans l'espérance d'en obtenir l'approbation, et de relever leur sainte par un si grand témoignage. Ils partirent tous trois sans dire mot, et s'en allèrent à la Trappe, où on ne savait rien de leur projet.

M. du Charmel se mit aux hôtes à l'ordinaire dans la maison, et M. de Saint-Louis, qui occupait la maison abbatiale au dehors, ne put refuser une chambre à M. Duguet, et une autre à sa béate, et de manger avec lui. C'était un gentilhomme peu éloigné de la Trappe, qui avait servi toute sa vie avec grande réputation, qui avait eu longtemps un régiment de cavalerie et était devenu brigadier. M. de Turenne, le maréchal de Créqui, et les généraux sous qui il avait servi, le roi même sous qui il avait fait la guerre de Hollande et d'autres campagnes, l'estimaient fort, et l'avaient toujours distingué. Le roi lui donnait une assez forte pension, et avait conservé beaucoup de bonté pour lui. Il se trouva presque aveugle, lorsqu'en 1684 la trêve de vingt ans fut conclue; cela le fit retirer du service. Peu de mois après, Dieu le toucha. Il connaissait M. de la Trappe par le voisinage, et avait même été lui offrir ses services au commencement de sa réforme, sur ce qu'il apprit que les anciens religieux, qui étaient de vrais bandits et qui demeuraient encore à la Trappe, avaient résolu de le noyer dans leurs étangs. Il avait conservé quelque commerce depuis avec M. de la Trappe. Ce fut donc là où il se retira, et où il a mené plus de trente ans la vie la plus retirée, la plus pénitente et la plus sainte. C'était un vrai guerrier, sans lettres aucunes, avec peu d'esprit, mais avec un sens le plus droit et le plus juste que j'aie vu à personne, un excellent coeur, et une droiture, une franchise, une vérité, une fidélité admirables.

Le hasard fit que j'allai aussi à la Trappe tandis qu'ils y étaient. Je n'avais jamais vu M. Duguet ni sa dévote. Elle ne voyait personne à la Trappe, et n'y sortait presque point de sa chambre que pour la messe à la chapelle, où les femmes pouvaient l'entendre, joignant ce logis abbatial du dehors. Du vivant de M. de la Trappe, j'y passais d'ordinaire six jours, huit, et quelquefois dix. J'eus donc loisir de voir Mlle Rose à plusieurs reprises et M. Duguet, qui ne fut pas une petite faveur. J'avoue que je trouvai plus d'extraordinaire que d'autre chose en Mlle Rose; pour M. Duguet, j'en fus charmé. Nous nous promenions tous les jours dans le jardin de l'abbatial; les matières de dévotion, où il excellait, n'étaient pas les seules sur lesquelles nous y en avions; une fleur, une herbe, une plante, la première chose venue, des arts, des métiers, des étoffes, tout lui fournissait de quoi dire et instruire, mais si naturellement, si aisément, si couramment, et avec une simplicité si éloquente, et des termes si justes, si exacts, si propres, qu'on était également enlevé des grâces de ses conversations, et en même temps épouvanté de l'étendue de ses connaissances qui lui faisaient expliquer toutes ces choses comme auraient pu faire les botanistes, les droguistes, les artisans et les marchands les plus consommés dans tous ces métiers. Son attention, sa vénération pour Mlle Rose, sa complaisance, son épanouissement à tout ce peu qu'elle disait, ne laissaient pas de me surprendre. M. de Saint-Louis, tout rond et tout franc, ne la put jamais goûter, et le disait très librement à M. du Charmel, et le laissait sentir à M. Duguet, qui en étoient affligés.

Mais ce qui les toucha bien autrement, fût la douce et polie fermeté avec laquelle, six semaines durant qu'ils furent là, M. de la Trappe se défendit de voir Mlle Rose, quoique en état encore de pouvoir sortir et la voir au dehors. Aussi s'en excusa-t-il, moins sur la possibilité que sur son éloignement de ces voies extraordinaires, sur ce qu'il n'avait ni mission ni caractère pour ces sortes d'examen, sur son état de mort à toutes choses et de vie pénitente et cachée qui l'occupait assez pour ne se point distraire à des curiosités inutiles, et qu'il valait mieux pour lui suspendre son jugement et prier Dieu pour elle que de la voir et d'entrer dans une dissipation qui n'était point de son état. Ils partirent donc comme ils étaient venus; très mortifiés de n'avoir pu réussir au but qu'ils s'étaient proposé de ce voyage. Mlle Rose se tint depuis assez cachée à Paris, et chez des prosélytes dans le voisinage, jusqu'à ce que, le nombre s'en étant fort augmenté, elle se produisit beaucoup davantage et devint une directrice ‘qui fit du bruit. Le cardinal de Noailles la fit examiner, je pense même que M. de Meaux la vit. Le beau fut qu'on la chassa. Elle avait converti un grand jeune homme fort bien fait, dont le père bien gentilhomme avait été autrefois major de Blaye, et qui avait du bien. Ce jeune homme quitta le service et s'attacha [tellement] à elle qu'il ne la quitta plus depuis; il s'appelait Gondé, et il s'en alla avec elle à Annecy lorsqu'elle fut chassée de Paris, où on n'en a guère ouï parler depuis, quoiqu'elle y ait vécu fort longtemps. J'avancerai ici le court récit d'une anecdote qui le mérite. Le prétexte de ce voyage de la Trappe de Mlle Rose fut la conversion, qu'elle avait faite auprès de Toulouse, d'un curé fort bien fait, et qui ne vivait pas trop en frère. Il était frère d'un M. Parasa, conseiller au parlement de Toulouse. Elle persuada à ce curé de quitter son bénéfice, de venir à Paris, et de se faire religieux de la Trappe. Ce dernier point, elle eut une peine extrême à le gagner sur lui, et il a souvent dit, avant et depuis, qu'il s'était fait moine de la Trappe malgré lui. Il le fut bon pourtant, et si bon, que M. de Savoie, ayant longtemps depuis demandé à M. de la Trappe, un de ses religieux par qui il pût faire réformer l'abbaye de Tamiers, celui-ci fut envoyé pour exécuter ce projet et en fut abbé. Il y réussit si bien, que M. de Savoie, atteint alors d'un assez long accès de dévotion, le goûta fort, fit plusieurs retraites à Tamiers et lui donna toute sa confiance.

De là est, pour ainsi dire, né cet admirable ouvrage de l'Institution d'un prince de M. Duguet, dont on voit le comment dans le court avertissement qui se lit au-devant de ce livre. Il faut ajouter que M. Duguet, réduit depuis à chercher sa liberté hors du royaume, se retira un temps à Tamiers, et y vit M. de Savoie, sans que ce prince se soit jamais douté qu'il fût l'auteur de cet ouvrage, ni qu'il lui en ait jamais parlé; en quoi l'humilité de l'auteur est peut-être plus admirable que le prodige de l'érudition, de l'étendue et de la justesse de cette Institution. Elle fut faite entre la mort du prince électoral de Bavière, petit-fils de l'empereur Léopold, et la mort du roi d'Espagne, Charles II, dans le temps que M. de Savoie se flatta que cet immense succession regarderait le prince de Piémont qui est mort avant lui; et toutefois à la lire, qui ne soupçonnerait qu'elle est faite d'aujourd'hui? c'est-à-dire, vingt-cinq ans après la mort de Louis XIV, qu'elle a commencé à paraître, quelques années depuis la mort de l'auteur, et à l'instant défendue, pourchassée, et traitée comme les ouvrages les plus pernicieux, qui toutefois n'en a été que plus recherchée et plus universellement goûtée et admirée.

M. de Beauvilliers, dont le mal était un dévoiement qui le consumait depuis longtemps et auquel la fièvre s'était jointe, eut bien de la peine à gagner sa maison de Saint-Aignan, près de Loches, où il fut à l'extrémité. J'avais su, depuis son départ, que Fagon l'avait condamné, et ne l'avait envoyé à Bourbon, peu avant ce voyage, que par se trouver à bout, sans espérance de succès, et pour se délivrer du spectacle en l'envoyant finir au loin. À cette nouvelle de Saint-Aignan, je courus chez le duc de Chevreuse, pour l'exhorter de mettre toute politique à part et d'y envoyer diligemment Helvétius, et j'eus une grande joie d'apprendre de lui qu'il en avait pris le parti, et qu'il partait lui-même le lendemain avec Helvétius.

C'était un gros Hollandais qui, pour n'avoir pas pris les degrés de médecine, était l'aversion des médecins, et en particulier l'horreur de Fagon, dont le crédit était extrême auprès du roi, et la tyrannie pareille sur la médecine et sur ceux qui avaient le malheur d'en avoir besoin. Cela s'appelait donc un empirique dans leur langage, qui ne méritait que mépris et persécution, et qui attirait la disgrâce, la colère et les mauvais offices de Fagon sur qui s'en servait. Il y avait pourtant longtemps qu'Helvétius était à Paris, guérissant beaucoup de gens rebutés ou abandonnés des médecins, et surtout les pauvres, qu'il traitait avec une grande charité. Il eu recevait tous les jours chez lui à heure fixée tant qu'il en voulait venir, à qui il fournissait les remèdes et souvent la nourriture. Il excellait particulièrement aux dévoiements invétérés et aux dysenteries. C'est à lui qu'on est redevable de l'usage et de la préparation diverse de l'ipécacuanha pour les divers genres de ces maladies, et le discernement encore de celles où ce spécifique n'est pas à temps ou même n'est point propre. C'est ce qui donna la vogue à Helvétius, qui d'ailleurs était un bon et honnête homme, homme de bien, droit et de bonne foi. Il était excellent encore pour les petites véroles et les autres maladies de venin, d'ailleurs médiocre médecin.

M. de Chevreuse dit au roi la résolution qu'il prenait; il l'approuva, et le rare est que Fagon même en fut bien aise, qui, dans une autre occasion, en serait entré en furie; mais comme il était bien persuadé que M. de Beauvilliers ne pouvait échapper, et qu'il mourrait à Saint-Aignan, il fut ravi que ce fût entre les mains d'Helvétius, pour en triompher. Dieu merci, le contraire arriva. Helvétius le trouva au plus mal; en sept ou huit jours il le mit en état de guérison certaine et de pouvoir s'en revenir. Il arriva de fort bonne heure à Versailles, le 8 mars. Je courus l'embrasser avec toute la joie la plus vive. Revenant de chez lui, et traversant l'antichambre du roi, je vis un gros de monde qui se pressait à un coin de la cheminée: j'allai voir ce que c'était. Ce groupe de monde se fendit; je vis Fagon tout débraillé, assis, la bouche ouverte, dans l'état d'un homme qui se meurt. C'était une attaque d'épilepsie. Il en avait quelquefois, et c'est ce qui le tenait si barricadé chez lui, et si court en visites chez le peu de malades de la cour qu'il voyait, et chez lui jamais personne. Aussitôt que j'eus aperçu ce qui assemblait ce monde, je continuai mon chemin chez M. le maréchal de Lorges, où entrant avec l'air épanoui de joie, la compagnie, qui y était toujours très nombreuse, me demanda d'où je venais avec l'air satisfait. « D'où je viens? répondis-je, d'embrasser un malade condamné qui se porte bien, et de voir le médecin condamnant qui se meurt. » J'étais ravi de M. de Beauvilliers, et piqué sur lui contre Fagon. On me demanda ce que c'était que cette énigme. Je l'expliquai, et voilà chacun en rumeur sur l'état de Fagon, qui était à la cour un personnage très considérable et des plus comptés, jusque par les ministres et par tout l'intérieur du roi. M. [le maréchal] et Mme la maréchale de Lorges me firent signe, de peur que je n'en disse davantage, et me grondèrent après avec raison de mon imprudence. Apparemment qu'elle ne fut pas jusqu'à Fanon, avec qui je fus toujours fort bien.

On sut en même temps que le cardinal de Bouillon, à bout d'espérances sur ses manèges et sur les démarches réitérées du pape en sa faveur, était enfin parti de Rome, et s'était rendu à son exil de Cluni, où bientôt après il eut mainlevée de la saisie de ses biens et de ses bénéfices. Il n'avait pu se tenir, après avoir ouvert la porte sainte du grand jubilé, d'en faire frapper des médailles où cette cérémonie était d'un côté, lui de l'autre, avec son nom autour et la qualité de grand aumônier de France, qu'il n'était plus alors. Cela avait irrité le roi de nouveau contre lui, et eut peut-être part à la fermeté avec laquelle il résista au pape sur le retour et l'exil du cardinal de Bouillon et à tout ce qu'il employa pour s'en délivrer.

Milord Melford, chevalier de la Jarretière, qu'on a vu ci-devant exilé de Saint-Germain, et revenu seulement à Paris, écrivit une lettre à milord Perth son frère, gouverneur du prince de Galles, par laquelle il paraissait qu'il y avait un parti considérable en Écosse en faveur du roi Jacques, et qu'on songeait toujours ici à le rétablir et la religion catholique en Angleterre. Je ne sais ni personne n'a su comment il arriva que cette lettre, au lieu d'aller à Saint-Germain, fut à Londres. Le roi Guillaume la fit communiquer au parlement et en fit grand usage contre la France qui ne pensait à rien moins, et qui avait bien d'autres affaires pour soutenir la succession d'Espagne, et d'ailleurs ce n'eût pas été au comte de Melford qu'on se fût fié d'un dessein de cette importance, dans la situation où il était avec sa propre cour et la nôtre; mais il n'en fallait pas tant au roi Guillaume pour faire bien du bruit, ni aux Anglais pour les animer contre nous dans la conjoncture des affaires présentes. Melford fut pour sa peine envoyé à Angers et fut fort soupçonné. Je ne sais si ce fut à tort ou non.

Peu de jours après, le roi Jacques se trouva fort mal et tomba en paralysie d'une partie du corps, sans que la tête fut attaquée. Le roi, et toute la cour à son exemple, lui rendit de grands devoirs. Fagon l'envoya à Bourbon. La reine d'Angleterre l'y accompagna. Le roi fournit magnifiquement à tout, chargea d'Urfé d'aller avec eux de sa part, et de leur faire rendre partout les mêmes honneurs qu'à lui-même, quoiqu'ils voulussent être sans cérémonies.

Suite
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Acqs, ou Dax, ville du département des Landes. Les anciens éditeurs ont écrit Auch. Mais, outre le manuscrit de Saint-Simon, qui ne peut laisser aucun doute, nous trouvons la confirmation de cette leçon dans le passage suivant d'un journal qu'avait rédigé le duc de Bourgogne et qui a été publié dans le t. II, p. 93-250 des Curiosités historiques, ou Recueil de pièces utiles à l'histoire de France (Amsterdam, 1759, 2 vol. in-18). « Le lundi 24 janvier, nous partîmes de Bayonne, à six heures.., nous arrivâmes à Dax (les éditeurs auront changé l'ancienne forme qui était Acqs), à sept heures du soir; il plut tout le jour; les chemins étaient horriblement mauvais…. Le mardi 25, les eaux augmentèrent de telle sorte, que l'on ne pouvait plus repasser le pont ni sortir de la ville; elles augmentèrent encore le mercredi 26 et le jeudi 27, en sorte que la campagne en était toute couverte, et qu'on ne voyait que la pointe des arbres. » C'est donc à Dax que les princes sont arrêtés par les eaux, et c'est ce que dit le texte véritable de Saint-Simon: « Les princes allèrent à Acqs, où ils demeurèrent huit ou dix jours assiégés par les eaux. »