NOTE IV. LE DUC DE MAZARIN.

Le duc de Mazarin, dont Saint-Simon retrace le caractère (p. 277, 278, 279 de ce volume), a été représenté par tous les contemporains comme un maniaque, auquel la jalousie et une dévotion ridicule avaient troublé l'esprit. Hortense Mancini, qu'il avait épousée [83], donne une idée de sa jalousie dans le passage suivant de ses Mémoires : « Je ne pouvois, dit-elle, parler à un domestique, qu'il ne fût chassé le lendemain. Je ne recevois pas deux visites de suite d'un même homme, qu'on ne lui fît défendre la maison. Si je témoignois quelque inclination pour une de mes filles, on me l'ôtoit aussitôt. Si je demandois mon carrosse, il défendoit en riant qu'on y mit les chevaux et plaisantoit avec moi sur cette défense... Il aurait voulu que je n'eusse vu que lui seul au monde. » Le duc de Mazarin ne se borna pas à exercer sur sa femme cette ridicule et tyrannique surveillance, il fit mutiler les statues ou barbouiller les tableaux du palais Mazarin qui lui paraissaient blesser la décence [84]. Il poussa la manie des réformes jusqu'à vouloir intervenir dans les amours de Louis XIV et de Mlle de La Vallière. Un grave contemporain, Olivier d'Ormesson, raconte dans son Journal inédit [85] cette aventure qui peint le duc de Mazarin: « Je veux écrire une histoire véritable de M. le duc Mazarin, lequel, ayant formé le dessein d'avertir le roi du scandale que sa conduite avec Mlle de La Vallière cause dans son royaume, communia, il y eut dimanche huit jours, et alla au Louvre au lever du roi, et lui ayant dit qu'il souhaitoit parler à Sa Majesté en son particulier, le roi le fit entrer dans son cabinet. Là il dit au roi, après bien des excuses de la liberté qu'il prenoit, qu'il avoit senti un mouvement dans sa conscience depuis quelque temps; qu'il venoit de communier et qu'il se sentoit plus pressé qu'auparavant de dire à Sa Majesté le scandale qu'il donnoit à toute la France par sa conduite avec Mlle de La Vallière, etc. Le roi lui ayant laissé dire tout ce qu'il avoit à dire, lui dit: Avez-vous tout dit? Il y a longtemps que je sais que vous êtes blessé là, mettant la main sur son front. »

Suite
[83]
Voy. les Nièces de Mazarin, par Amédée Renée.
[84]
Voy. les Mémoires de l'abbé de Choisy, coll. Petitot, 2e série, t. LXIII, p. 207.
[85]
Journal d'Olivier d'Ormesson, fol. 80 verso et 81 recto; à la date du 16 décembre 1665.