1711
Je vois souvent le Dauphin tête à tête. — Le Dauphin, seul avec moi, surpris par la Dauphine. — Ma situation à l'égard de la Dauphine. — Mérite de Mme de Saint-Simon m'est très-utile. — Aversion de Mme de Maintenon pour moi; sur quoi fondée. — Je travaille à unir M. le duc d'Orléans au Dauphin. — Intérieur de la famille royale, et le mien avec elle. — Je donne un étrange avis à M. le duc d'Orléans, qui en fait un plus étrange usage avec Mme sa fille. — Je me brouille et me laisse après raccommoder avec lui, et je demeure très-froidement avec Mme la duchesse de Berry depuis. — Dégoûts du roi de M. le duc d'Orléans. — Dangereux manéges du duc du Maine, qui projette le mariage de son fils avec une sœur de Mme la duchesse de Berry. — Je travaille à unir M. le duc d'Orléans au Dauphin et au duc de Beauvilliers, [union] à laquelle je réussis.
Je voyais souvent le Dauphin en particulier, et je rendais aussitôt après au duc de Beauvilliers ce qui s'y était passé. Je profitai de son avis, et je parlai de tout au prince. Sa réserve ni sa charité ne s'effarouchèrent de rien; non-seulement il entra aisément et avec liberté dans tout ce que je mis sur le tapis de choses et de personnes, mais il m'encouragea à le faire, et me chargea de lui rendre compte de beaucoup de choses et de gens. Il me donnait des mémoires, je les lui rendais avec le compte qu'il m'en avait demandé; je lui en donnais d'autres qu'il gardait et qu'il discutait après avec moi en me les rendant. Je garnissais toutes mes poches de force papiers toutes les fois que j'allais à ces audiences, et je riais souvent en moi-même, passant dans le salon, d'y voir force gens qui se trouvaient actuellement dans mes poches, et qui étaient bien éloignés de se douter de l'importante discussion qui allait se faire d'eux.
Le Dauphin logeait alors dans celui des quatre grands appartements de plain-pied au salon, que la maladie de Mme la princesse de Conti, comme je l'ai remarqué lors de la mort de Monseigneur, fit rompre pendant le voyage suivant de Fontainebleau, pour y placer un grand escalier, parce que le roi avait eu peine à monter chez elle par les petits degrés tortueux, uniques alors. La chambre du prince était dans cet emplacement; le lit avait les pieds aux fenêtres; à la ruelle du côté de la cheminée était la porte de la garde-robe obscure par où j'entrais; entre la cheminée et une des deux fenêtres, un petit bureau portatif à travailler; vis-à-vis la porte ordinaire d'entrée, et derrière le siége à travailler et le bureau, la porte d'une autre pièce du côté de la Dauphine; entre les deux fenêtres une commode qui n'était que pour des papiers.
Il y avait toujours quelques moments de conversation avant que le Dauphin se mît à son bureau, et qu'il m'ordonnât de m'asseoir vis-à-vis tout contre. Devenu plus libre avec lui, je pris la liberté de lui dire, dans ces premiers moments de conversation debout, qu'il ferait bien de pousser le verrou de la porte derrière lui. Il me dit que la Dauphine ne viendrait pas, et que ce n'étaient pas là ses heures. Je répondis que je ne craindrais point cette princesse seule, mais beaucoup l'accompagnement qui la suivait toujours; il fut opiniâtre et n'en voulut rien faire. Je n'osai l'en presser davantage; il se mit à son bureau et m'ordonna de m'y mettre aussi. La séance fut longue, après laquelle nous triâmes nos papiers. Il me donna des siens à mettre dans mes poches, il en prit des miens, il en enferma dans sa commode, et, au lieu d'en enfermer d'autres dans son bureau, il en laissa dessus et se mit à causer, le dos à la cheminée, des papiers dans une main et ses clefs dans l'autre. J'étais debout au bureau, y cherchant quelques papiers d'une main et de l'autre en tenant d'autres, lorsque tout à coup la porte s'ouvrit vis-à-vis de moi, et la Dauphine entra.
Ce premier coup d'oeil de tous les trois, car Dieu merci elle était seule, l'étonnement, la contenance de tous les trois ne sont jamais sortis de ma mémoire. Le fixe des yeux et l'immobilité de statue, le silence, l'embarras également dans tous trois, dura plus d'un lent Pater. La princesse le rompit la première. Elle dit au prince, d'une voix très-mal assurée, qu'elle ne le croyait pas en si bonne compagnie, en souriant à lui et puis à moi. J'eus le temps de sourire aussi et de baisser les yeux avant que le Dauphin répondît. « Puisque vous m'y trouvez, madame, lui dit-il en souriant de même, allez-vous-en.» Elle fut un instant à le regarder en lui souriant davantage et lui à elle; elle me regarda après toujours souriant avec plus de liberté que d'abord, fit après la pirouette, sortit et ferma la porte, dont elle n'avait pas dépassé plus que la profondeur.
Jamais je ne vis femme si étonnée; jamais, j'en hasarderai le mauvais mot, je ne vis homme si penaud que le prince, même après la sortie; jamais homme, car il faut tout dire, n'eut si grand'peur que j'eus d'abord, mais qui se rassura dès que je ne la vis point suivie. Sitôt qu'elle eut fermé la porte: « Eh bien, monsieur, dis-je au Dauphin, si vous aviez bien voulu tirer le verrou? — Vous aviez raison, me dit-il, et j'ai eu tort. Mais il n'y a point de mal, elle était seule heureusement, et je vous réponds de son secret. — Je n'en suis point en peine, lui dis-je (si l'étais-je bien toutefois), mais c'est un miracle de ce qu'elle s'est trouvée seule. Avec sa suite vous en auriez été quitte pour être peut-être grondé, mais moi, je serais perdu sans ressource.» Il convint encore de son tort, et me rassura de plus en plus sur le secret. Elle nous avait pris non-seulement tête à tête, ce dont personne au monde n'avait le moindre soupçon, mais sur le fait, mais, comme on dit, le larcin à la main. Je compris bien qu'elle ne voudrait pas exposer le Dauphin, mais je craignais la facilité de quelque confidence, et de là la révélation après du secret. Toutefois il fut si bien gardé, ou confié, s'il le fut, à personnes si sûres qu'il n'en a jamais rien transpiré. Je n'insistai pas davantage. Nous achevâmes, moi d'empocher, le prince de serrer nos papiers. Le reste de la conversation fut court, et je me retirai par la garde-robe, comme j'étais venu, et comme je faisais toujours, où du Chesne seul m'attendait. M. de Beauvilliers, à qui je contai l'aventure, en lui rendant compte du travail, en pâlit d'abord, et se remit lorsque je lui dis que la Dauphine était seule, et blâma fort l'imprudence du verrou; mais il me rassura aussi sur le secret.
Depuis cette découverte la Dauphine me sourit souvent, comme pour m'en faire souvenir, et prit pour moi un air d'attention marqué. Elle aimait fort Mme de Saint-Simon, et ne lui en a jamais parlé. Moi, elle me craignait en gros, parce qu'elle craignait fort les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers, dont les allures graves et sérieuses n'étaient pas les siennes, et qu'elle n'ignorait pas mon intime et ancienne liaison avec eux. Leurs mœurs et leur influence sur le Dauphin la gênait; l'aversion de Mme de Maintenon pour eux ne l'avait pas rassurée; la confiance du roi en eux et leur liberté avec lui, toute timide qu'elle était, la tenait aussi en presse. Elle les redoutait, surtout M. de Beauvilliers, sur l'article le plus délicat auprès de son époux, et peut-être auprès du roi; et elle ignorait, sans qu'on osât le lui apprendre, à quel point il était occupé de la frayeur de ce qu'elle craignait de lui, et qui lui pouvait arriver par d'autres, et de toutes les précautions possibles à sagement prendre pour y barrer tout chemin. Pour moi, qui en étais tout aussi éloigné, et qu'elle n'avait pas lieu d'appréhender là-dessus, je n'avais jamais été en aucune familiarité avec elle. Cela ne pouvait guère arriver que par le jeu, et je ne jouais point, très-difficilement par ailleurs, et je ne l'avais point même recherché. Cette liaison des deux ducs et ma vie sérieuse avaient formé en elle, qui était timide, cette appréhension à laquelle Mme de Maintenon, qui ne m'aimait pas, avait pu contribuer aussi; mais cela n'allait pas jusqu'à l'éloignement, par d'autres liaisons aussi fort étroites que j'avais avec des dames de sa confiance, comme avait été la duchesse de Villeroy, et comme était Mme la duchesse d'Orléans, Mme de Nogaret et quelques autres; outre qu'elle était légère, et qu'un éloignement effectif pour moi ne lui aurait pas permis de vouloir faire succéder Mme de Saint-Simon à la duchesse du Lude autant qu'elle le désirait, et de prendre là-dessus tous les devants et tous les tournants pour l'y conduire. Le Dauphin ne le souhaitait pas moins. Il ne s'en cacha pas à elle-même, et il y avait pris confiance par l'estime de sa vertu et de sa conduite égale, et amitié par l'agrément et la douceur, surtout la sûreté de sa société, qu'il éprouvait sans cesse dans la familiarité des particuliers et des parties avec Mme la duchesse de Bourgogne, de tout temps, beaucoup plus encore depuis le mariage de Mme la duchesse de Berry, qui, mettant nécessairement Mme de Saint-Simon de tout dans leur intrinsèque, avait formé plus d'habitude et leur avait montré un assemblage de vertu, de douceur, de sagesse, de grand sens et de discrétion, qui les charma, dans l'exercice d'un emploi que l'humeur de Mme la duchesse de Berry ne rendait pas moins difficile que son tempérament, qui lui conciliait la plus grande considération de cette princesse, et sans aucun soupçon, en même temps que toute l'amitié et la confiance de M. le duc de Berry; et tout cela entretenu par l'estime et la considération très-marquée en tout temps pour elle du roi et de Mme de Maintenon, par l'affection générale et la réputation entière qu'elle s'était acquise et entretenue à la cour depuis qu'elle y était, et sans soins, surtout sans bassesses ni rien qui les sentît, et avec beaucoup de dignité, qui, avec l'opinion que le monde avait prise d'elle, la fit toujours singulièrement respecter, et qui dans tous les temps de ma vie m'a été un grand soutien et une puissante ressource.
Je viens de dire que Mme de Maintenon ne m'aimait pas. Je ne faisais alors que m'en douter, et cet article mérite de s'y étendre un moment, au hasard de quelque répétition. Il y avait longtemps qu'elle me haïssait, sans que je l'eusse mérité d'elle. Chamillart me l'apprit après la mort du roi, jusqu'à laquelle il ne m'en avait pas laissé soupçonner la moindre chose. Il me dit alors que, lorsqu'il travailla à me raccommoder avec le roi et à me remettre dans le train ordinaire de Marly, ç'avait été moins lui qu'il avait eu à ramener que Mme de Maintenon qu'il avait eue à combattre, jusque-là qu'il en avait eu des prises avec elle et même fortes, sans l'avoir jamais pu faire revenir sur moi, ni tirer d'elle contre moi que des lieux communs et des choses générales, tellement qu'il avait eu par là toutes les peines du monde et fort longtemps à travailler du côté du roi, et à l'emporter enfin et de mauvaise grâce par complaisance pour lui, parce que Mme de Maintenon fut toujours et constamment contraire. Chamillart n'avait pas voulu me révéler ce secret par fidélité et par modestie, peut-être aussi pour ne me jeter pas dans une peine et dans un embarras où il ne voyait point de remède, et me l'avoua enfin quand il n'y eut plus rien de tout cela à ménager. Cette tardive découverte, lorsqu'elle ne pouvait plus servir à rien, me fit voir que mes soupçons ne m'avaient pas trompé, encore qu'ils n'allassent pas jusqu'à ce que j'appris alors.
Je m'étais douté que M. du Maine, à bout enfin de ses incroyables avances envers moi, qu'on a vues (t. VIII, p. 156) et outré de n'avoir pu parvenir à me lier, non pas même à m'apprivoiser avec lui, m'avait secrètement regardé comme son ennemi et dangereux pour son rang, que j'avais jugé être l'objet de ses infatigables et incompréhensibles recherches et de celles de Mme la duchesse du Maine; et que dans ce sentiment il avait inspiré à Mme de Maintenon cet éloignement que je sentais, et que Chamillart m'apprit enfin être une véritable haine. Je n'avais personne auprès d'elle, je n'avais jamais songé à m'approcher d'elle; rien de si difficile que son accès, nulle occasion ne m'en était née, et pour ne rien retenir, je ne m'en souciai jamais, parce que ce qu'elle était et force choses qu'elle faisait me donnaient pour elle un extrême éloignement. Mon intime liaison avec les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers d'une part, avec M. le duc d'Orléans de l'autre, avec le chancelier encore, ne fit dans la suite qu'augmenter pour moi les mauvaises dispositions de cette étrange fée; et sûrement ses mauvais offices, auxquels je ne comprends pas comment j'ai pu échapper, et à ceux de Nyert, de Bloin, et des valets principaux, tous à M. du Maine, et sur lesquels j'étais averti et défendu souvent par Maréchal. Je ne puis donc comprendre encore d'où m'est venue, et moins encore comment a pu subsister constamment la considération, même personnelle, que le roi m'a toujours montrée, depuis l'audience que Maréchal m'en procura (t. VII, p. 443) jusqu'à sa mort, ni comment il a tenu à un intérieur si intime et qui m'était si contraire, et dans les crises qu'on a vues depuis cette audience, et dans celles qu'on verra dans la suite. Quelquefois il se piquait de caprice et de certaines choses contre Mme de Maintenon. M. du Maine, timide et réservé, laissait à elle et aux valets à me nuire. Je n'ai jamais su qu'il m'eût desservi auprès du roi expressément et à découvert. Il n'allait jamais qu'entre deux terres, et on verra qu'il me ménagea toujours personnellement en tout ce qui put me marquer son extrême envie de me raccrocher, et sa patience sans mesure à ne se lasser point de son peu de succès avec moi.
Parmi tant de choses générales et particulières qui m'occupaient, je ne l'étais pas peu d'unir bien M. le duc d'Orléans avec le Dauphin, et pour cela de le lier avec le duc de Beauvilliers. Tout m'y secondait, excepté lui et Mme sa fille, ce qui est étrange à concevoir, d'autant plus que ce prince en sentait la convenance et le besoin, et qu'il le désirait. L'obligation si prodigieuse de ce grand mariage qu'il avait fait, la liaison qui s'en maintenait entière entre la Dauphine et la duchesse d'Orléans, celle qui subsistait en leur manière entre M. le duc d'Orléans et le duc de Chevreuse, la partialité publique et non interrompue de ce prince pour l'archevêque de Cambrai, et le coin des jésuites qu'il avait toujours utilement ménagé, tout cela était de grandes avances vers le but que je me proposais. Leur contredit n'était guère moindre. Les mœurs de M. le duc d'Orléans, l'affection de se parer de ses débauches et d'impiété, des indiscrétions là-dessus les plus déplacées, faisaient fuir le Dauphin et rebroussaient infiniment son ancien gouverneur.
Il était d'ailleurs en brassière du côté du roi, à qui la conduite de son neveu était par plus d'un endroit odieuse, et cet autre endroit va être expliqué, et la brassière était redoublée par la haine de Mme de Maintenon pour M. le duc d'Orléans, que le mariage de sa fille n'avait point émoussée, dans le temps même qu'elle le faisait.
Ce mariage, qui aurait dû être un centre de réunion, était devenu entre eux tous un flambeau de discorde. On a vu ici (p. 149 ci-dessus) quelques traits du caractère terrible de Mme la duchesse de Berry, dont la galanterie étrangement menée, et plus singulièrement étendue, n'était pas à beaucoup près le plus mauvais côté en comparaison des autres. On a vu son ingratitude et la folie de ses desseins. L'élévation de son beau-frère et de sa belle-sœur, à qui elle devait tout, n'avait fait qu'exciter sa jalousie, son dépit, sa rage; et le besoin qu'elle avait d'eux portait les élans de ces passions à l'excès. Nourrie dans l'aversion de Mme la duchesse d'Orléans et dans l'indignation du vice de sa naissance, elle ne s'en contraignit plus dès qu'elle fut mariée. Quoiqu'elle dût ce qu'elle était devenue à sa mère et à la naissance de sa mère, quoiqu'elle en eût sans cesse reçu toute sorte d'amitié et nulle contrainte, cette haine et ce mépris pour elle éclatait à tous moments par les scènes les plus scandaleuses, que la mère étouffait encore tant qu'elle pouvait, et qui ne laissèrent pas souvent d'attirer à la fille de justes et rudes mercuriales du roi, et même de Madame, qui n'avait pourtant jamais pu s'accoutumer à la naissance de sa belle-fille; et ces mercuriales, qui contenaient pour un temps, augmentaient encore le dépit et la haine. Outre un naturel hardi et violent, elle se sentait forte de son mari et de son père.
M. le duc de Berry, né bon, doux, facile, en était extrêmement amoureux, et, outre que l'amour l'aveuglait, il était effrayé de ses emportements. M. le duc d'Orléans, comme on ne le verra que trop dans la suite, était la faiblesse et la fausseté même. Il avait aimé cette fille dès sa naissance préférablement à tous ses enfants, et il n'avait cessé de l'aimer de plus en plus; il la craignait aussi; et elle, qui sentait ce double ascendant qu'elle avait sur l'un et sur l'autre, en abusait continuellement. M. le duc de Berry, droit et vrai, mais qui était fort amoureux, et dont l'esprit et le bien-dire n'approchait pas de celui de Mme la duchesse de Berry, se laissait aller souvent contre ce qu'il pensait et voulait, et, s'il osait la contredire, il en essuyait les plus terribles scènes. M. le duc d'Orléans, qui presque toujours la désapprouvait, et presque toujours s'en expliquait très-naturellement à Mme la duchesse d'Orléans et à d'autres, même à M. le duc de Berry, ne tenait pas plus que lui devant elle, et s'il pensait vouloir lui faire entendre raison, les injures ne lui coûtaient rien: elle le traitait comme un nègre, tellement qu'il ne songeait après qu'à l'apaiser et à obtenir son pardon, qu'elle lui faisait bien acheter. Ainsi, pour l'ordinaire, il donnait raison à elle et à Mme la duchesse d'Orléans sur les sujets de leurs brouilleries, ou sur les choses que l'une faisait et que l'autre improuvait, et c'était un cercle dont on ne pouvait le sortir. Il passait beaucoup de temps par jour avec elle, surtout tête à tête dans son cabinet.
On a vu (t. VIII, p. 278) que le monde s'était noirci de fort bonne heure d'une amitié de père qui, sans les malheureuses circonstances de cabales enragées, n'aurait jamais été ramassée de personne. La jalousie d'un si grand mariage, que ces cabales n'avaient pu empêcher, se tourna à tâcher de le rendre infructueux; et l'assiduité d'un père malheureusement né désœuvré, et dont l'amitié naturelle et de tout temps trouvait de l'amusement dans l'esprit et la conversation de sa fille, donna beau jeu aux langues de Satan. Leur bruit fut porté jusqu'à M. le duc de Berry, qui, de son côté, voulant jouir en liberté de la société de Mme sa femme, s'importunait d'y avoir presque toujours son beau-père en tiers, et s'en allait peu content. Ce bruit de surcroît le frappa fort; cela nous revint à Mme de Saint-Simon et à moi (ceci n'arriva qu'au retour de Fontainebleau, pour ce que je vais raconter qui me regarde, mais je n'ai pas cru devoir y revenir à deux fois). L'importance d'un éclat qui pouvait arriver entre le gendre et le beau-père sur un fondement si faux mais si odieux, nous parut devoir être détourné avec promptitude.
J'avais déjà tâché de détourner M. le duc d'Orléans de cette grande assiduité chez Mme sa fille, qui fatiguait M. le duc de Berry, et je n'y avais pas réussi. Je crus donc devoir recharger plus fortement encore; et voyant mon peu de succès, je lui fis une préface convenable, et je lui dis après ce qui m'avait forcé à le presser là-dessus. Il en fut étourdi, il s'écria sur l'horreur d'une imputation si noire, et la scélératesse de l'avoir portée jusqu'à M. le duc de Berry. Il me remercia du service de l'en avoir averti, qu'il n'y avait guère que moi qui le lui pût rendre. Je le laissai en tirer la conclusion que la chose présentait d'elle-même sur sa conduite. Cela se passa entre lui et moi à Versailles, sur les quatre heures après midi. Il n'y avait que Mme la duchesse d'Orléans, outre Mme de Saint-Simon, qui sût ce que je devais faire, et qui m'en avait extrêmement pressé.
Le lendemain Mme de Saint-Simon me conta que, rentrant la veille du souper et du cabinet du roi chez Mme la duchesse de Berry avec elle, elle avait passé tout droit dans sa garde-robe, et l'y avait appelée; que là, d'un air colère et sec, elle lui avait dit qu'elle était bien étonnée que je la voulusse brouiller avec M. le duc d'Orléans; et que, sur la surprise que Mme de Saint-Simon avait témoignée, elle lui avait dit que rien n'était si vrai; que je voulais l'éloigner d'elle, mais que je n'en viendrais pas à bout; et tout de suite lui conta ce que j'avais dit à M. son père, qu'il avait eu la bonté de lui rendre une heure après. Mme de Saint-Simon, encore plus surprise, l'écouta attentivement jusques au bout, et lui répondit que cet horrible bruit était public, qu'elle pouvait elle-même, tout faux et abominable qu'il fût, se douter des conséquences qu'il pouvait avoir, sentir s'il n'était pas important que M. le duc d'Orléans en fût averti, et que j'avais rendu de telles preuves de mon attachement pour eux, et de mon désir de leur union et de leur bonheur à tous, qu'il n'était pas possible qu'elle pût avoir le moindre soupçon contraire, finit brusquement par la révérence et sortir pour se venir coucher. Le trait me parut énorme.
J'allai l'après-dinée le conter à Mme la duchesse d'Orléans. J'ajoutai que, instruit par une si surprenante expérience, j'aurais l'honneur désormais de voir M. le duc d'Orléans si rarement et si sobrement, que j'en éviterais les risques les plus impossibles à prévoir; et que, pour Mme la duchesse de Berry, je me tiendrais pour dit, et pour toujours, la rare opinion qu'il lui plaisait prendre de moi. Mme la duchesse d'Orléans fut outrée. Elle se mit à dire de la chose tout ce qu'elle méritait, mais en même temps à l'excuser sur la faiblesse du père pour sa fille, et à me conjurer de n'abandonner point M. le duc d'Orléans, qui ne voyait que moi d'honnête homme en état de lui parler franc et vrai. La cause de la rupture lui fit peur. L'utilité journalière dont je lui étais auprès de lui, et à lui-même, si je l'ose dire, depuis que je les avais raccommodés, l'effraya encore d'en être privée. Elle ne me dissimula ni l'un ni l'autre, et déploya toute son éloquence, qui n'était pas médiocre, pour me persuader que l'amitié devait pardonner cette légèreté, toute pesante qu'elle fût. J'abrégeai la visite, je ne me pressai pas de la redoubler, et je cessai de voir M. le duc d'Orléans. L'un et l'autre en furent bien en peine. Ils en parlèrent à Mme de Saint-Simon. Mme la duchesse de Berry que M. son père avait apparemment grondée, essaya de rhabiller avec elle ce qu'elle lui avait dit, quoique d'assez mauvaise grâce. Mme la duchesse d'Orléans m'envoya prier d'aller chez elle. Elle s'y remit sur son bien-dire, M. le duc d'Orléans m'y vint surprendre. Excuses, propos, tout ce qui se peut dire de plus touchant. Je demeurai longtemps sur la glace du silence, puis du respect; à la fin je me mis en colère, et m'en expliquai tout au plus librement avec lui. Ce ton-là leur déplut moins que le premier; ils redoublèrent d'excuses, de prières, de promesses de fidélité et de secret à l'avenir. L'amitié, je n'oserais dire la compassion de sa faiblesse, me séduisit. Je me laissai entraîner dans l'espérance que je mis dans la bonté de cette leçon, et, pour le faire court, nous nous raccommodâmes, mais avec résolution intérieure et ferme de le laisser vivre avec Mme sa fille sans lui en jamais parler, et d'être très-sobre avec lui sur tout ce qui la regarderait d'ailleurs.
Depuis que j'avais reconnu Mme la duchesse de Berry, je la voyais fort rarement, et je m'étais défait de tout particulier avec elle. Mais elle venait quelquefois me trouver dans ma chambre, sous prétexte d'aller chez Mme de Saint-Simon, et m'y tenait des heures tête à tête quand elle se trouvait dans l'embarras. Depuis cette aventure je ne remis de longtemps le pied chez elle, et ailleurs je lui battis si froid que je lui fis perdre l'habitude de me venir chercher. Dans la suite, pour ne rien trop marquer, j'allais à sa toilette publique une fois en deux mois et des moments chaque fois; et tant qu'elle a vécu je ne m'en suis pas rapproché davantage, malgré force agaceries directes et indirectes, qui ont souvent recommencé et auxquelles j'ai constamment résisté. C'est une fois pour toutes ce qu'il fallait expliquer de cet intérieur de famille royale, et du mien avec eux tous. Revenons maintenant d'où je suis parti.
La lueur de raison et de religion qui parut en M. le duc d'Orléans, après sa séparation d'avec Mme d'Argenton, n'avait pas été de longue durée, quoique de bonne foi pendant quelque temps, et peut-être allongée de politique jusqu'au mariage de Mme la duchesse de Berry, qui suivit cette rupture de cinq ou six mois. L'ennui, l'habitude, la mauvaise compagnie qu'il voyait dans ses voyages de Paris, l'entraînèrent; il se rembarqua dans la débauche et dans l'impiété, quoique sans nouvelle maîtresse en titre, ni de brouilleries avec Mme la duchesse d'Orléans que par celles de Mme la duchesse de Berry. C'était entre le père et la fille à qui emporterait le plus ridiculement la pièce sur les mœurs et sur la religion, et souvent devant M. le duc de Berry, qui en avait beaucoup et qui trouvait ces propos fort étranges, et aussi mauvais qu'il l'osait, les attaques qu'ils lui donnaient là-dessus et qui ne réussirent jamais.
Le roi n'ignorait rien de la conduite de son neveu. Il avait été fort choqué de son retour à la débauche et à ses compagnies de Paris. Son assiduité chez Mme sa fille et son attachement pour elle firent retomber sur lui des dégoûts continuels qu'il prenait d'elle, et les déplaisirs souvent éclatants qu'elle donnait à sa mère, laquelle il aimait en père et en protecteur, et pour l'amour de qui il avait fait ce mariage, malgré toute la répugnance de Monseigneur. Le manége de M. du Maine ne laissait rien passer ni refroidir. Il se montrait peu à découvert, mais il faisait le bon personnage en plaignant une sœur avec qui la haine de l'autre sœur l'avait étroitement réuni. Les valets principaux le servaient bien; et il disposait d'autant plus sûrement de Mme de Maintenon, qu'on a vu, et qu'on verra encore mieux dans la suite, à quel point d'aveuglement elle l'aimait, et combien elle haïssait M. le duc d'Orléans. M. du Maine avait ses raisons. Il avait travaillé au mariage dans la crainte de celui de Mlle de Bourbon; mais, le mariage fait, il ne voulait pas dans l'intérieur du roi, aussi familier que le sien même pour les heures libres et les entrées, qu'un prince aussi supérieur à lui l'égalât dans l'amusement, approchât de lui en amitié, et le diminuât par une considération à laquelle il n'était pas pour atteindre, et pour être vis-à-vis de lui. Un autre grand intérêt le portait encore à éloigner le roi de ce prince le plus qu'il lui serait possible. Un de ses motifs pour le mariage de Mme la duchesse de Berry était aussi celui d'une sœur de cette princesse avec le prince de Dombes. Le principal obstacle en était levé par le rang entier de prince du sang qu'il avait obtenu pour ses enfants. Mme la duchesse d'Orléans, toute bâtarde et uniquement occupée de la grandeur de ses frères et de ses neveux, le désirait passionnément. Elle s'était servie de cette vue auprès de M. du Maine pour le faire agir en faveur du mariage de Mme la duchesse de Berry; elle ne me l'avait pas caché, mais toutefois sans m'en parler autrement que comme d'un coup d'aiguillon à son frère, quoique je visse le fond de ses désirs.
Je crois aussi que ce dessein entrait pour beaucoup dans l'inconcevable constance des ménagements si recherchés de M. du Maine pour moi, parce qu'il ne voyait d'obstacle que M. le duc d'Orléans, et que, comme on présume toujours de son esprit, de son manége, et de la sottise de ceux qu'on veut emporter, il ne désespérait peut-être pas de me gagner, et par moi M. le duc d'Orléans, quelque intérêt de rang que j'eusse à empêcher de consolider si bien celui de ses enfants. De toutes ces choses résultait un mécontentement et un éloignement du roi pour M. le duc d'Orléans, qui augmentait sans cesse, moins peut-être par sa conduite personnelle que par celle de Mme la duchesse de Berry. Le gros de tout cela n'était pas inconnu au duc de Beauvilliers, qui l'éloignait encore de la liaison que je voulais former entre M. le duc d'Orléans et lui. Je voyais le but de M. du Maine. Il voulait plonger au plus bas M. le duc d'Orléans, pour ne lui laisser de ressource auprès du roi que le mariage du prince de Bombes; et comme il le connaissoit l'unique obstacle à ce dessein, et en même temps la faiblesse même, il se dévouait à une route de laquelle il espérait un si grand succès. Mais plus je voyais ce but et la justesse de cette noire politique pour y arriver, plus je sentais l'extrême nécessité de fortifier M. le duc d'Orléans d'une union avec M. de Beauvilliers, qui opérerait celle du Dauphin avec lui, et qui, étant sincère, contiendrait M. le duc d'Orléans sur beaucoup de choses, le rendrait considérable, et à la longue briderait Mme la duchesse de Berry moins supportée de M. son père, et émousserait les choses passées dans cet intérieur de famille royale, et les disposerait tout autrement à l'avenir, et dans le crédit que le Dauphin prenait de jour en jour, surtout pensant comme il faisait sur les bâtards, je regardais cette union comme un des plus grands renforts que la faiblesse de M. le duc d'Orléans pût recevoir, et un obstacle dirimant au mariage qui aurait fait le prince de Dombes beau-frère de M. le duc de Berry, qui par lui-même n'aurait eu la force ni le crédit de l'empêcher, et beaucoup moins Mme la duchesse de Berry d'en oser seulement ouvrir la bouche, dans l'état où elle s'était mise avec le roi.
Pressé par ces vues, j'en exposai fortement au duc de Beauvilliers l'importance, et combien il était nécessaire de ne se rebuter de rien pour ne laisser pas échapper le fruit si principal qu'on s'était proposé du mariage de Mme la duchesse de Berry, qui était l'union de la famille royale; que plus on s'était trompé dans le personnel de cette princesse, plus il se fallait roidir pour en détourner et en corriger les inconvénients, dont le moyen unique était celui que je lui proposais; que je le priais d'examiner s'il en pouvait trouver un autre, et de comparer l'embarras de l'embrasser avec le danger de le négliger. Je lui représentai l'ascendant que cette union pouvait lui faire prendre sur la facilité, la faiblesse, j'ajoutai la timidité de M. le duc d'Orléans, dont l'esprit et la conduite contenue, et peu à peu guidée par son influence qui portait quand et soi celle du Dauphin, et qui par là serait doublement comptée, pouvait prendre tout un autre tour, et servir alors autant qu'elle nuisait maintenant à cette union de famille si désirable; que tout faible et futile par oisiveté qu'était à cette heure M. le duc d'Orléans, sa proximité si rapprochée par l'alliance en faisait toujours un prince qui ne pouvait être dans l'indifférence, et bien moins encore à l'avenir que pendant la vie du roi qui retenait tout dans le tremblement devant lui. Qu'outre cette raison, il ne me pouvait nier celle d'un esprit supérieur en tout genre, et capable d'atteindre à tout ce qu'il voudrait sitôt qu'il en voudrait faire usage; que ses campagnes avaient manifesté cette vérité, qui se développerait bien davantage lorsque, délivré du joug du roi, le dégoût d'une vie ennuyée du néant et de l'inutile à laquelle il était maintenant réduit, et l'aiguillon de l'humeur et de l'esprit ambitieux et imaginaire de Mme sa fille, lui donneraient envie de se faire compter sous un nouveau règne, et si alors on ne se repentirait pas de n'avoir pas, quand on l'avait pu, mis pour soi, et pour une union si nécessaire, ce qu'on y trouverait alors si opposé, et toujours, en ce cas, plus ou moins embarrassant. J'assaisonnai la force de ces considérations de celle de l'opinion qu'il savait que M. de Chevreuse avait foncièrement de ce prince, qu'il voyait toujours de fois à autre en particulier de tout temps; et je me gardai bien d'omettre ce qu'il ne pouvait ignorer, que M. le duc d'Orléans avait toujours pensé, et tout haut, sur M de Cambrai. Enfin, je n'oubliai pas de lui faire entendre que les faits historiques, les arts, les sciences, dont le Dauphin aimait à s'entretenir, étaient une matière toujours prête et jamais épuisée où M. le duc d'Orléans était maître, dont il savait parler nettement et fort agréablement, et qui serait entre eux un amusement sérieux qui leur plairait beaucoup à l'un et à l'autre, et qui ne servirait pas peu au dessein si raisonnable que nous nous proposions. Tant de raisons ébranlèrent le duc de Beauvilliers qui s'était ému dès les premiers mots, mais qui à ma prière m'avait laissé tout dire sans interruption. Il convint de tout, mais en même temps il m'opposa les mœurs et les propos étranges qui lui échappaient quelquefois devant le Dauphin, et qui l'aliénaient infiniment; et me montra sans peine que cette indiscrétion était un obstacle qui mettait la plus forte barrière à leur liaison. Je le sentais trop pour en pouvoir disconvenir, mais je le pressai en ôtant cet obstacle, et je vis un homme intérieurement rendu à cette condition. Alors je m'arrêtai, parce que je sentis que tout dépendait de cela, qu'il s'agissait, par conséquent, d'y travailler avant toutes choses, et que, connaissant la légèreté de M. le duc d'Orléans, et ce détestable héroïsme d'impiété, qu'il affectait bien plus encore qu'il n'en avait le fond, je ne pouvais me répondre de réussir.
Je ne différai pas à l'attaquer, et je n'eus aucune peine à le faire sincèrement convenir de tous les solides avantages qu'il trouverait, outre la considération présente, de son union avec le Dauphin, et ce qui était inséparable avec le duc de Beauvilliers. De l'aveu, je le conduisis aisément au désir, que je crus devoir aiguiser par la difficulté que lui-même sentait bien résulter de ses mœurs et de sa conduite. Je le ballottai longtemps exprès là-dessus dans la même conversation. Quand je crus l'avoir assez échauffé et assez embarrassé pour pouvoir espérer le faire venir à mon point en lui proposant la solution que j'avais projetée, je lui dis que je m'abstenais de l'exhorter sur ses mœurs et sur ses opinions prétendues, qu'il ne pouvait avoir foncièrement, et sur lesquelles il se trompait soi-même; qu'il savait de reste ce que je pensais sur tout cela, et que je n'ignorais plus aussi combien vainement je le presserais d'en changer; qu'aussi était-ce à moins de frais que je croyais qu'il pourrait réussir à l'union qu'il avait de si pressantes raisons de désirer; que le moyen en était entre ses mains et facile, mais que, s'il se résolvait à le prendre, il ne fallait pas s'en lasser; et qu'en ce cas, je croyais qu'il ne tarderait pas à en voir des succès qui, suivis et entretenus avec attention, le pourraient conduire à tout ce qu'il en pouvait souhaiter. Je l'avais ainsi excité de plus en plus, en le laissant au large sur le malheureux fond de sa vie; je lui fis dans la même vue acheter l'explication de ce chemin et du moyen facile que je lui proposais sans le lui dire. Enfin après lui avoir doucement reproché que je ne l'en croyais pas capable, je me laissai vaincre, et je lui dis que tout consistait en deux points: le premier d'être en garde continuelle de tout propos le moins du monde licencieux en présence du Dauphin, et chez Mme la princesse de Conti où le Dauphin allait quelquefois, et d'où de tels discours lui pourraient revenir; que son indiscrétion là-dessus lui aliénait ce prince plus dangereusement et plus loin beaucoup qu'il ne pouvait se l'imaginer, et que ce que je lui disais là-dessus n'était pas opinion, mais science; que la discrétion opposée lui plairait tant, qu'elle le ferait revenir peu à peu, en lui ôtant l'occasion de l'horreur qu'il concevait de ces choses, et de celui qui les produisait, par conséquent la crainte et les entraves où sa présence le mettait, qui se changeraient en aise et en liberté quand l'expérience lui aurait appris qu'il pouvait l'entendre sans scandale, et se livrer sans scrupule à sa conversation, dont les arts, les sciences et des choses historiques entretiendraient la matière entre eux, et peu à peu en bannirait toute contrainte, et n'y laisserait que de l'agrément. L'autre point était d'aller moins souvent à Paris, d'y faire la débauche au moins à huis clos, puisqu'il était assez malheureux que de la vouloir faire, et d'imposer assez à lui-même, et à ceux qui la faisaient avec lui, pour qu'il n'en fût pas question le lendemain matin.
Il goûta un expédient qui n'attaquait point ses plaisirs; il me promit de le suivre. Il y fut fidèle, surtout pour les propos en présence du Dauphin, ou qui lui pouvaient revenir. Je rendis ce que j'avais fait au duc de Beauvilliers. Le Dauphin s'aperçut bientôt de ce changement, et le dit au duc, par qui il me revint. Peu à peu ils se rapprochèrent; et comme M. de Beauvilliers craignait toute nouveauté apparente, et qu'il n'avait pas accoutumé de voir M. le duc d'Orléans, tout entre eux passa par moi, et après ce Marly, où le duc de Chevreuse n'était point, par lui et par moi, tantôt l'un tantôt l'autre.