CHAPITRE XIV.

1706

M. le duc d'Orléans, sous la tutelle de Marsin, empêché par lui d'arrêter le prince Eugène au Taner; chiffres. — Armée de M. le duc d'Orléans à Turin. — Mauvais état du siège et des lignes. — Conduite pernicieuse de La Feuillade. — M. le duc d'Orléans empêché par Marsin de disputer la Doire, pois de sortir des lignes et d'y combattre. — Conseil de guerre déplorable. — M. le duc d'Orléans cesse de donner l'ordre et de se mêler de rien. — Cause secrète de ces contrastes. — Dernier refus de Marsin. — M. le duc d'Orléans, à la prière des soldats, reprend le commandement sur le point de la bataille. — Étrange abusement de Marsin. — Triple désobéissance et opposition formelle de La Feuillade à M. le duc d'Orléans. — Bataille de Turin. — Belle action de Le Guerchois lâchement abandonné. — M. le duc d'Orléans veut faire retirer l'armée en Italie. — Frémissement des officiers généraux, qui, par leurs ruses, leur audace, leur désobéissance, le forcent enfin à la retraite en France. — Motif d'une si étrange conduite. — La nouvelle de la bataille portée au roi. — Désordres de la retraite sans aucuns ennemis. — Chaîne des causes de désastre devant Turin et de ses suites. — Mort de Marsin prisonnier; son extraction, son caractère. — La Feuillade, de négligence ou de dessein, prive M. le duc d'Orléans de la communication avec l'Italie par Ivrée. — Prises de la Feuillade avec Albergotti. — Désespoir feint ou vrai de La Feuillade. — Origine de l'amitié de M. le duc d'Orléans pour Besons, qui le demande. — Besons le joint venant des côtes de Normandie.

M. le duc d'Orléans, abandonné à lui-même par M. de Vendôme, et ce qui fut bien pis, à la tutelle du maréchal de Marsin, laissa un corps à Médavy pour donner ordre aux convois et à toutes choses, subordonné au prince de Vaudemont qui ne bougeait de milan, rassembla tout ce qui était séparé de son armée, envoya demander par deux fois un corps de cavalerie à La Feuillade, qu'il eut grand'peine à obtenir. Après avoir observé les ennemis quelques jours, il résolut de se poster entre Alexandrie et Valence pour leur empêcher le passage du Taner [15] , ou les réduire à un combat. Ce passage était le seul par lequel ils pussent pénétrer. Ne le point tenter, c'était abandonner le secours de Turin; le vouloir forcer, c'était s'exposer à un combat si désavantageux qu'il y avait une espèce d'évidence qu'ils n'y pourraient jamais réussir.

Le prince le proposa au maréchal et ne le put persuader. D'en donner la raison, c'est à quoi il ne faut pas prétendre, puisque Marsin n'en allégua pas même d'apparente. Il était maîtrisé par La Feuillade qui désirait ardemment de se voir rapproché par l'armée. Marsin ne songeait qu'à satisfaire le gendre du tout-puissant ministre et à lui plaire. Tous deux ne voyaient pas qu'empêcher le secours de Turin, c'était tout faire, même pour le succès personnel de ce gendre fatal.

Tandis que le prince et le maréchal en étaient sur cette dispute, un courrier du prince Eugène à l'empereur fut enlevé par un de nos partis, et ses dépêches étaient en chiffres, comme on peut bien le juger. Le prince eut beau feuilleter les siens, il n'en trouva point de semblables. Marsin, venu de Flandre par l'Alsace et la Suisse, n'avait garde d'en avoir. On envoya à Vaudemont qui manda n'avoir point ce chiffre. Il fallut donc dépêcher un courrier au roi qui se trouva l'avoir oublié au fond d'une cassette. Le courrier le rapporta, mais quand? Le soir même de la bataille de Turin. Les dépêches déchiffrées à Versailles et rapportées avec le chiffre du roi contenaient un grand raisonnement du prince Eugène à l'empereur, précisément le même que celui que M. le duc d'Orléans avait fait à Marsin. Il se terminait à déclarer que si ce prince se postait où il l'avait si opiniâtrement proposé à Marsin, il était extravagant, c'était le terme de la lettre, de tenter ce passage, impraticable de passer le Taner ailleurs, qu'ainsi il se trouverait réduit à se résoudre à tout sur la perte de Turin qu'il ne pourrait empêcher après avoir fait tout le possible, et à la supporter sans y ajouter celle de l'armée impériale, inévitable, et par cela même inutile pour sauver Turin, en essayant follement de forcer un passage inattaquable. Telle fut la justification ou plutôt l'éloge de M. le duc d'Orléans par le prince Eugène à l'empereur dans une dépêche la plus secrète, que le roi et son ministre virent de la première main, puisque, faute de chiffre, elle leur avait été envoyée pour la déchiffrer. Tel fut le désespoir que le roi et son ministre durent ressentir d'avoir donné de si fatales brassières à un prince qui en avait si peu besoin, et encore de si mauvaises.

Marsin donc n'ayant pu être persuadé, ce fut au duc d'Orléans à céder, peu à peu à s'approcher de Turin et à joindre l'armée du siège. Il y arriva le 28 août au soir. La Feuillade, désormais sous deux maîtres présents, semblait devoir devenir plus docile; mais devenu si rapidement général en chef, et d'une si importante armée, il ne songea qu'à se conserver l'effective autorité. Il n'avait besoin que de Marsin, sans lequel il n'ignorait pas que le prince ne pouvait rien. Avec celui-ci il n'eût pas trouvé son compte. Sa fortune ne dépendait pas de Chamillart, il n'avait d'objet que le succès d'où dépendait sa gloire, et s'il eût été le maître, rien ne l'eût détourné de ce double objet. La Feuillade se tourna donc uniquement à se saisir du maréchal, et il prit sur lui un ascendant si fort qu'à l'ordre près qu'il donnait après l'avoir reçu du prince, tout le reste demeura visiblement à La Feuillade, au grand malheur de la France.

Le but commun était bien de prendre Turin, mais la manière d'y parvenir et les moyens formèrent des contestations sans nombre. M. le duc d'Orléans fut d'abord justement scandalisé que La Feuillade eût changé tout ce qu'il avait réformé et ordonné à son passage au siège, allant joindre M. de Vendôme. Cela lui parut si essentiel pour le succès qu'il le fit rétablir, quoique avec douceur et modestie. En effet, avec le chemin couvert pris, il se pouvait dire qu'il ne trouva aucun progrès au siège. La Feuillade avait perdu des contre-gardes et d'autres ouvrages qu'il avait pris, et qui avaient coûté plusieurs ingénieurs et beaucoup de monde. Rien n'avançait, et de plus, on ne savait par où s'y prendre pour avancer. La Feuillade, devenu de mauvaise humeur de son peu de succès, s'était rendu inabordable, et s'était acquis une telle haine des officiers généraux et particuliers, qu'ils ne se souciaient plus, pas un, des événements. M. le duc d'Orléans reconnut les postes et les travaux du siège; il visita les lignes et le terrain par où le prince Eugène pouvait venir et tenter le secours. Il fut mal content de tout ce qu'il remarqua au siège, il trouva les lignes mauvaises, très imparfaites, très vastes et très mal gardées.

Il recevait cependant des avis de toutes parts que l'armée impériale s'avançait, résolue de tenter le secours. Il voulut marcher à elle et se saisir des passages de la Doire pour y faire à la vérité moins sûrement et moins bien qu'à ceux du Taner, mais mieux au moins que dans des lignes si étendues, si mal faites et si impossibles à garder partout. Il trouva la même opposition pour la Doire qu'il avait éprouvée pour le Taner. Marsin prétendit qu'en s'éloignant du siège, on pourrait jeter de la poudre dans la place qui en manquait, dont on ne pouvait douter parce qu'on avait trouvé plusieurs peaux de bouc qui en étaient pleines nageant sur le Pô, qu'on y avait prises, et qui y avaient été jetées dans l'espérance que le courant de l'eau les porterait aux assiégés. Le fait était vrai, mais la réponse aisée. Ce que craignait Marsin était incertain, et il ne l'était pas que ces poudres jetées dans la place n'en différeraient que peu la prise et ne la pourraient empêcher si le prince Eugène l'était de la secourir. Cette évidence de raisons fut inutile; jamais Marsin ne se laissa entamer.

Les ennemis s'approchant toujours, le prince pressa le maréchal de sortir des lignes telles que je les ai décrites, et qui ne se pouvaient garder, de présenter la bataille au prince Eugène, avec tous les avantages qui se trouveraient perdus dans des lignes nouvellement tracées, point achevées, et d'une étendue qui ne se pouvait garder. Le prince Eugène marchait depuis longtemps par des pays si ruinés, que son armée n'en pouvait plus; qu'il était impossible qu'il pût subsister vis-à-vis de la nôtre sans laisser périr la sienne de misère; qu'il ne hasarderait peut-être pas de l'exposer en rase campagne à l'impétuosité française, et en ce cas, qu'il abandonnerait le secours de Turin, qui tomberait après nécessairement; que, s'il donnait la bataille, rien n'était plus différent pour des Français que la donner aussi de leur côté, d'attaquer et de se manier en terrain libre, ou de ne faire que se défendre derrière de mauvaises lignes qui seraient percées de tous les côtés; de plus, si les troupes, harassées du prince Eugène étaient battues, elles se trouveraient sans retraite entre notre armée et la Savoie, dont nous étions maîtres, ayant été obligées à faire ce grand tour, parce que tout l'autre côté était inaccessible.

Marsin, gourmandé par La Feuillade, répondit que toutes ces raisons étaient véritables, mais que le parti proposé par le prince ne se pouvait prendre qu'en fortifiant l'armée des quarante-six bataillons qu'Albergotti avait sur la hauteur des Capucins, par où la place pourrait alors recevoir quelques secours. Cela était vrai, et vrai encore, que rien de plus inutile qu'une armée sur cette hauteur à rien faire qu'à la garder de petites tentatives, à quoi peu de bataillons auraient suffi, et qui cependant avait porté un grand affaiblissement au reste des troupes du siège, À cette raison du maréchal la réponse était la même qu'à celle des poudres. Ce secours à jeter par la hauteur des Capucins dégarnie était incertain, il ne pouvait être grand, il ne pouvait être préparé ni appuyé d'aucunes troupes, et si, avec ce secours, le prince Eugène se trouvait réduit à n'oser combattre ou être battu, Turin était sans ressource, et avec ce peu de secours jeté par les Capucins, était pris à l'aise quinze jours plus tôt ou plus tard.

Cette dispute s'échauffa tellement que Marsin consentit à un conseil de guerre où tous les lieutenants généraux furent appelés. La matière y fut débattue. Mais La Feuillade, gendre favori du ministre arbitre de la fortune de tout homme de guerre, et Marsin, dépositaire, disait-on, du secret, n'avaient garde de n'être pas suivis. Le seul d'Estaing parla en homme d'un courage libre (M. le duc d'Orléans ne l'oublia jamais), et seul aussi y acquit de l'honneur. Albergotti, Italien raffiné, prévit la honte et l'orage, et se tint à son poste sous prétexte de l'éloignement. Tous les autres opinèrent servilement, de sorte que ce remède rendit le mal incurable. M. le duc d'Orléans protesta devant tous des malheurs qui en allaient arriver, déclara que, n'étant maître de rien, il n'était pas juste qu'il essuyât l'affront que la nation allait recevoir, et le sien particulier encore, demanda sa chaise de poste, et à l'instant voulut quitter l'armée. Marsin, La Feuillade et les plus distingués de ce conseil de guerre, mirent tout en oeuvre pour l'arrêter. Revenu enfin de ce premier mouvement, content peut-être d'avoir marqué sa fermeté jusqu'à ce point, et si fortement manifesté combien peu l'événement imminent lui pouvait être imputé, il consentit à demeurer. Mais en même temps il s'expliqua qu'il ne se mêlerait plus du tout du commandement de l'armée, jusque-là même qu'il refusa de donner l'ordre et qu'il renvoya tout à Marsin, à La Feuillade et à quiconque en voudrait prendre le soin. Il l'exécuta de la sorte, sans pouvoir être ramené. Le fin d'une opiniâtreté si funeste était la folle espérance, uniquement fondée sur la grandeur du désir, que le prince Eugène n'oserait attaquer les lignes; que, se retirant ainsi, Turin serait pris, non par l'armée du duc d'Orléans, non par sa victoire, non par son fait, mais par le siège et les lignes dont La Feuillade avait eu la direction comme général, et par conséquent n'en partagerait la gloire avec personne. Tel est le vrai fait, qui, soutenu de captieuses raisons, et soutenu de tout le feu d'une bouillante et puissante jeunesse, asservit Marsin et finit par égorger la France. Tel fut l'état des choses pendant les trois derniers jours de ce siège désastreux. Le duc d'Orléans, dépossédé par lui-même, souvent chez soi, quelquefois se promenant, écrivit fortement au roi contre le maréchal, en lui rendant un compte exact de toutes choses, fit lire sa lettre à Marsin, la lui laissa, et le chargea de l'envoyer par le premier courrier qu'il dépêcherait, n'en voulant plus envoyer lui-même, comme n'étant plus rien dans l'armée.

La nuit du 6 au 7, qui fut le jour de la bataille, quoiqu'il ne se mêlât plus de quoi que ce fût, il ne laissa pas d'être réveillé par un billet qu'on lui apporta d'un partisan qui lui mandait que le prince Eugène attaquait le château de Pianezze pour y passer la Doire, qu'il était assuré qu'il marcherait aussitôt après à lui pour l'attaquer. Malgré son dépit et sa résolution, le prince se lève, s'habille à la hâte, va lui-même chez Marsin qui dormait tranquillement dans son lit, l'éveille, lui montre le billet qu'il venait de recevoir, lui propose de marcher aux ennemis à l'heure même, de les attaquer, de profiter de leur surprise et d'un ruisseau difficile qu'ils avaient à passer, s'il les trouvait déjà maîtres du château de Pianezze et en marche pour venir sur lui. La supputation du temps et du chemin n'était pas douteuse. Saint-Nectaire, longtemps depuis chevalier de l'ordre, et fort entendu à la guerre, arriva en ce moment de dehors chez Marsin. Il confirma l'avis du partisan et appuya l'avis du prince; niais il était résolu dans les décrets éternels que la France serait frappée au coeur ce jour même.

Le maréchal fut inébranlable, tout ce qui allait à sortir des lignes était proscrit par la raison secrète que j'en ai expliquée. Il maintint que l'avis était faux, que le prince Eugène ne pouvait arriver si promptement sur eux, et conseilla à M. le duc d'Orléans de s'aller reposer sans avoir jamais voulu donner aucun ordre. Le prince, plus piqué et plus dégoûté que jamais, se retira chez lui, bien résolu de tout abandonner aux aveugles et aux sourds qui ne voulaient rien voir ni entendre.

Peu après qu'il fut rentré dans sa chambre, les avis vinrent de toutes parts de l'approche du prince Eugène. Il ne s'en ébranla point. D'Estaing et quelques autres officiers généraux qui vinrent chez lui le forcèrent malgré lui de monter à cheval. Il s'avança négligemment au petit pas le long de la tête du camp. Tout ce qui se passait depuis quelques jours avait fait trop de bruit pour que toute l'armée n'en fût pas instruite, jusqu'aux soldats. Son rang, la justesse et la fermeté de ses avis, dont les vieux soldats ne sont pas incapables d'être quelquefois bons juges, ce que plusieurs d'entre eux se souvenaient de lui avoir vu faire à Leuze, à Steinkerque, à Neerwinden, les faisait murmurer de ce qu'il ne voulait plus commander l'armée. Comme il passait donc de la sorte à la tête des camps, un soldat de Piémont l'appela par son nom, et lui demanda s'il leur refuserait son épée. Ce mot fit plus que n'avaient pu les officiers généraux qui lavaient été tirer de chez lui. Il répondit au soldat qu'il la lui demandait de trop bonne grâce pour en être refusé, et mettant à l'instant à ses pieds tant de mécontentements si vifs et si justes, il rie pensa plus qu'à secourir Marsin et La Feuillade malgré eux-mêmes.

Mais il n'était plus possible de sortir des lignes, quand bien même ils y auraient consenti. L'armée ennemie commençait à paraître, et s'avança si diligemment, que le temps manqua pour achever les dispositions. Marsin, plus mort que vif, voyant ses espérances trompées, abîmé dans les réflexions qui n'étaient plus de saison, parut comme un homme condamné, incapable de donner aucun ordre à propos. Les vides étaient grands dans les lignes. M. le duc d'Orléans envoya chercher les quarante-six bataillons d'Albergotti, qui, sur cette hauteur des Capucins, demeuraient également éloignés et inutiles contre la place et contre le prince Eugène. Mais La Feuillade, bien plus craint et obéi que le prince, avait défendu à Albergotti de bouger, et il ne bougea malgré les ordres réitérés de M. le duc d'Orléans. Il y renvoya encore les chercher; en même temps La Feuillade leur envoya défendre de marcher, et ils ne bougèrent encore. Cependant le duc d'Orléans, pour remplir un peu les intervalles de la première ligne si dégarnie, y mêla des escadrons avec les bataillons, et la fortifia en affaiblissant sa seconde ligne, comptant toujours que les quarante-six bataillons d'Albergotti allaient arriver. En attendant, il envoya hâter d'autres troupes un peu éloignées de passer un petit pont et de venir à lui garnir les lignes. Mais La Feuillade encore poussé de je ne sais quel démon, et qui sut cet ordre, s'en alla lui-même se mettre sur ce petit pont et les arrêter. La désobéissance fut telle que M. le duc d'Orléans, ayant lui-même commandé à un officier qui menait un escadron du régiment d'Anjou de le faire marcher, il le refusa, sur quoi le prince lui balafra le visage et le fit dire au roi.

L'attaque, commencée sur les dix heures du matin, fut poussée avec une incroyable vigueur et soutenue d'abord de même. Langallerie, qui avait fort servi le prince Eugène dans la marche, ne lui fut pas moins utile dans l'action. Il perça le premier par des intervalles que le petit nombre de nos troupes laissait ouverts. Le prince Eugène y courut avec des troupes; d'autres intervalles où on ne put suffire donnèrent entrée à d'autres troupes. Marsin, vers le milieu du combat, reçut un coup qui lui perça le bas-ventre et lui cassa les reins; [il fut] pris en même temps et conduit en une cassine éloignée. La Feuillade courait éperdu partout, s'arrachant les cheveux et incapable de donner aucun ordre. Le duc d'Orléans les donna tous, mais fort mal obéi. Il fit des merveilles, toujours dans le plus grand feu avec un sang-froid qui voyait tout, qui distinguait tout, qui le conduisait partout où il avait le plus à remédier et à soutenir par son exemple qui animait les officiers et les soldats. Blessé d'abord assez légèrement vers la hanche, ensuite près du poignet dangereusement et très douloureusement, il fut inébranlable. Voyant que tout commençait à s'ébranler, il appelait les officiers par leur nom, animait les soldats de la voix, et mena lui-même les escadrons et les bataillons à la charge. Vaincu enfin par la douleur, et affaibli par le sang qu'il perdait, il fut contraint de se retirer un peu pour se faire panser. À peine en donna-t-il le temps, et retourna où le feu était le plus vif. Mais le terrain, l'ordre, la discipline, tout semblait de concert pour confondre les Français.

Trois fois Le Guerchois, avec sa brigade de la vieille marine, avait repoussé les ennemis avec beaucoup de carnage, encloué leur canon, et trois fois réparé la bataille, lorsque, affaibli par tout ce qu'il avait perdu d'officiers et de soldats, il manda à la brigade voisine qui le devait soutenir de s'avancer pour faire front avec la sienne, et l'empêcher d'être débordé par un plus grand nombre de bataillons frais qu'il voyait venir à lui pour la quatrième fois. Cette brigade et son brigadier, desquels il faut ensevelir la mémoire, le refusèrent tout net.

Ce fut le dernier moment du peu d'ordre qu'il y eut en cette bataille. Tout ce qui suivit ne fut que trouble, confusion, débandement, fuite, déconfiture. Ce qu'il y eut de plus horrible, c'est que les officiers généraux et de tout caractère, j'en excepte bien peu, plus en peine de leur équipage et de la bourse qu'ils avaient faite par leur pillage, l'augmentèrent plus qu'ils ne s'y opposèrent, et furent pis qu'inutiles.

M. le duc d'Orléans, convaincu enfin qu'il était désormais impossible de rétablir cette malheureuse journée, se tourna à y laisser le moins qu'il se pourrait. Il retira son artillerie légère, ses munitions, tout ce qui était au siège et aux travaux les plus avancés, songea à tout avec une si grande présence d'esprit que rien ne lui échappa. Enfin, ramassant autour de lui ce qu'il put d'officiers généraux, il leur exposa courtement, mais avec justesse, qu'il n'était plus temps que de penser à la retraite, et à prendre le chemin d'Italie, que par ce parti ils y demeureraient maîtres, enfermeraient l'armée victorieuse autour de Turin, lui empêcheraient tout retour en Italie, la feraient périr dans un pays entièrement ruiné et désolé, dans l'impossibilité d'y subsister et d'en sortir, encore moins de s'y réparer, tandis que l'armée du roi, lui fermant la communication de tout secours, se trouverait dans un pays abondant où ils seraient les plus forts, à portée de tout et de tout entreprendre avec temps et loisir.

Cette proposition effaroucha au dernier point des esprits peu rassurés, et qui espéraient au moins ce fruit de leur désastre, qu'il leur procurerait le retour si désiré en France, pour y porter leur argent, dont ils s'étaient gorgés à toutes mains en Italie. La Feuillade, à qui tant de raisons devaient fermer la bouche, se mit si bien à combattre cet avis, que le prince, poussé à bout d'une effronterie si soutenue, lui imposa [silence] et fit parler les autres. D'Estaing fut encore le seul qui appuya l'avis de l'Italie. Le débat tint du désordre de la journée, et de l'abattement où la blessure de M. le duc d'Orléans l'avait mis. Il le finit en leur disant que le temps ni le lieu n'étaient pas susceptibles d'une plus longue dispute; que las enfin d'avoir eu tant de raison et si peu de créance, il s'en voulait faire croire à son tour maintenant qu'il était libre, et donna l'ordre de marcher au pont et de se retirer en Italie. Il n'en pouvait plus. Son corps et son esprit s'épuisaient également. Après avoir marché quelque temps, il se jeta dans sa chaise de poste. Il continua ainsi la marche, et traversa le Pô sur le pont, entendant derrière lui des officiers généraux qui murmuraient tout haut du parti qu'il prenait, désespérés de se revoir en Italie, et sans communication avec la France qui leur tenait si fort au coeur. Ce bruit alla même si loin, surtout de l'un d'entre eux, que le duc d'Orléans, trop justement irrité, ne put s'empêcher de passer sa tête par la portière, de lui reprocher sa maîtresse par son nom, et de lui dire que, pour ce qu'il faisait à la guerre, il ferait mieux de rester avec elle; cette sortie fit taire chacun.

Mais il était arrêté que l'esprit d'erreur et de vertige déferait seul notre armée et sauverait les alliés. Comme on débouchait le pont, du côté d'Italie, d'Arennes, major général et officier général, vint à toute bride devers la tête du corps d'Albergotti. Il présenta un officier à M. le duc d'Orléans, lui dit que les ennemis occupaient les passages par où il était indispensable de passer. Sur les questions du prince, l'officier l'assura que ce poste était bien retranché, occupé par le régiment de la Croix-Blanche, dont entre autres il avait bien reconnu les drapeaux, et qu'il se croyait sûr aussi d'y avoir reconnu la personne de M. le duc de Savoie. Malgré un rapport si positif, le prince, en trop juste défiance après tout ce qu'il avait vu et entendu sur ce parti d'Italie, voulut qu'on continuât la marche, quitte à revenir si les passages se trouvaient occupés de manière à ne pouvoir forcer et passer. On continua, et en attendant on envoya les reconnaître. Les officiers généraux n'en voulurent pas être les dupes. Le chemin vers nos Alpes était sans danger. Ils le firent prendre, et depuis continuer, à ce qu'on avait de vivres et de munitions, tellement qu'après une demi-journée de marche, et des rapports des passages fort équivoques, on avertit M. le duc d'Orléans qu'il n'avait ni vivres ni munitions, qui, ayant pris et continué la route du côté de France, lui rendait celle d'Italie impossible, que d'ailleurs on lui maintenait toujours fermée par les ennemis. La rage et le désespoir de tant de criminelles désobéissances, pour ne pas dire de trahisons redoublées, jointes à la douleur de sa blessure et à la faiblesse où il se trouvait, le firent retomber au fond de sa chaise, et dire qu'on allât donc où on voudrait et qu'on ne lui en parlât plus.

Telle est l'histoire de la catastrophe d'Italie. On sut depuis que tout le rapport de cet officier, mené par d'Arennes, était entièrement controuvé; qu'il n'y avait personne dans aucun passage pour disputer celui d'Italie, pas même le moindre obstacle, et pour combler les regrets, l'avantage que Médavy remporta deux jours après, par lequel, en arrivant, M. le duc d'Orléans se fût trouvé maître absolu de toute la Lombardie, et d'acculer sans ressource le prince Eugène entre lui et la Savoie que nous tenions. C'est ce qui combla la douleur de ce prince en arrivant à Oulx, au milieu des Alpes, où il était en sûreté entre ses quartiers, ne pouvant passer outre par l'état de sa blessure.

Saint-Léger, un des premiers valets de chambre de M. le duc d'Orléans, dépêché au roi avec cette cruelle nouvelle, arriva à Versailles, le mardi 14 septembre, avant le lever du roi, et annonça Nancré avec le détail.

L'armée, dans ce subit retour, marcha donc à colonne renversée sur Pignerol. Ce changement de disposition lit que quantité d'équipages qui, sans le savoir, se trouvèrent à l'arrière-garde, furent pillés ou perdus la nuit dans la montagne. Albergotti, dont, comme on l'a vu, les troupes n'avaient pas combattu, fut chargé de cette arrière-garde, et la fit très bien nonobstant la nuit et la longueur de la queue, l'embarras des défilés continuels et la confusion de la nuit. Du côté des ennemis il n'eut pas la moindre inquiétude.

Comblés d'une joie d'autant plus grande qu'elle était moins espérée, ils se contentèrent de leurs succès qu'ils avaient encore peine à croire. Leur armée n'en pouvait plus. Elle n'eut donc garde de songer à troubler la retraite. On a vu que l'artillerie, les munitions et tout ce qui était dans les postes les plus avancés du siège avait été entièrement retiré, sans aucun obstacle. On a su positivement depuis que le prince Eugène avait tout à fait pris le parti de cesser l'attaque et de faire sa retraite, si Le Guerchois eût soutenu la quatrième et dernière charge dont j'ai parlé, à laquelle il succomba et fut pris par l'insigne lâcheté du brigadier et de la brigade qui refusa de le secourir. On sut encore que Turin n'avait pas pour plus de quatre jours de poudre. Enfin rien ne manqua pour les transporter de la joie la plus complète, et nous de la plus cuisante douleur.

Il ne fallut pas moins qu'un enchaînement de miracles pour produire un si grand effet, dont un seul manqué, et lequel de tous que ce pût être, emportait la ruine de l'entreprise. Vendôme, comme on l'a vu, en eut le premier déshonneur, que Marsin consomma et que La Feuillade combla. Le siège mal enfourné pour les attaques, languissamment poussé par les folles courses de La Feuillade; les rivières et le Pô passés par la négligence de Vendôme; l'obstacle du Taner, qui était invincible, méprisé par Marsin, pour le faux intérêt de La Feuillade; la folie de se mettre dans des lignes mal faites, imparfaites, la plupart à peine tracées et d'une étendue à ne les pouvoir garder; l'opiniâtreté de ne vouloir pas aller au-devant des ennemis, sur ce château de Pianezze, harassés et qu'on y aurait surpris dans l'embarras de passer un ruisseau difficile; le servile succès de ce conseil de guerre; l'inutilité de quarante-six bataillons, c'est-à-dire d'une armée entière, et pour le siège, et pour la garde des lignes, et pour le combat; la triple désobéissance de La Feuillade pour arrêter ces troupes aux Capucins, malgré deux ordres exprès de M. le duc d'Orléans, et la troisième d'avoir arrêté d'autres troupes sur ce petit pont, que ce prince avait envoyé chercher en diligence pour garnir ses lignes; l'insigne confiance de Marsin, et son opiniâtreté jusqu'à l'instant de l'arrivée du prince Eugène, tout cela conduit par le seul intérêt de La Feuillade de ne partager pas sa conquête avec M. le duc d'Orléans, et la crainte de Marsin, subjugué par le gendre, de déplaire au beau-père; enfin, pour dernier coup, la lâcheté si punissable de ce refus de secours à Le Guerchois et à sa brigade, qui fut le dernier assommoir qui détermina la victoire d'une part, le désordre et la fuite de l'autre; voilà la chaîne de tant d'incroyables miracles pour la délivrance de Turin.

Après, pour la retraite: la révolte, l'intérêt lâche et pécuniaire des officiers généraux; la supposition de d'Arennes ou de son officier; l'envoi clandestin des vivres et des munitions par les Alpes, pour rendre toute autre retraite impossible; un concert continuel de mauvaise foi, de désobéissance, pour ne pas dire de trahison; ce sont d'autres miracles qui sauvèrent l'Italie, Turin dans les suites, et l'armée victorieuse qui serait périe avec la place faute d'issue, de vivres et de secours. À tout cela, qui peut méconnaître la main de Dieu toute-puissante, mais qui peut douter du crime de ceux de nos François qui en ont été les agents?

Marsin, gagnant cette cassine éloignée où il fut conduit, demanda une seule fois si M. le duc d'Orléans était tué. Arrivé là avec un aide de camp et deux ou trois domestiques, il envoya chercher un confesseur, dicta quelque chose sur ses affaires, mit dans un paquet pour M. le duc d'Orléans la lettre que ce prince avait écrite au roi contre lui, et qu'il lui avait lue et confiée pour l'envoyer lui-même, ne voulut plus ouïr parler que de Dieu, et mourut dans la nuit. On trouva parmi ses papiers des misères innombrables, et un amas de voeux plus que surprenants, un désordre immense dans ses affaires, et des dettes que six fois plus de bien qu'il n'en avait n'eût jamais payées.

C'était un extrêmement petit homme, grand parleur, plus grand courtisan, ou plutôt grand valet, tout occupé de sa fortune, sans toutefois être malhonnête homme, dévot à la flamande, plutôt bas et complimenteur à l'excès que poli, cultivant avec un soin qui l'absorbait tous ceux qui pouvaient le servir ou lui nuire, esprit futile, léger, de peu de fond, de peu de jugement, de peu de capacité, dont tout l'art et le mérite allait à plaire. Il était moins que rien, du pays de Liège. Son père, qui était capitaine, s'avança de bonne heure au service de France, y épousa une Balzac, suivit le parti de M. le Prince dont il fut estimé, changea aisément de parti selon son intérêt, se donna aux Espagnols, courtisa si bien Charles II lorsqu'il était à Bruxelles, qu'il en eut la Jarretière, au scandale des Anglais, et parvint à tout dans le militaire, au service d'Espagne, dans lequel il mourut d'assez bonne heure. Il ne laissa que ce fils que sa mère éleva en France et l'y attacha. On a vu sa fortune et sa catastrophe. Il n'était point marié et point vieux.

Dans une si cruelle retraite, l'armée manqua de pain, qui fut le comble de ses malheurs. M. le duc d'Orléans, bien qu'outré de corps et d'esprit, était le seul qui songeât à tout et qui n'était soulagé par personne. Il s'arrêta pour attendre la queue de ses troupes et leur fournir du pain. Dès qu'il y en eut de cuit, il en fit prendre à un gros détachement avec lequel il ordonna à Vibraye de s'aller saisir du château de Bar, passage unique qui conservait la communication et le retour en Italie par Ivrée. La Feuillade, qui s'était chargé de ce détail, voulut aller avec le détachement, le retarda à partir de deux jours, et n'oublia qu'à lui faire prendre le pain qui lui était destiné. Il fallut donc s'arrêter dès le second jour pour en envoyer quérir. Il est difficile de comprendre le dépit de M. le duc d'Orléans, qui était dans son lit et qui comptait le détachement bien loin, d'apprendre ce retardement et cet oubli du pain qui l'arrêtait encore, et la promptitude avec laquelle il y remédia. Le pain arrivé, le détachement continua sa route, mais il ne marcha pas longtemps sans être averti que les ennemis s'étaient emparés du château et du passage, de manière à n'en pouvoir être dépostés, et qu'ils l'avaient prévenu de vingt heures, tellement que ce fut au retardement de la Feuillade et à son incroyable négligence sur ce pain que ce dernier malheur fut encore dû. La Feuillade n'eut donc de parti à prendre que celui de retourner sur ses pas.

Peu de jours avant la bataille, il avait fort maltraité Albergotti, qui s'était licencié sur la lenteur du siège, à n'approuver pas les courses du général après le duc de Savoie. Quelques gens se mirent entre-deux. Dès le lendemain, l'Italien, fort en peine sur Chamillart, alla chez son gendre le prier d'oublier ce qui s'était passé la veille.

La Feuillade, arrivant de ce beau détachement à Oulx, y trouva M. le duc d'Orléans dans un état périlleux, qui le devint bien davantage par tous les soins qu'il se donnait à reposer, assurer, nourrir et raccommoder ses troupes avec des peines et des dépenses extrêmes, par le peu de secours qu'il recevait de la cour, ne respirant que de rentrer en Italie. La Feuillade se trouvant dans la chambre de M. le duc d'Orléans avec Albergotti et d'autres, ce prince, de nouveau outré du succès de ce détachement, ne put s'empêcher de leur reprocher à tous deux leur désobéissance à demeurer sur la hauteur des Capucins. Tous deux voulurent répondre; mais M. le duc d'Orléans, qui n'avait pu retenir cette plainte, et le reproche trop véritable qu'ils étaient cause de la perte de la bataille, et qui se sentait assez ému pour se craindre soi-même à la réplique, les pria qu'il n'en fût pas parlé davantage. Sassenage et le peu d'autres qui se trouvèrent à la ruelle du lit les en écartèrent, et les poussèrent grommelant l'un contre l'autre, et dont la voix s'élevait à mesure qu'ils s'éloignaient du lit. Ils n'étaient pas au bout de la chambre qu'Albergotti dit assez vivement à La Feuillade que c'était lui seul que ce reproche du prince pouvait regarder, puisque lui n'avait fait qu'obéir à ses ordres de lui La Feuillade; sur quoi celui-ci lui répondit net que cela n'était pas vrai, le poussa en même temps et mit la main à l'épée. Albergotti, rougissant de colère, marmotta entre ses dents et recula deux pas. Sassenage, Saint-Frémont et quelques autres se jetèrent entre-deux, les tirèrent hors de la chambre, et leur demandèrent s'ils savaient en quel lieu ils étaient, et si la tête leur avait tourné. M. le duc d'Orléans, de dedans ses rideaux, ou n'entendit pas, ou n'en fit jamais semblant. Chacun emmena son homme, fort en peine de ce qui arriverait après, mais il ne se passa rien entre eux en aucun temps. La valeur d'Albergotti ne fut jamais douteuse, mais il était Italien, et La Feuillade était le gendre bien-aimé de Chamillart, qui ne laissa pas, quoique fort brave aussi, d'être fort aise que l'autre se montrât si bonne personne. Cette aventure ne laissa pas de leur faire grand tort à tous deux, non sur la valeur, car leurs preuves étaient faites et complètes, mais sur l'honneur: à l'un d'avoir osé démentir une vérité trop connue à toute l'armée, et qui en avait été la perte dans le temps de la bataille; à l'autre de l'avoir avalé et digéré si doux.

Cependant La Feuillade, hors de soi de tant d'affreuses sottises entassées, dépêche un courrier à Chamillart, lui envoie la démission de son gouvernement de Dauphiné, et lui mande qu'il est indigne de son estime, des grâces du roi et de voir le jour; le lendemain, obtient permission de M. le duc d'Orléans de s'en aller à Antibes profiter de l'occasion de quelques bâtiments qui passaient à Gènes, pour se rendre de là auprès de Médavy, et là, servant sous ses ordres et se mettant à tout, se rendre digne qu'on oubliât ses fautes. Chamillart, toujours également affolé de son gendre, lui renvoya son courrier et sa démission qu'il s'était bien gardé de montrer, le caressa par sa réponse, l'encouragea et lui remit la cervelle. Ceux qui surent cette désespérade, ne doutèrent pas qu'elle ne fût un jeu pour faire pitié à son beau-père et au roi même, qu'il comptait bien qu'il ne saurait rien de sa démission, au moins qu'à coup sûr pour lui. En même temps, M. le duc d'Orléans reçut des réponses et des ordres favorables à son désir de repasser en Italie. Il était tenu à Chamillart, était content d'avoir humilié La Feuillade, à la vérité content à bon marché. Il lui envoya un courrier pour lui apprendre les ordres qu'il venait de recevoir, l'empêcher de s'embarquer et le faire revenir à Briançon, où il allait dès qu'il pourrait être transporté, et repasser avec l'armée, plutôt que s'en aller seul et devant par Gênes. La Feuillade, ravi de se voir moins mal avec ce prince qu'il n'avait lieu de le croire, ne se le fit pas dire deux fois et s'en alla à Briançon.

Ce fut où Besons joignit M. le duc d'Orléans. Il avait commandé sous lui la réserve, puis avait été mis par le roi auprès de lui lorsqu'il avait commandé la cavalerie. M. le duc d'Orléans avait pris de l'estime et de l'amitié pour lui. Il servait cette année sur les côtes de Normandie, parce que sa santé ne lui avait pas permis mieux. M. le duc d'Orléans le demanda au roi qui le lui accorda, et Besons en meilleure santé et flatté de ce souvenir, l'alla trouver le plus tôt qu'il lui fut possible.

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Le Tanaro, affluent du Pô.