CHAPITRE X.

1703

Desmarets enfin présenté au roi. — Voyage de Fontainebleau. — Desmarets directeur des finances, et Rouillé conseiller d'État surnuméraire. — Cour de Saint-Germain à Fontainebleau. — Mort du duc de Lesdiguières; son caractère. — Canaples duc de Lesdiguières. — Mort de Saint-Évremond; sa disgrâce, sa cause. — Barbezières relâché. — L'archiduc déclaré roi d'Espagne, sous le nom de Charles III, par l'empereur. — Prince Eugène président du conseil de guerre de l'empereur. — Ragotzi. — Bataille d'Hochstedt gagnée sur les Impériaux. — Grand Seigneur déposé. — Rupture avec le duc de Savoie; ses troupes auxiliaires arrêtées et désarmées. — Traitement des ambassadeurs à Turin et en France. — Usage de les faire garder par un gentilhomme ordinaire. — Phélypeaux. — Tessé en Dauphiné. — Siège de Landau. — Villars ouvertement brouillé avec l'électeur de Bavière. — Origine de l'intimité de Chamillart avec les Matignon. — Famille des Matignon. — Coigny; son nom, sa fortune. — Coigny refuse de passer en Bavière et [perd] par là, sans le savoir, le bâton de maréchal. — Marsin passe en Bavière malgré lui, et est fait maréchal de France. — Retour en France de Villars bien muni. — Augsbourg pris par l'électeur. — Armées du Danube et de Flandre en quartiers d'hiver. — Maréchal de Villeroy reste à Bruxelles. — Retour de Fontainebleau par Villeroy et Sceaux. — Mme de Mailly se fait préférer pour le carrosse aux dames titrées, comme dame d'atours. — Disgrâce, retour, faveur et élévation de la marquise de Senecey. — Duchesses ôtaient le service de la chemise et de la sale à la dame d'honneur de la reine, et la préférence du carrosse. — Surintendante; invention et occasion de cette charge.

Le mercredi 19 septembre, le roi alla coucher à Sceaux, et le lendemain à Fontainebleau. Il y avait longtemps que les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers cherchaient à tirer Desmarets du triste état où il languissait depuis la mort de M. Colbert, frère de sa mère. Si on se souvient de ce que j'ai dit de lui (t. II, p. 406 et suiv.), on trouvera que je n'ai pas besoin d'en rien répéter ici ni ailleurs. Dès lors Chamillart avait eu permission de se servir de ses lumières à ressasser les financiers, mais rien au delà. La surcharge des ministères de la guerre et des finances avait forcé Chamillart, comme on l'a vu en son temps, à se faire soulager par l'érection de deux directeurs des finances par-dessus les intendants. Desmarets, porté par ses deux cousins, continuait à aider le contrôleur général, mais sourdement et obscurément, et comme à l'insu du roi, encore qu'il l'eût permis, mais à cette condition. Cet état déplaisait fort aux deux ducs et à Torcy, qui ne l'avaient procuré que comme un chausse-pied, pour pouvoir reparaître et rentrer enfin en grâce, et en quelque place dans les finances, Chamillart, ami intime de MM. de Chevreuse et de Beauvilliers, et d'ailleurs le meilleur homme du monde et le plus compatissant au malheur d'autrui, tenta enfin que ce que faisait Desmarets sous lui se fît publiquement et par un ordre connu du roi. Il fut rabroué, mais à force de ne se pas rebuter et de représenter à Mme de Maintenon la nécessité des affaires, il l'obtint.

Ce pas fait, il fut question d'un autre. On voulut que Desmarets fût présenté au roi. Après quelque intervalle, Chamillart se hasarda de le demander. Ce fut bien pis que l'autre fois. Le roi se fâcha, dit que c'était un voleur, de l'aveu de Colbert mourant, son propre oncle, qu'il avait chassé sur son témoignage même avec éclat, et que c'était encore trop qu'il eût permis de s'en servir dans un emploi, où, si on lui laissait le moindre crédit, il ne se déferait pas d'un vice si utile. Chamillart n'eut qu'à se taire. Néanmoins, encouragé par le dernier succès, et pressé de temps en temps par les deux ducs, il eut encore recours à Mme de Maintenon, à qui il représenta l'indécence de se servir publiquement d'un homme en disgrâce, que le roi ne voulait point voir, le dégoût extrême que cette situation répandait sur le travail de Desmarets, et le discrédit qui en était la suite, qui portait directement sur les affaires qu'il lui renvoyait. Il vanta sa capacité, le soulagement qu'il en recevait, l'utilité qui en revenait aux finances, et sut si bien faire auprès d'elle que le roi consentit enfin, mais comme à regret, qu'il lui fût présenté. Chamillart le fit donc entrer dans le cabinet du roi, à l'issue d'un conseil tenu l'après-dînée du jour que Sa Majesté partit pour aller coucher à Sceaux, et de là à Fontainebleau. On ne put rien de plus froid que la réception que lui fit le roi; il y avait vingt ans qu'il ne l'avait vu. Chamillart, embarrassé d'un éloignement si marqué contre la manière toute gracieuse dont le roi recevait toujours ceux qu'il voulait bien revoir après les disgrâces, n'osa passer plus loin. Desmarets demeura sans titre, mais travailla avec plus de considération, et fut employé en plus d'affaires qui allèrent sans milieu du contrôleur général à lui, et de lui au contrôleur général. Mais on vit bientôt qu'il n'est que de revenir, et que ce grand pas fait, tout vient ensuite et bientôt.

Un mois après, Beauvilliers, Chevreuse et Chamillart unis firent si bien, que Rouillé fut fait conseiller d'État surnuméraire, en attendant la première place qui vaquerait, et remit à Desmarets sa place de directeur des finances en lui remboursant les huit cent mille livres qu'il avait financées pour cette charge, dont les appointements étaient de quatre-vingt mille livres de rente, sans ce qu'il s'y pouvait gagner d'ailleurs. Armenonville, qui était l'autre, ne revit pas reparaître sans peine ce nouvel astre sur l'horizon soutenu des grâces de la nouveauté de Chamillart et des deux ducs. Il sentit ce qui en pouvoir arriver, mais il fut sage et courtisan. Il était de mes amis et Desmarets très anciennement, comme je l'ai dit ailleurs. La jalousie, quoique discrète, fit naître dans leurs fonctions plus d'une difficulté entre eux. Ils savaient la portée où j'étais avec Chamillart leur commun maître; ils venaient à moi me conter leurs douleurs, et je les remettais souvent bien ensemble, quelquefois même sans aller jusqu'à Chamillart. La fortune se joua bien ensuite de tous trois, et ne s'est guère plus moquée des hommes que parce qu'elle a fait enfin du fils de Desmarets un chevalier de l'ordre, un maréchal de France.

La cour de Saint-Germain vint, le 3 octobre, à Fontainebleau et s'en retourna le 16. Le roi y donna à Lavienne la survivance de sa charge de premier valet de chambre à Chancenay son fils. J'ai fait connaître Lavienne ailleurs. On y apprit la mort du duc de Lesdiguières, gendre du maréchal de Duras, sans enfants. Une assez courte maladie l'emporta à Modène. Il s'était extrêmement distingué et fait aimer et estimer en Italie. Le roi le regretta fort. Il était brigadier, et pour aller rapidement à tout par sa valeur et son application. Ce fut une véritable perte pour sa famille et pour celle où il était entré. C'était un homme doux, modeste, gai, mais qui se sentait fort et qui n'avait pas plus d'esprit qu'il n'en fallait pour plaire et réussir à notre cour. Fort honnête homme et fort magnifique, il vivait très bien avec sa femme, qui en fut fort affligée. Le vieux Canaples se sut bon gré alors de n'avoir jamais voulu renoncer à cette succession qui le fit duc de Lesdiguières.

On sut aussi, presque en même temps, la mort de Saint-Évremond, si connu par son esprit, par ses ouvrages et par son constant amour pour Mme Mazarin, qui acheva de le fixer en Angleterre jusqu'à l'extrême vieillesse dans laquelle il y finit ses jours. Sa disgrâce, moins connue que lui, est une curiosité qui peut trouver place ici. La sienne l'avait conduit aux Pyrénées. Il était ami particulier du maréchal de Créqui; il lui en écrivit une lettre de détails qui lui développa les replis du coeur du cardinal Mazarin, et qui ne fit pas une comparaison avantageuse de la conduite et de la capacité de ce premier ministre avec celles du premier ministre espagnol. L'esprit et les grâces qui sont répandus dans cette lettre en rendent encore les raisonnements plus forts et plus piquants. Don Louis de Haro lui en eût fait sa fortune, mais les deux premiers ministres l'ignorèrent jusqu'à leur mort. Le maréchal de Créqui et Mme du Plessis-Bellière, les deux plus intimes amis de M. Fouquet, furent arrêtés en même temps que lui et leurs papiers saisis. Le maréchal, qui ne l'était pas encore, en fut quitte pour un court exil, que le besoin qu'on eut de lui pour commander une armée accourcit, et lui valut le bâton de maréchal de France. Mme du Plessis-Bellière n'en fut pas quitte à si bon marché. Parmi ses papiers, on en trouva du maréchal de Créqui, et parmi ceux-là cette lettre qu'il n'avait pu se résoudre à brûler, et qui a été depuis imprimée avec les ouvrages de Saint-Évremond. Les ministres à qui elle fut portée craignirent un si judicieux censeur. M. Colbert se para de reconnaissance pour son ancien maître, M. Le Tellier le seconda. Ils piquèrent le roi sur sa jalousie du gouvernement, et sur ses sentiments d'estime et d'amitié pour la mémoire encore récente de son premier ministre. Il entra en colère et fit chercher Saint-Évremond partout, qui, averti à temps par ses amis, se cacha si bien qu'on ne put le trouver. Las enfin d'errer de lieu en lieu et de ne trouver de sûreté nulle part, il se sauva en Angleterre où il fut bientôt recherché par tout ce qu'il y avait de plus considérable en esprit, en naissance et en places. Il employa longtemps tous ses amis pour obtenir son pardon; la permission de revenir en France lui fut constamment refusée. Elle lui fut offerte vingt ou vingt-cinq ans après, lorsqu'il n'y songeait plus. Il avait eu le temps de se naturaliser à Londres; il était fou de Mme Mazarin, il ne se souciait plus de sa patrie; il ne jugea pas à propos de changer de vie, de société, de climat, à soixante-douze ans. Il y vécut encore une vingtaine d'années en philosophe et y mourut de même avec sa tête entière et une grande santé, et recherché jusqu'à la fin comme il l'avait été toute sa vie.

On apprit aussi à Fontainebleau qu'enfin Barbezières avait été mis en liberté et qu'il allait être conduit, de Gratz où il était, à l'armée du comte de Staremberg, pour de là passer en celle de M. de Vendôme.

Des nouvelles plus importantes furent: l'archiduc déclaré roi d'Espagne par l'empereur, qui ne fit plus mystère de l'envoyer incessamment attaquer l'Espagne par le Portugal. Il avait fait depuis quelque temps un grand changement à sa cour. Le comte de Mansfeld, dont la cour de Vienne s'était servie pendant son ambassade en Espagne pour empoisonner la reine, première femme de Charles II, par le ministère de la comtesse de Soissons, en avait été récompensé, à son retour, de la présidence du conseil de guerre. Je ne sais ce qu'il commit dans cette grande place, mais il fut disgracié et relégué, et sa présidence donnée au prince Eugène, qui la joignit au commandement des armées de l'empereur et de l'empire, et se trouva ainsi au comble de tout ce qu'il pouvait prétendre. Cela arriva à la fin de juillet. Eugène a voit été retenu à Vienne plus tard qu'il n'aurait voulu, par l'inquiétude qu'on y prenait des mouvements de Hongrie, où le prince Ragotzi s'était déclaré le chef des mécontents. Son grand-père et son bisaïeul avaient été princes de Transylvanie. Sa mère avait épousé en secondes noces le fameux comte Tekeli. Elle était fille du comte Serini, qui eut la tête coupée avec Frangipani et Nadasti en 1671 à Neustadt, pour avoir voulu se saisir de la personne de l'empereur Léopold, et s'être mis à la tête d'une grande révolte en Hongrie. F. Léopold, prince Ragotzi, son fils, soupçonné de vouloir remuer, avait été arrêté et mis en prison à Neustadt, en avril 1701, d'où il trouva le moyen de se sauver déguisé en dragon, en novembre suivant, ayant gagné le capitaine de sa garde et fait enivrer les soldats. Il se retira en Pologne, d'où il vint joindre le comte Berzini, l'un des chefs des mécontents en Hongrie. Tous lui déférèrent la qualité de chef; ses troupes grossirent, prirent ou s'emparèrent de force châteaux et petites villes, et causaient un grand trouble dont Vienne commençait fort à s'alarmer.

En ce même temps, le 28 septembre, on eut nouvelle par un courrier d'Usson, d'une bataille gagnée près d'Hochstedt sur les Impériaux commandés par le comte de Stirum, qui avait soixante-quatre escadrons et quatorze mille hommes de pied. D'Usson commandait un corps séparé de vingt-huit escadrons, et de seize bataillons dans des retranchements; il eut ordre d'en sortir, le 19 au soir, pour être en état d'attaquer le 20 au matin les Impériaux par un côté, tandis que l'électeur de Bavière les attaquerait par un autre. Ce prince devait avertir de son arrivée par trois coups de canon, et d'Usson lui répondre de même. Mais ce dernier, arrivé trop tôt, joint par Cheyladet avec quelques troupes, fut aperçu des Impériaux, qui, le croyant seul, vinrent sur lui et poussèrent la brigade de Vivans jusque dans le village d'Hochstedt. Peny la soutint avec la brigade de Bourbonnais, et ils s'y défendirent avec grande valeur. D'Usson qui avait vu les ennemis couler cependant vers ses retranchements, s'y porta assez à temps pour les obliger à se retirer, et entendant en même temps redoubler très considérablement le feu du côté d'Hochstedt, il se douta que c'était l'électeur et le maréchal de Villars qui arrivaient, et y porta diligemment ses troupes. Il ne se trompait pas; il joignit la tête de leurs troupes qui, avec ce renfort, défirent les ennemis qui se retirèrent fort précipitamment. L'électeur les poursuivit deux lieues durant, et son infanterie, qui pénétra dans un bois où ils s'étaient retirés, sur le chemin de Nordlingen, en fit un grand carnage. Quatre mille hommes des leurs demeurèrent sur la place, on leur en prit autant, beaucoup d'étendards, de drapeaux et de timbales, trente-trois pièces de canon, leurs bateaux et leurs pontons, et tous leurs équipages. Enfin une victoire complète qui ne coûta guère que mille hommes. Villars envoya le chevalier de Tresmane qui arriva vingt-quatre heures après le courrier d'Usson, qui plus en détail rapporta à peu près les mêmes choses. Il assura qu'on ne croyait pas que l'armée battue pût se rassembler du reste de la campagne, et que l'électeur allait marcher au prince Louis de Bade qui était sous Augsbourg avec vingt mille hommes.

Le changement qui arriva en Turquie ne soulagea pas l'empereur. Les janissaires, d'accord avec les spahis, entrèrent tumultueusement dans le sérail à Andrinople, où était leur empereur Mustapha, le déposèrent, mirent sur le trône son frère Achmet, âgé de sept ans, chassèrent le grand vizir, et en firent un autre qui aimait fort la guerre, que ces séditieux voulaient absolument, tuèrent le mufti fuyant vers l'Asie, et, ce qui est incroyable d'un tel particulier, mais qui fut mandé par notre ambassadeur comme une chose certaine, on lui trouva quarante millions. Ce mouvement qui tendait à une rupture de la Porte avec l'empereur et les autres puissances chrétiennes, donna du courage aux mécontents de Hongrie, et réchauffa beaucoup le parti de Ragotzi, contre lequel il fallut augmenter de troupes, à la tête desquelles le prince Eugène se mit, au lieu de retourner en Italie comme il l'avait jusque-là espéré de jour en jour.

Après s'être longtemps endormi sur les mauvais desseins du duc de Savoie, malgré tous les avis de Phélypeaux, ambassadeur du roi à Turin, on ouvrit enfin les yeux, et on ne put douter qu'il n'eût des ministres de l'empereur cachés dans sa cour, avec lesquels il traitait. Le roi témoigna par deux fois à l'ambassadeur de Savoie ses justes soupçons. Soit que ce ministre fût de concert avec son maître, ou qu'il agît de bonne foi, il répondit toutes les deux fois sur sa tête de la fidélité du duc à ses traités avec les deux couronnes. L'éloignement de M. de Vendôme et de ce qu'il avait mené à Trente retarda les résolutions à prendre. Vaudemont, qui sentait qu'incontinent nous serions prévenus, ou nous préviendrions M. de Savoie, avait quitté San-Benedetto et l'armée qu'il commandait, sans attendre quelques jours de plus M. de Vendôme, qui arrivait et s'en était allé aux eaux, comme je crois l'avoir déjà marqué. Vendôme de retour avec ses troupes, fort harassées par la vigilance de l'ennemi dans toute cette longue traversée, il fut question de prendre des mesures contre les perfides intentions d'un allié qui s'était laissé débaucher. On fut quelque temps à les résoudre, puis à les arranger, et elles le furent avec tant de secret et de justesse, qu'en un même instant toutes les troupes auxiliaires de Savoie furent désarmées et arrêtées par notre armée. Il devait y avoir cinq mille hommes, mais il en avait peu à peu fait déserter la moitié, et on s'assura de même de ce qu'il y en avait dans les hôpitaux.

Le courrier qui apporta la nouvelle de cette expédition arriva le 5 octobre à Fontainebleau. Torcy fut l'après-dînée chez l'ambassadeur de Savoie. On peut juger de l'éclat de cette action par toute l'Europe, qu'on ne rendit publique à la cour que deux jours après. Le lendemain, l'ambassadeur, de qui Torcy avait pris la parole qu'il ne sortirait point du royaume, par rapport à la sûreté de Phélypeaux, reçut un courrier de son maître, qui lui mandait qu'il allait assembler son conseil sur la nouvelle qu'il recevait de l'arrêt de ses troupes. Il lit prendre en même temps à Chambéry deux mille cinq cents fusils, qu'on envoyait à l'armée d'Italie, et arrêter tous les courriers de France, et tous les Français qui se trouvèrent partout dans ses États. En même temps Vaudemont, qui ne voulait qu'éviter l'embarras du spectacle de quelque part qu'il vînt, ne fut que peu de jours aux eaux, où apprenant la bombé crevée et de notre part, dépêcha un courrier au roi, pour lui mander qu'à cette nouvelle il quittait tout, et s'en allait trouver Vendôme à Pavie, et retourner de là à son armée, qui était sur la Secchia. On en fut encore la dupe, et ce double artifice lui réussit fort bien malgré toutes les assurances qu'il n'avait cessé de donner de la fidélité certaine du duc de Savoie. Bientôt après il en renvoya un autre pour témoigner son zèle, par lequel il manda que M. de Savoie faisait toutes les démarches d'un prince qui se prépare à la guerre. On le savait bien sans lui. Cependant Montendre apporta la défaite par M. de Vendôme, le 28 octobre, de deux mille chevaux que Staremberg envoyait à M. de Savoie, où il n'y eut que vingt hommes de tués de notre parti. Sur l'avis que Phélypeaux et l'ambassadeur d'Espagne à Turin étaient fort resserrés, sans aucune communication entre eux ni avec personne, et un corps de garde posé devant leurs maisons, du Libois, gentilhomme ordinaire, eut ordre de se rendre chez l'ambassadeur de Savoie, d'y loger et de l'accompagner partout. Cet usage en cas de rupture est ordinaire, même à l'égard des nonces. Ce sont d'honnêtes espions et à découvert, à qui la chambre de l'ambassadeur ne peut être fermée pour voir et rendre compte de tout ce qu'il fait et se passe chez lui, mangeant avec lui, et ne le quittant presque point de vue. Quelque incommode, pour ne pas dire insupportable, que soit une telle compagnie, Phélypeaux n'en fut pas quitte à si bon marché. C'était un homme d'infiniment d'esprit et de lecture, éloquent naturellement et avec grâce, la parole fort à la main; extrêmement haut et piquant, qui essuya des barbaries étranges, qui souffrit toutes sortes de manquements et d'extrémités jusque dans sa nourriture, et qui fut menacé plus d'une fois du cachot et de la tête. Il ne se déconcerta jamais, et désola M. de Savoie par sa fermeté, son égalité et la hauteur de ses réponses, de ses mépris, de ses railleries. Ce qu'il a écrit en forme de relation de cette espèce de prison est un morceau également curieux, instructif et amusant. Tessé partit de Fontainebleau pour aller commander en Dauphiné, entrer en Savoie, et commencer ce surcroît de guerre.

Cependant Tallard avait formé le siège de Landau. L'armée du comte de Stirum était détruite par la bataille d'Hochstedt. Celle du prince Louis, mal payée et délabrée, observait de loin l'électeur, et il n'y avait rien au deçà du Rhin qui pût mettre obstacle à l'entreprise. Marsin, fit l'investiture, et la tranchée fut ouverte le 18 octobre. Il eût été heureux que la mésintelligence n'eût pas troublé tout ce qu'il se pouvait faire sur le Danube, et au delà, où il n'y avait plus d'armées en état de s'opposer à rien de ce que l'électeur eût voulu entreprendre. Il était en état de porter la guerre dans les pays héréditaires et de profiter du dénuement de l'empereur, qui de Vienne, voyait le fer et les feux que Ragotzi portait dans son voisinage. Mais une guerre intestine tourmentait plus l'électeur que ses prospérités ne lui donnaient de joie. Villars, continuant à suivre ses projets pour sa fortune particulière, ne cessait de traverser ce prince en tout, de lui refuser ses secours pour toutes entreprises qui ne cadraient pas avec les siennes pour s'enrichir, et de le rendre suspect au roi d'abandonner ses intérêts. Les choses en vinrent au point que Villars cessa d'aller chez l'électeur, hors pour des raisons très rares et indispensables, et d'en user avec lui par ses défiances affectées et ses hauteurs à ne pouvoir plus être supporté. En cette situation, l'électeur assembla chez lui les principaux officiers de l'armée, et en leur présence interpella Villars de lui déclarer s'il agissait avec lui comme il faisait par ordre du roi ou de soi-même; le maréchal n'eut pas le mot à répondre, et cette démarche, qui mit les choses au net, acheva aussi de le rendre fort odieux. Il l'était déjà par ses incroyables rapines et par toute sa conduite avec les troupes, tandis que l'électeur était adoré de tous. De part et d'autre les courriers marchèrent. Villars, ses coffres remplis et sa femme absente, ne désirait rien plus que de sortir d'une si triste situation; et l'électeur demandait formellement d'être délivré d'un homme qui lui manquait à tout avec audace, qui barrait ses projets les plus certains, et qui tête levée ne semblait être venu en son pays que pour le mettre à la plus forte contribution à son profit particulier. Le roi enfin, voyant combien il y avait peu d'apparence de laisser plus longtemps ces deux hommes ensemble, se détermina à leur donner satisfaction en les séparant, et à faire maréchal de France celui qu'il enverrait à la place de Villars, aucun de ceux qui l'étaient déjà n'y paraissant propre. C'en était moins la raison que le prétexte.

Chamillart, avant sa dernière grande fortune, l'avait commencée par l'intendance de Rouen que son père avait aussi eue. Ils y étaient devenus amis intimes des Matignon, au point que le comte de Matignon, père, longues années depuis, du duc de Valentinois, lui quitta pour rien la mouvance d'une terre qu'il avait relevant de Thorigny, ce qui enrichit depuis Matignon sous son ministère, fit son frère maréchal de France et son fils duc et pair et gendre de M. de Monaco dans les suites. Les Matignon avaient marié leurs soeurs comme ils avaient pu. Ils étaient cinq frères et force filles, dont ils cloîtrèrent la plupart, et firent deux frères d'Église: l'un évêque de Lisieux après son oncle paternel; l'autre de Condom, fort homme de bien, mais rien au delà. L'aîné n'eut que deux filles dont il donna l'aînée à son frère, l'autre à Seignelay, qui se remaria au comte de Marsan, et le dernier frère, qu'on appelait Gacé, nous le verrons maréchal de France. Les deux soeurs, l'une jolie et bien faite, épousa un du Breuil, gentilhomme breton, qui portait le nom de Nevet, dont elle ne laissa point d'enfants; l'autre Coigny, père du maréchal d'aujourd'hui.

Coigny était fils d'un de ces petits juges de basse Normandie, qui s'appelait Guillot, et qui, fils d'un manant, avait pris une de ces petites charges pour se délivrer de la taille après s'être fort enrichi. L'épée avait achevé de le décrasser. Il regarda comme sa fortune d'épouser la soeur des Matignon pour rien, et avec de belles terres, le gouvernement et le bailliage de Caen qu'il acheta, se fit tout un autre homme. Il se trouva bon officier et devint lieutenant général. Son union avec ses beaux-frères était intime, il les regardait avec grand respect, et eux l'aimaient fort et leur soeur qui logeait chez eux et qui était une femme de mérite. Coigny, fatigué de son nom de Guillot, et qui avait acheté en basse Normandie la belle terre de Franquetot, vit par hasard éteindre toute cette maison, ancienne, riche et bien alliée. Cela lui donna envie d'en prendre le nom, et la facilité de l'obtenir, personne n'en étant plus en droit de s'y opposer. Il obtint donc des lettres patentes pour changer son nom de Guillot en celui de Franquetot qu'il fit enregistrer au parlement de Rouen, et consacra ainsi ce changement à la postérité la plus reculée. Mais on craint moins les fureteurs de registres que le gros du monde qui se met à rire de Guillot, tandis qu'il prend les Franquetot pour bons; parce que les véritables l'étaient, et qu'il ignore si on s'est enté dessus avec du parchemin et de la cire. Coigny donc, devenu Franquetot et dans les premiers grades militaires, partagea avec les Matignon, ses beaux-frères, la faveur de Chamillart. Il était lors en Flandre, où le ministre de la guerre lui procurait de petits corps séparés. C'était lui qu'il voulait glisser en la place de Villars, et par là le faire maréchal de France. Il lui manda donc sa destination, et comme le bâton ne devait être déclaré qu'en Bavière, même à celui qui lui était destiné, Chamillart n'osa lui en révéler le secret; mais, à ce que m'a dit lui-même ce ministre dans l'amertume de son coeur, il lui mit tellement le doigt sur la lettre, que, hors lui déclarer la chose, il ne pouvait s'en expliquer avec lui plus clairement. Coigny, qui était fort court, n'entendit rien à ce langage. Il se trouvait bien où il était. D'aller en Bavière lui parut la Chine; il refusa absolument, et mit son protecteur au désespoir, et lui-même peu après, quand il sut ce qui lui était destiné.

On se tourna à Marsin, auquel arriva un courrier devant Landau, chargé d'un paquet pour lui, qui en enfermait un autre. Par celui qu'il ouvrit, il lui était ordonné de quitter le siège tout aussitôt, et de prendre le chemin qui lui était marqué pour se rendre en Bavière, où seulement et non plus tôt il devait ouvrir l'autre paquet. En le tâtant il reconnut qu'il y avait un sceau, et comprit que c'était le bâton de maréchal de France. La merveille fut que cela ne le tenta point. Il se sentit blessé de ne l'obtenir que par besoin de lui après la promotion des autres, et fut effrayé du poids dont on voulait le charger. Il renvoya donc le courrier avec des excuses et le paquet, qu'il ne devait ouvrir qu'en Bavière, tel qu'on le lui avait envoyé. Le roi persista et lui redépêcha aussitôt les mêmes ordres avec le même paquet, pour ne l'ouvrir qu'en Bavière. Il fallut obéir. Il partit et rencontra Villars en Suisse, chargé de l'argent de ses contributions personnelles et de l'exécration publique. L'électeur dit à qui le voulut entendre qu'il emportait deux millions comptant de son pays, sans ce qu'il avait tiré du pays ennemi, à quoi avait tendu tout son projet militaire qui lui avait énormément rendu. Les troupes et les officiers généraux ne l'en dédirent point. Il offrit de l'argent avant partir à qui en voudrait emprunter, pour s'en décharger d'autant; mais la haine prévalut, qui que ce soit n'en voulut prendre pour la malice de lui laisser ses coffres pleins, qu'il amena à bon port en France. L'escorte qui l'avait amené ramena Marsin chargé de cent mille pistoles pour l'électeur; il passa avec lui beaucoup d'argent pour la paye et les besoins de nos officiers et de nos troupes, et beaucoup d'autres choses nécessaires pour lesquelles on profita de l'occasion. En joignant l'électeur, il lui rendit le repos, et la joie à toute l'armée. Il ouvrit son paquet et y trouva ses ordres, ses instructions et son bâton, comme il s'en était douté. Le roi le déclara maréchal de France, quand il le crut arrivé. Il fut parfaitement d'accord en tout avec l'électeur, et au gré des troupes et des officiers généraux, et très éloigné de brigandages. Peu après son arrivée, ils firent le siège d'Augsbourg qu'ils prirent en peu de jours, et mirent après les troupes dans les quartiers, qui avaient grand besoin de repos. Le maréchal de Villeroy, à qui les ennemis avaient pris Limbourg, sépara aussi la sienne. Il prit la place du maréchal de Boufflers à Bruxelles, pour commander tout l'hiver sur toutes ces frontières, et Boufflers revint à la cour.

Elle partit de Fontainebleau le 25 octobre, retournant à Versailles par Villeroy et par Sceaux. Le roi avait dans son carrosse Mme la duchesse de Bourgogne, Madame, Mme la duchesse d'Orléans, la duchesse du Lude et Mme de Mailly, qui l'emporta sur la maréchale de Coeuvres, grande d'Espagne. Pour expliquer comment se passa cette préférence, il faut reprendre les choses d'un peu loin. La place de dame d'honneur a presque toujours été remplie dans tous les temps par de grandes dames, quelquefois par des femmes de princes du sang, comme on le voit dans Brantôme. La dernière connétable de Montmorency la fut aussi, et elle était aussi duchesse de Montmorency. Depuis Mme de Senecey et la comtesse de Fleix, sa fille, en survivance, qui furent dames d'honneur de la dernière reine mère, qu'elles survécurent toutes deux, on n'a plus vu de dames d'honneur de reine que duchesses. Ces deux-là le devinrent, quoique veuves en 1663 [17] . Randan fut érigé pour elles deux conjointement et pour M. de Foix, fils aîné de la comtesse de Fleix, à qui, par mort sans enfant, le dernier duc de Foix succéda comme ayant été appelé par les lettres, en qui cette illustre et heureuse maison de Grailly, dite de Foix, s'éteignit avec son duché-pairie.

La marquise de Senecey, dame d'honneur de la reine mère et intimement dans sa confidence, fut chassée lors de l'éclat du Val-de-Grâce, où le chancelier Séguier eut ordre d'aller fouiller la reine jusque dans sa gorge, et dont, en homme d'esprit et adroit, il s'acquitta sans reproches du roi, ni rien perdre dans les bonnes grâces du cardinal de Richelieu, mais de manière qu'il en mérita celles de la reine, qui de sa vie n'oublia ce service. Il était question d'intelligence fort criminelle avec l'Espagne. Il se trouva d'ailleurs assez de choses pour que la fameuse duchesse de Chevreuse se sauvât hors du royaume, et que Beringhen, premier valet de chambre du roi, s'enfuît à Bruxelles, ce qui fit depuis son incroyable fortune. De cette affaire, Mme de Senecey fut exilée à Randan, et pas un d'eux ne revint qu'à la mort de Louis XIII. Aussitôt après, la reine, devenue régente, les rappela, chassa Mme de Brassac, tante paternelle de M. de Montausier, duc et pair si longtemps après, rendit à Mme de Senecey sa charge de dame d'honneur, que Mme de Brassac avait eue, et en donna en même temps la survivance à la comtesse de Fleix pour l'exercer conjointement avec la marquise de Senecey, sa mère, qui rentrèrent dès ce moment dans la plus grande faveur et la plus haute considération, qui a toujours duré égale jusqu'à la mort de la reine. Lorsque le rang des Bouillon se fut établi et que celui de Rohan commença à poindre, ces deux dames obtinrent un tabouret de grâce. Une assemblée de noblesse protégée par Gaston, lieutenant général de l'État, fit ôter ces rangs sans titres et ces tabourets de grâce, qui furent rendus après les troubles de la régence; et lors de cette monstrueuse promotion de quatorze érections de duchés-pairies en 1663, celle de Randan en fut une, comme je viens de le dire, en faveur de la mère, de la fille et du petit-fils.

Jusqu'au retour de Mme de Senecey, aucune dame d'honneur de la reine n'avait disputé la préférence du carrosse à aucune duchesse, ni même l'honneur de donner la chemise à la reine et de lui présenter la sale, qui était déféré sans difficulté à la plus ancienne duchesse qui se trouvait présente quand il n'y avait point de princesse du sang. La sale est une espèce de soucoupe de vermeil sur laquelle les boites, étuis, montres et l'éventail de la reine lui étaient présentés couverts d'un taffetas brodé, qui se lève en la lui présentant. Il y a toute apparence que Mmes de Senecey et de Fleix se prévalurent, à leur retour, et de la faveur de la reine et de celle de la comtesse d'Harcourt et de la duchesse de Chevreuse auprès d'elle, qui la tournèrent entièrement pour la maison de Lorraine contre les ducs, pour se mettre en possession de présenter toujours la sale et donner la chemise, sous prétexte de ne donner point de préférence aux duchesses ni aux princesses lorraines, qui pourtant ne faisaient que commencer à le disputer par la faveur des deux que je viens de nommer. Pour le carrosse, Mmes de Senecey et de Fleix n'y entreprirent rien, parce qu'apparemment que, ne s'agissant pas là de fonctions, elles n'y purent trouver de prétexte. Il vint depuis au mariage du roi. La maréchale de Guébriant, nommée dame d'honneur et point duchesse, mourut en allant trouver la cour en Guyenne, et ne vit jamais la reine. Mme de Navailles, dont le mari était duc à brevet, qui avait tellement été attaché au cardinal Mazarin, dont il commandait les chevau-légers, qu'il avait été son correspondant intime et son homme de la plus grande confiance pendant ses deux absences hors du royaume, fut nommée à la place de la maréchale de Guébriant. Elle était en Gascogne dans les terres de son mari, qui ne songeait à rien moins, et qui n'eut que le temps d'arriver pour le mariage. Le cardinal Mazarin, qui fit tout pour que le comte de Soissons ne se trouvât pas mal marié à sa nièce, venait d'inventer pour elle la charge jusqu'alors inconnue de surintendante de la maison de la reine, et pour conserver toute préférence à la reine mère avec laquelle il avait toujours été si uni, à qui il devait tout, et que le roi respectait si fort, il fit en même temps la princesse de Conti, son autre nièce, surintendante de sa maison. Cette dernière, étant princesse du sang, emportait beaucoup de choses par ce rang; mais sa piété, l'extrême délicatesse de sa santé, son attachement à M. le prince de Conti, presque toujours dans son gouvernement de Languedoc, ne lui permettaient guère d'exercer cette charge. Elle était tout aux dépens de celle de dame d'honneur prise sur le modèle du grand chambellan, avant qu'il fût dépouillé par les premiers gentilshommes de la chambre.

La comtesse de Soissons, toujours à la cour, où elle donnait le ton par sa faveur auprès du roi qui dans ces temps-là ne bougeait de chez elle, faisait sa charge, et Mme de Navailles n'avait garde de se commettre avec elle à cause du roi et du cardinal, son oncle, dont le mari était la créature. La reine ne connaissait personne dans ces commencements; à peine s'expliquait-elle en français. La comtesse de Soissons montait dans son carrosse, et lui nommait les dames à appeler, et les appelait pour la reine. Cet usage introduit fut suivi par la duchesse de Navailles, lorsque la comtesse de Soissons ne s'y trouvait pas. Mme de Montausier, duchesse à brevet, lui succéda et en usa de même, et cet établissement a toujours continué, depuis lequel il a valu la préférence aux dames d'honneur dans le carrosse sur tout ce qui n'est point princesse du sang. Pour les dames d'atours jamais pas une n'y avait songé, non pas même la comtesse de Béthune, si longtemps dame d'atours de la reine, si fort et toujours sa favorite, et si considérée par elle-même, par son beau-père et par son mari, illustres par leurs charges et leurs négociations, et par le comte, depuis duc de Saint-Aignan son frère, si bien alors avec le roi, en si grande privance et premier gentilhomme de sa chambre. Jusqu'à Mme de Mailly, il n'avait donc pas été question de nulle prétention des dames d'atours. Celle-ci, fort glorieuse, nièce de Mme de Maintenon, mariée de sa main, et parfaitement bien alors avec elle, imagina cette préférence, la tortilla longtemps, bouda, et, trouvant enfin sa belle contre un enfant comme la maréchale de Coeuvres, dont le roi s'amusait comme telle (lequel n'aimait pas les rangs, et Mme de Maintenon beaucoup moins qui avait bien ses raisons pour cela), l'emporta, non par une décision que Mme de Mailly ne put obtenir, mais par silence sur son entreprise, qui en fut une approbation tacite dont elle sut se prévaloir. Cela ne laissa pas de faire du bruit et de paraître étrange; elle dit qu'elle n'imaginait pas disputer aux titrées, ni avoir jamais que la dernière place; mais qu'elle était nécessaire dans le carrosse, pour y porter et y donner à Mme la duchesse de Bourgogne des coiffes et d'autres hardes légères à mettre par-dessus tout, à cause des fluxions, à quoi elle était sujette. En effet elle n'eut jamais que la dernière place, mais elle se conserva dans la préférence que sa faveur lui fit embler.

Suite
[17]
Voy. t. Ier, p. 449, la réception des ducs et pairs à la séance du 15 décembre 1663.