1714
Ma situation à la cour. — Conduite étrange de Desmarets. — Brutalité avec moi, qui lui est fatale. — Maréchal de Villeroy chef du conseil royal des finances. — Son fils archevêque de Lyon. — Continuation de ma situation à la cour. — Macañas; quel. — Cardinal del Giudice fait fonction à Marly de grand inquisiteur d'Espagne; choque les deux rois; est rappelé; donne part publique du mariage du roi d'Espagne; part à grand regret; se morfond longtemps à Bayonne avec défense de passer outre. — Moyens en Espagne contre les entreprises de Rome. — Repentir inutile de la princesse des Ursins du mariage de Parme. — Mariage à Parme de la reine d'Espagne, qui part pour l'Espagne; sa suite. — Mariage du fils du prince de Rohan avec la fille de la princesse d'Espinoy. — Mariage du comte de Roye avec la fille d'Huguet, conseiller au parlement. — Voyage de Fontainebleau par Petit-Bourg. — Le roi de fort mauvaise humeur. — Électeur de Bavière à Fontainebleau. — Amusements du roi redoublés et inusités chez Mme de Maintenon. — Paix de l'empire et de l'empereur signée à Bade. — Le roi d'Angleterre donne part au roi de son avènement à cette couronne, passe en Angleterre et y fait un entier changement. — Maréchal de Villeroy arrive à Fontainebleau; est fait ministre. — Ministres ne prêtent point de serment. — Ineptie parfaite du maréchal. — Retour du maréchal de Villars. — Duc de Mortemart apporte au roi la nouvelle de l'assaut général de Barcelone, qui se rend à discrétion avec Mont-Joui et Cardone. — La Catalogne soumise. — Broglio, gendre de Voysin, apporte le détail de la prise de Barcelone. — Vues et conduite domestique du roi de Pologne, qui fait voyager son fils incognito. — Il arrive à Paris et à la cour; très-bien reçu. — Ce qu'on en trouve. — Ses conducteurs. — Sa conversion secrète. — Électeur de Bavière voit le roi en particulier et retourne à Compiègne.
J'avoue que j'ai peine à m'arracher à des objets qui me furent si chers, et qui me le seront toute ma vie. Il est temps de reprendre une nouvelle idée de ma situation à la cour, bien différente de celle où je m'étais trouvé. La perte du Dauphin et de la Dauphine, la dispersion de ses dames qui ne figuraient plus, la disgrâce de Chamillart, la retraite du chancelier de Pontchartrain, la mort du maréchal de Boufflers, du duc de Chevreuse, enfin celle du duc de Beauvilliers, me laissèrent dans un vide (je ne parle pas du cœur, dont ce n'est pas ici le lieu), que rien ne pouvait, non pas remplir, mais même diminuer. J'étais dans l'intimité, la confiance la plus étroite de ces ministres et de ces seigneurs si principaux, je l'étais de plusieurs dames très instruites et très importantes qui en diverses façons avaient disparu. Ces liaisons, surtout ce qui, malgré les plus sages précautions, ne laissa pas de transpirer de celles du Dauphin tout à la fin de sa vie, et plus encore depuis, m'avaient attiré tous les regards. La jalousie devançait de loin ma fortune de perspective. On regardait si peu comme une chimère que je pusse dès lors entrer dans le conseil, à quoi je ne songeai jamais;car, après le roi, personne n'en doutait du temps du Dauphin et depuis, que la peur qu'on en eut fit que Bloin, vendu à M. du Maine, le lâcha au roi, qui était la façon la plus propre à m'écarter. Il le lui dit comme un discours qu'il croyait ridicule, mais que la cour ne regardait pas comme tel et qu'elle craignait. Toutefois il ne parut pas que cet honnête office fît d'impression.
De tout cet intérieur du roi de toute espèce, je n'avais que Maréchal, qui rompit plus d'une fois des lances pour moi contre les autres qui m'attaquaient devant le roi, et qui avaient de bons garants pour le faire. Dans le ministère je n'eus plus qui que ce fût: Desmarets, sans cause aucune, s'était éloigné de moi, et dès que je m'en aperçus je m'en éloignai de même. MM. de Chevreuse et de Beauvilliers le remarquèrent; ils me pressèrent de le voir et d'excuser un homme accablé d'aussi difficiles affaires, et voyant enfin qu'ils ne me persuadaient pas, ils me forcèrent d'y aller dîner avec eux, chose qui ne leur arrivait presque jamais. Tout s'y passa à la glace pour moi de la part de Desmarets, dont les deux ducs furent tellement scandalisés qu'ils me dirent qu'ils ne m'en demanderaient plus davantage. C'était à Fontainebleau, un an juste avant la mort du duc de Chevreuse. Dans la suite, lorsqu'il fallait parler à Desmarets pour quelque mangerie de financiers dans mes terres, ou pour être payé d'appointements, je priais toujours Mme de Saint-Simon d'y aller. Bientôt elle n'en fut pas plus contente que moi. Elle laissait accumuler plusieurs choses pour lui parler de toutes en même temps; à la fin elle ne put se résoudre à y retourner. Différents payements d'appointements s'étaient accumulés; je différais toujours à aller les demander, jusqu'à ce qu'un jour Mme de Saint-Simon m'en pressa tant que j'y fus après le dîner, qui était assez l'heure de lui parler.
Elle ne faisait que finir lorsque j'entrai dans son cabinet, à Versailles, qui était grand. Il venait de se mettre à son bureau. Dès que je parus il vint à moi d'un air ému, me coupa au premier mot la parole, disant qu'il était bien malheureux d'être la victime du public, et d'autres plaintes dont le ton s'élevait. Voyant ainsi la marée monter à vue d'œil, je voulus essayer de reprendre la parole, il m'interrompit à l'instant; le rouge lui monta, ses yeux s'enflammèrent, ses plaintes aigres, mais vagues et sans rien que je pusse prendre pour moi, redoublèrent d'une voix fort élevée, et tout d'un coup se jetant sur des papiers que je tenais à la main, que je m'étais proposé de lui expliquer en deux mots avant de les lui laisser: « Voyons donc, dit-il, ce que c'est que tout cela », d'un ton qui, dans mon extrême surprise, me détermina à n'en pas attendre davantage. Il était venu à moi jusque fort près de la porte, je l'ouvris, et sans regarder derrière moi, je cours encore.
J'allai conter mon aventure à Mme de Saint-Simon, et à des personnes de nos amis qui avaient dîné avec nous, et que je retrouvai encore, et me promis bien de ne parler plus que par lettres à un animal si ingrat et si bourru, quand j'aurais très nécessairement affaire à lui. La vérité est que, de ce moment, je me promis bien de ne rien oublier pour le mettre hors d'état d'avoir à brutaliser personne, et j'y parvins, comme on le verra dans la suite.
Dès le lendemain un commis me renvoya les expéditions faites sur les papiers dont je viens de parler et les payements se firent, mais ces payements étaient dus, et cette insolence ne me l'était pas, ainsi nous en demeurâmes en ces termes, et quand il fallait passer par lui je lui envoyais un mémoire.
Il était si enivré de sa place et de sa faveur inespérée, si en proie à son humeur et aux flatteries des nouveaux amis qui ne voulaient que faire des affaires, qu'il oublia les leçons de sa longue disgrâce et ses vrais et anciens amis désintéressés. M. de Beauvilliers et M. de Chevreuse n'étaient plus alors; il s'était refroidi de même avec eux jusqu'à la cessation du commerce, et brouillé fortement avec Mme de Croissy qui, pendant sa disgrâce, avait été toute sa ressource, depuis qu'il put demeurer à Paris, par conséquent très froidement avec Torcy. Tel était cet ogre.
Torcy, on a vu que je n'avais jamais eu aucun commerce avec lui, et sur quel pied gauche j'étais resté avec Pontchartrain; Voysin, chancelier et secrétaire d'État, je n'y avais jamais eu la plus légère connaissance, et il était d'ailleurs l'âme damnée de Mme de Maintenon et de M. du Maine.
Ainsi, tous les successeurs de mes plus intimes amis m'étaient fort opposés, ou pour le moins parfaitement indifférents; encore avais-je lieu de ne pas m'en croire quitte à si bon marché avec pas un, jusqu'au successeur de M. de Beauvilliers, comme on l'a vu épars en plusieurs endroits; en dernier lieu même nous étions demeurés assez mal ensemble depuis les belles prétentions des maréchaux de France, lors de l'affaire du duc d'Estrées et du comte d'Harcourt, qu'il avait fort soutenues, et sur lesquelles je m'étais espacé sur lui sans ménagement.
On comprend assez que c'est le maréchal de Villeroy dont j'entends parler; il venait d'obtenir l'archevêché de Lyon pour son fils, et commandement dans tout le gouvernement, comme l'archevêque son grand-oncle, malgré ses mœurs et son ignorance, l'un et l'autre parfaitement connus. À peine la place de chef du conseil des finances fut-elle vacante que le roi lui manda, à Lyon où il était encore, qu'il la lui donnait. Outre la façon dont nous étions ensemble, c'était encore un homme vendu à Mme de Maintenon, et par conséquent au moins pour lors au duc du Maine. Tallard, Tessé, d'autres courtisans importants, nous avions toujours marché sous différentes enseignes, et quoique Harcourt m'eût souvent rapproché, ce que j'étais au duc de Beauvilliers m'avait empêché de m'y jamais prêter au delà de la simple et indispensable bienséance.
En un mot je ne tenais plus à personne; Charost, malgré sa charge, n'était rien, et Noailles avec tous ses dehors, et le cancer interne de sa disgrâce couverte, avait plus besoin de moi pour le futur, que moi de lui pour le présent. J'avais donc sans nul appui le ministère et l'intérieur du roi contre moi, et dans la cour force piques baissées sur moi par la peur et la jalousie qu'on avait prise, et sur l'idée encore d'un avenir peu éloigné par la régence de M. le duc d'Orléans.
La liaison entre lui et moi était de toute notre vie; on n'ignorait plus que sa séparation d'avec Mme d'Argenton, son raccommodement avec Mme la duchesse d'Orléans, l'union dans laquelle ils vivaient depuis, le mariage de Mme la duchesse de Berry, ne fût mon ouvrage. La disgrâce du roi si marquée, si approfondie, les dangers de l'affaire d'Espagne, les vacarmes tant renouvelés des poisons, la fuite générale de sa présence qui durait toujours, les avis, les menaces secrètes qu'on avait pris soin de me faire revenir, n'avaient pu me séparer de lui, ni d'être le seul homme de la cour qui le vît publiquement, et qui publiquement parût avec lui dans les jardins de Marly, et jusque sous les yeux du roi. L'uniformité de cette conduite ne pouvait être imputée aux espérances, puisqu'elle avait été la même du temps de Monseigneur et des princes ses fils, où je n'en pouvais attendre que des disgrâces. Alors même ce peu de ménagement était considéré comme une singulière hardiesse dans la situation où ce prince se trouvait avec le roi et Mme de Maintenon que personne n'ignorait, et dont le testament du roi devenait dans son obscurité une preuve manifeste qui portait tous les pas vers le duc du Maine.
Celui-ci n'avait pas oublié l'inutilité de tous les siens vers moi, ni mon extrême horreur des rangs qu'il avait obtenus. Ma conduite avec M. le duc d'Orléans démentait avec force l'imputation exécrable faite à ce prince si importante au duc du Maine, dont il avait si habilement su profiter, et que pour l'avenir il entretenait et ressuscitait avec tant d'art et de manège, toujours Mme de Maintenon de moitié avec lui.
J'avais conservé une réputation entière de vérité, de probité et d'honneur, que les jaloux, les querelles de rang, les divers orages n'avaient jamais attaquée; Mme de Saint-Simon était de toute sa vie sur le plus grand pied de réputation en tout genre; personne n'ignorait, quoique en gros, que nous avions infiniment perdu au Dauphin et en la Dauphine pour le présent et pour l'avenir, ni l'amertume de notre douleur. Je n'avais jamais passé pour savoir me contraindre, il était donc évident que j'aurais rompu avec M. le duc d'Orléans, sans ménagement, et sans égard aucun sur l'avenir, si je l'avais soupçonné le moins du monde: cela même était universellement avoué, et je le voyais trop journellement, trop intimement pour, à la fin, n'avoir rien soupçonné pour peu qu'il y eût à le faire. Voilà ce qui m'avait tant détaché d'avis et de menaces de toutes parts pour m'obliger à changer de conduite avec ce prince, dont l'inutilité retombait en rage sur moi de la part de Mme de Maintenon et de M. du Maine qui, outre ce principal objet que je remets ici devant les yeux quoique je l'aie touché ailleurs, s'y proposaient encore de priver M. le duc d'Orléans du seul homme qui le vît et avec qui il pût raisonner et consulter.
Les croupiers de ces deux personnes si prodigieusement principales ne leur manquaient pas en ce genre. À eux se jaignaient d'ailleurs un groupe toujours nombreux d'envieux et de jaloux, qui étaient bien persuadés que, dès que M. le duc d'Orléans serait régent, je ferais auprès de lui la première figure en confiance et en crédit, et qui s'en désespéraient d'avance. Cela même était encore une des frayeurs de M. du Maine et de Mme de Maintenon.
La réputation d'esprit qu'on m'avait donnée pour me perdre auprès du roi, lorsqu'il me choisit, en 1706, pour l'ambassade de Rome, et qui réussit si fort au gré des honnêtes gens qui l'imaginèrent, comme on l'a vu alors, était demeurée dans la tête de M. du Maine, de Mme de Maintenon, du roi même; le gros du monde, qui y avait donné, avait eu plus tôt fait de le croire que d'y aller voir, et c'est ainsi que s'établissent et que durent mille fausses idées qu'on se forme tous les jours. J'avais soutenu beaucoup d'aventures, d'affaires de rang, et d'autre nature avec des princes du sang et des plus grands et accrédités de la cour, des orages même, toutes choses que pour la plupart on a vues ici en leurs places. Je ne m'étais effrayé d'aucunes, j'étais toujours bien sorti de toutes. Ce tout, joint ensemble par l'envie et la jalousie, épouvantait et me livrait aux effets de ces passions cruelles.
Quoiqu'il parût que le roi commençait à se flétrir, rien au dehors ne menaçait encore, et je me voyais un long trajet de mer à me conduire seul parmi ces écueils et ces gouffres; je les voyais tous paraître ou s'ouvrir devant moi; je sentais à quel point je pensais à M. du Maine et à Mme de Maintenon, dans l'intimité unique du prince qui leur était en butte, et lui et moi sans la moindre défense; combien je leur paraissais dangereux auprès de lui après le roi; enfin, combien d'envieux, de jaloux, d'ennemis tourmentés de ces mêmes pensées par différents regards. Plus de conseil principal et intime, et plus personne en crédit pour m'appuyer et me défendre. Dieu permit que je ne me troublai point; je me résolus à une conduite sage, mais sans rien changer à mes allures, sans rechercher personne, surtout à vivre avec M. le duc d'Orléans entièrement comme j'avais accoutumé en particulier et en public, et à ne donner le plaisir à personne de me voir faiblir et chercher à m'accrocher. Cette courte exposition était nécessaire pour ce qui suivra, quoique ce ne soit pas encore le temps de parler de ce qui se passait entre M. [le duc] et Mme la duchesse d'Orléans et moi. Retournons en attendant dans le monde qu'il y a trop longtemps que nous avons quitté.
Il faut se souvenir que ce fut le dimanche 26 août que le roi remit son testament au premier président et au procureur général à Versailles, qu'ils reçurent le même matin du chancelier l'édit qui l'accompagna, qu'il fut enregistré le mardi suivant 28, et le testament enfermé le même jour dans le lieu de son dépôt; que le lendemain mercredi le roi alla coucher à Petit-Bourg, qu'il arriva le jeudi 30 août à Fontainebleau, et que le lendemain vendredi dernier août, le duc de Beauvilliers mourut à Vaucresson. Revenons maintenant un instant sur nos pas, et voyons de suite le rappel du cardinal del Giudice.
Quelque soumise que l'Espagne paroisse à Rome, les entreprises de cette cour qui cherche sans cesse à augmenter son pouvoir forment souvent de petits orages. Son joug est trouvé trop pesant pour le laisser augmenter encore; on s'y défend fortement de son accroissement; et quand Rome s'emporte, la cour de Madrid la range par famine, et la force de se rendre à la raison. C'est ce qui s'exécute aisément en y fermant la nonciature dont le tribunal est extrêmement étendu, et vaut plus de deux cent mille écus à la cour de Rome, tous les officiers payes, et le nonce même qui tire gros. Les mœurs des pays d'inquisition sont si différentes des nôtres, et ce détail mènerait si loin, que je m'abstiendrai d'entrer dans l'affaire émue par la cour de Rome, qui blessa la cour de Madrid.
Macañas revêtu d'une charge dans le conseil de Castille, et homme fort savant et fort attaché aux droits et à la personne du roi d'Espagne, fut chargé d'écrire contre cette entreprise. Il le fit par un ouvrage si bien prouvé que Rome ne put répondre que par l'abus auquel elle a si souvent recours. L'inquisition d'Espagne fit un décret furieux contre la personne et l'ouvrage de Macañas, et l'envoya en France au cardinal del Giudice, grand inquisiteur d'Espagne, qui l'expédia et le data de Marly le dernier juillet. Le roi fut fort choqué de cet exercice de sa charge dans sa propre maison, hors de son territoire d'Espagne, et dans son royaume, qui ne reconnaît point d'inquisition ni d'inquisiteurs. Néanmoins il n'en voulut rien témoigner au dehors, sinon légèrement par Torcy, qui par ordre du roi se paya aisément des excuses qu'il prodigua, et qui ne coûtent rien aux ministres de Rome, pourvu qu'ils aient fait ce qu'ils ont voulu, et que les excuses n'arrêtent point ce qu'ils ont fait.
En Espagne on fut fort irrité de la conduite d'un grand inquisiteur, qui était en même temps dans le conseil d'État, qui se pouvait si aisément excuser à Rome sur son absence d'Espagne, et se porter si convenablement par ses deux emplois en amiable compositeur du différend qui en juge aussi partial et aussi sévère. Mme des Ursins fut ravie d'une occasion si naturelle de se délivrer en Espagne du poids incommode du cardinal. Elle avait eu cette vue pour un temps en l'envoyant si indécemment en France; mais l'autre vue qu'elle avait eue pour ce voyage n'était pas encore remplie, et qui regardait le mariage du roi d'Espagne; elle se contenta donc d'aigrir le roi d'Espagne contre le cardinal, mais de temporiser jusqu'à ce que sa commission fût accomplie. Il l'acheva en effet le matin même que le roi partit l'après-dînée de Versailles pour aller coucher à Petit-Bourg, et lui donna part publique du mariage du roi d'Espagne, dont jusqu'alors il ne lui avait donné part qu'en particulier, par respect et confiance de son petit-fils, qui toutefois l'avait conclu avant de lui en avoir fait dire un mot.
Le roi continua à dissimuler sur l'entreprise du cardinal grand inquisiteur et sur le mariage. Il avait invité le cardinal de venir à Fontainebleau où il lui avait donné un beau logement. Mais la princesse des Ursins, qui savait le jour précis que cette part publique du mariage serait donnée, s'était ajustée là-dessus, de façon que dès le lendemain le cardinal reçut un ordre précis qui le rappelait en Espagne sur-le-champ. Giudice en fut consterné. Il vint le lundi 3 septembre à Fontainebleau, vit longtemps le roi le lendemain dans son cabinet à l'issue de son lever, prit congé de lui, et s'en retourna à Paris. Il ne se cacha à personne du chagrin de son départ; ni assez de son inquiétude, car il ne se contraignit pas de dire qu'il quittait un paradis terrestre pour retourner dans un pays où il ne trouverait que des épines, et pas un homme à qui se fier, et qu'il quitterait avec plaisir tous les emplois qu'il avait en Espagne, si le roi son maître lui voulait faire la grâce de le nommer son ambassadeur en France pour y demeurer toujours. Deux jours après, le roi lui envoya un diamant de dix mille écus, et il partit aussitôt après avec Cellamare son neveu, pour retourner en poste en Espagne.
En arrivant à Bayonne, il trouva un ordre qui lui défendait d'entrer en Espagne, et qui lui enjaignait d'en attendre de nouveaux à Bayonne. Il en parut fort abattu. Il envoya son neveu à Madrid et il demeura à Bayonne. Nous l'y laisserons parce qu'il y demeura longtemps. Il y eut le dégoût de recevoir défense de voir la nouvelle reine d'Espagne, qui y entra tandis qu'il se morfondait à Bayonne. On verra en son temps ce qu'il devint et Macañas.
Je ne sais ce qui était revenu à la princesse des Ursins sur les dispositions de la princesse de Parme, mais elle entra dans de tels soupçons de son esprit haut et entreprenant, qu'elle se repentit d'avoir fait ce mariage, et qu'elle eut envie de le rompre. Elle fit donc naître je ne sais quelles difficultés, sur lesquelles elle fit dépêcher un courrier à Rome au cardinal Acquaviva qui y faisait les affaires du roi d'Espagne, avec ordre de différer son voyage à Parme, où il avait ordre d'aller faire la demande et d'y voir épouser la princesse par le duc de Parme, frère cadet du feu père de la princesse, qui avait épousé sa mère peu de temps après avoir succédé au duché. Mme des Ursins avait changé d'avis trop tard. Le courrier ne trouva plus Acquaviva à Rome: ce cardinal était en chemin et près d'arriver à Parme, de sorte qu'il n'y eut pas moyen de reculer.
Il fut reçu avec de grands honneurs et une grande magnificence: il fit la demande, mais il différa les épousailles comme il put, et ce retardement fit beaucoup parler. En attendant, la dépense était pesante à Parme; le mariage, qui se devait célébrer le 25 août, ne le fut que le 16 septembre, par le cardinal Gozzadini, légat a latere pour cette fonction, et pour complimenter la reine d'Espagne au nom du pape. Elle partit incontinent après pour aller s'embarquer à Gènes et aller par mer à Alicante, accompagnée du marquis de Los Balbazès et de la princesse de Piombino, femme de beaucoup d'esprit, et amie particulière de la princesse des Ursins. Albéroni, qu'elle avait envoyé à Parme dès les commencements de cette affaire du mariage, retourna de la part du duc de Parme à son emploi d'Espagne, à la suite de la nouvelle reine.
Deux mariages moins importants se firent en même temps. La princesse d'Espinoy, intimement liée, comme on l'a vu en plus d'un endroit avec feu Mme de Soubise et ses fils, donna sa fille, qui était fort riche, au fils unique du prince de Rohan, qui de son côté devait l'être infiniment. Il n'y eut point de fiançailles chez le roi, et quelques jours après Mme d'Espinoy présenta sa fille, qui prit le tabouret au souper.
L'autre mariage ne fut pas si égal en biens et en naissance. Le comte de Roucy s'était détaché de faire le mariage de Mlle de Monaco pour son fils, malgré Mme de Monaco et M. le Grand. Il le maria à la fille d'Huguet, conseiller au parlement, unique et fort riche, dont le comte de Roye avait fort grand besoin.
Le roi, qui avait été de fort mauvaise humeur durant le chemin, jusqu'à se fâcher de bagatelles contre son ordinaire, à casser le cocher qui le menait, et à tomber sur le premier écuyer qu'il aimait, à ce que me dit Mme de Saint-Simon, qui alla à Fontainebleau et en revint seule dans son carrosse avec les princesses, n'était apparemment pas revenu du tourment qu'il avait reproché au duc du Maine, et dont il avait parlé si ouvertement et si amèrement au premier président, et au procureur général, et à la reine d'Angleterre, sur tout ce qu'on lui avait fait faire si fort contre son gré. Il trouva son appartement à Fontainebleau tout à fait changé. Je ne sais s'il fut plus commode, mais il n'en parut pas plus beau.
L'électeur de Bavière y vint peu de jours après, et s'y établit chez d'Antin avec une table et le plus gros jeu du monde qui commençait dès le matin. Il ne laissait pas d'aller jouer chez Mme la Duchesse, et elle quelquefois chez lui. Elle le menait d'ordinaire dans sa gondole sur le canal lorsque le roi, suivi de toute la cour, s'y promenait en carrosse. L'électeur fut de toutes les chasses, où il voyait le roi, d'ailleurs fort rarement dans son cabinet.
Mme de Maintenon chercha fort à amuser le roi chez elle par des dîners, des musiques, quelque jeu dans leur intrinsèque. On avait pratiqué une tribune sur la salle de la comédie en face du théâtre. On allait à cette tribune de chez Mme de Maintenon. Le roi, qui depuis longues années n'allait plus aux spectacles, y parut quelquefois pendant quelques actes avec quelques dames choisies outre celles des dîners. J'y vis une fois Mme d'Espinoy. Il ne laissa pas d'en voir quelques-unes entières de Molière chez Mme de Maintenon jouées par les comédiens, avec des intermèdes de musique.
Le fils du comte du Luc y arriva le matin du mercredi 12 septembre, avec la nouvelle que la paix de l'empereur et de l'empire avec le roi avait été signée le 7 à Bade, sur le modèle signé et convenu entre l'empereur et le roi à Rastadt.
Prior y donna aussi part au roi dans une audience particulière, de la part du nouveau roi d'Angleterre, de son avènement à cette couronne, de son prochain départ d'Hanovre pour se rendre à Londres, et de son dessein d'entretenir la paix et un bon voisinage. Il fit son entrée fort magnifique à Londres le 1er octobre; ôta au duc d'Ormond, au lord Bolingbroke et à plusieurs seigneurs leurs emplois; changea tout le ministère de la reine Anne, en prit un tout opposé qui poursuivit le dernier sur la paix de l'Angleterre avec la France, et sur des affaires intérieures; rétablit Marlborough dans toutes ses charges et commandements; éleva les whigs aux dépens des torys. Cela ne témaignait rien de favorable à la France, aussi était-il tout à l'empereur.
Le maréchal de Villeroy arriva de Lyon à Fontainebleau, le mardi 18 septembre, heureux de s'être trouvé absent lors du dernier comble des bâtards et du testament, et hors de portée de ces temps si orageux dans l'intime intrinsèque où il était admis. Il fut reçu en favori tout nouvellement comblé des plus grandes grâces, déclaré ministre d'État, dont il prit place le lendemain au conseil d'État. Il est plaisant que cet emploi, le plus important de tous, soit l'unique qui ne prête aucun serment, fondé sur ce qu'à chaque conseil d'État l'huissier va le matin même avertir tous ceux qui en sont de s'y rendre, de manière que si l'un d'eux n'est point averti, il n'y va point, et comprend qu'il est remercié. Cela n'arrive pourtant jamais de la sorte; leur disgrâce se déclare par un ordre de se retirer, ou en un lieu marqué pour exil, ou hors de la cour seulement. Longtemps depuis, Torcy m'a conté que le roi prenait la parole avant le maréchal de Villeroy dans les commencements, pour lui mieux faire entendre de quoi il s'agissait, que le maréchal opinait si pauvrement et disait ou demandait des choses si étranges que le roi rougissait, baissait les yeux avec embarras, quelquefois interrompait ses questions pour répondre d'avance, et qu'il ne s'accoutuma jamais, mais comme un gouverneur qui couve son élève, à l'ignorance, aux sproposito, à l'ineptie du maréchal, qui par le grand usage de la cour et du commandement des armées dans les derniers temps des affaires et de la confiance du roi, les surprenait tous par ne savoir jamais ce qu'il disait, ni même ce qu'il voulait dire. J'en fus étonné moi-même au dernier point après la mort du roi.
Le maréchal de Villars arriva de Bade le lendemain de l'autre dont il se trouva fort obscurci.
Le duc de Mortemart arriva le jeudi 20 septembre à Fontainebleau, dépêché par le duc de Berwick, qui fit commencer à la pointe du jour du 11 septembre une attaque générale à Barcelone, à laquelle les assiégés ne s'étaient point attendus. Ils défendirent mal leurs brèches, et on demeura maître de trois bastions et de deux courtines. Ils ne se défendirent point dans le bastion de Saint-Pierre qui était le quatrième attaqué à la fois. Mais on n'y put demeurer par le grand feu qui sortait d'un couvent qui le commandait. Ce fut où on perdit le plus, et en tout l'action a beaucoup coûté de part et d'autre. Ils se retirèrent derrière l'ancienne enceinte qui sépare les deux villes, et le maréchal de Berwick en fut bien aise, pour leur donner lieu de capituler, et à lui d'empêcher le pillage de la ville; Talleyrand et Houdetot brigadiers y furent tués. À la fin les assiégés se rendirent à discrétion la vie sauve, mais sans aucune mention de leurs biens; le Mont-Joui se rendit de même en même temps; et Cardone quelques jours après, comme on en était convenu.
Cet assaut général, où Dillon commandait comme lieutenant général de tranchée, et Cilly lieutenant général avec la nouvelle tranchée qui devait le relever, fut donné par trente et un bataillons et trente-huit compagnies de grenadiers commandés par le marquis de La Vère, frère du prince de Chimay, et par Guerchy, lieutenants généraux, et Châteaufort avec six cents dragons attaqua en même temps une redoute vers la mer, soutenu par Armendaris, avec trois cents chevaux, qui a été depuis vice-roi du Pérou. Tout fut attaqué en même temps; il se trouva un grand retranchement derrière tout le front de l'attaque où les assiégés chassés des trois bastions et des deux courtines firent plus ferme. Les assiégeants s'étendirent et les emportèrent; ils s'emparèrent aussitôt de beaucoup de maisons et de quelques places, et s'y maintinrent malgré plusieurs recharges des assiégés. Berwick y fut toujours au milieu du plus grand feu, y donnant ses ordres avec le même sang-froid que s'il eût été dans sa chambre. Il fit faire une coupure au rempart pour faire de nouvelles dispositions, et au moyen des maisons se porter en avant. Le feu fut très violent de toutes parts et dura jusqu'à quatre heures après midi, que les ennemis firent rappeler. Leurs députés sortirent, il y eut plusieurs allées et venues. Enfin le lendemain 12, il se rendirent à discrétion, comme on l'a dit. La cavalerie monta sur la fin de l'action par les brèches dans la ville.
On souffrit assez de plusieurs mines et fougasses qu'ils firent jouer pendant l'attaque; et on compta environ quinze cents hommes tués ou blessés de chaque côté à cette attaque, avec beaucoup d'officiers. La place avait tenu soixante et un jours de tranchée ouverte, avec une résolution et une opiniâtreté extrêmes des troupes et des habitants, enragés de l'abandon de l'empereur et de la perte pour toujours de leurs privilèges par leur réduction, et de ceux de leur province dont ils ont été de tout temps si jaloux, et dont ils avaient si étrangement abusé. Les moines de tous ordres, surtout les capucins, et tous les autres de Saint-François, les jésuites même, signalèrent leur rage par les fatigues et les périls où ils s'exposèrent sans cesse, et par leurs vives exhortations soutenues de leur exemple.
Berwick mit un si grand ordre à tout que, dès le lendemain qu'ils se furent rendus, tout parut si tranquille par toute la ville que les boutiques y furent ouvertes à l'ordinaire. Il fit rendre les armes aux bourgeois, changea toute l'ancienne forme du gouvernement, cassa la députation, fit de nouveaux magistrats, établit une nouvelle forme de gouvernement, sous le nom de junte, en attendant les ordres du roi d'Espagne, auquel il dépêcha le prince de Lanti, neveu de la princesse des Ursins. Les miquelets et les volontaires de la campagne vinrent se rendre en foule. La Catalogne fut soumise. Villaroël, dont on a parlé à l'occasion de l'affaire d'Espagne de M. le duc d'Orléans, commandait à Barcelone. Il fut embarqué avec Basset et une vingtaine d'autres principaux chefs de la rébellion, tous militaires, et conduits au château d'Alicante, pour y demeurer le reste de leurs jours, ou être distribués en d'autres prisons.
Le duc de Berwick demeura un mois à Barcelone pour régler toutes les affaires militaires et civiles de la ville et de la province, et s'en alla ensuite à Madrid. Cette conquête, qui couvrit de gloire sa valeur, sa capacité, sa prudence, fut le sceau de l'affermissement de la couronne d'Espagne sur la tête de Philippe V et de la tranquillité publique, dont l'empereur ne put cacher son extrême déplaisir malgré la paix.
Broglio, gendre de Voysin, arriva le 23 septembre à Fontainebleau avec tout le détail. On sut par lui qu'il n'y avait eu ni capitulation ni aucuns articles signés, que le duc de Berwick ne l'avait pas voulu souffrir, et qu'il avait mis quatorze bataillons français dans Barcelone avec quelque cavalerie espagnole. Pour Cardone, Montemar, qui a tant fait parler depuis de lui en Italie, en prit possession pour le roi d'Espagne; il permit à la garnison, à toute laquelle il accorda le pardon, de se retirer à leur choix hors de la domination d'Espagne, ou chez eux ceux qui avaient du bien.
Le roi de Pologne, qui s'était fait catholique pour obtenir cette couronne si bien séante à la situation de son électorat, s'y trouvait assez affermi depuis le désastre du roi de Suède, pour se flatter d'y pouvoir avoir son fils pour successeur. Mais le premier pas à faire pour y parvenir était que le prince électoral embrassât aussi la religion catholique, et il s'y trouvait de grandes difficultés. Comme électeur de Saxe il était chef et protecteur né des luthériens d'Allemagne; c'était à lui que s'adressaient tous leurs griefs sur leur religion, il était chargé de les faire redresser par l'empereur et par l'empire, et de l'exécution de tous les traités faits là-dessus. Cette qualité lui donnait un grand poids dans l'empire, et il en était si bien persuadé, que tout catholique qu'il était devenu, il avait trouvé moyen de se conserver cette dictature. Il n'avait point d'autres enfants que ce fils à qui il voulait aussi transmettre cette même autorité dans l'empire. Toute la Saxe était rigidement luthérienne, ses autres États l'étaient en partie, deux électeurs catholiques de suite ne pouvaient que causer une grande alarme aux luthériens et les porter du moins à se choisir un autre protecteur.
Il trouvait de plus un grand obstacle dans la personne de Christine Éverardine son épouse et mère du prince électoral, fille de Christian-Ernest, marquis de Brandebourg-Bareith, princesse altière, courageuse, luthérienne zélée, qui avait publiquement détesté son changement de religion, l'ambition qui l'y avait porté, qui n'avait jamais voulu mettre le pied en Pologne, ni prendre le nom, les marques et le rang de reine. Elle avait même poussé les choses jusqu'à ne vouloir pas le voir dans les séjours qu'il allait faire en Saxe, où elle se retirait dans un château éloigné dès qu'elle apprenait qu'il partait de Pologne, et s'y tenait jusqu'à ce qu'il fût retourné.
Tant d'obstacles ne furent pas capables de le rebuter. Il gagna l'esprit de son fils dans ses séjours en Saxe, il glissa sourdement auprès de lui quelques domestiques sûrs et de sa confiance; et pour le tirer d'auprès de l'électrice en son absence, et d'une cour toute luthérienne, il le fit voyager avec peu d'accompagnement dans un entier incognito sous le nom de comte de Lusace.
Il choisit le palatin de Livonie pour lui confier le prince et son secret, et il était difficile de trouver un seigneur qui eût toutes les qualités de celui-là, et aussi capable de conduire aussi dignement et aussi convenablement un jeune prince dans les différentes parties de l'Europe qu'il lui fit voir. Le roi de Pologne y joignit un habile jésuite travesti qui en eut permission de son général et du pape, et qui conduisit la conversion du prince, et ses affaires à lui si heureusement et avec tant de dextérité, qu'il en fut fait cardinal lorsqu'on jugea qu'il était temps de rendre la conversion publique. C'est lui qui a figuré si longtemps depuis sous le nom de cardinal de Salerne, et mort à Rome au bout de neuf ou dix ans de son cardinalat.
Le prince électoral avec ce peu de suite vit l'Italie entière, après avoir parcouru une partie de l'Allemagne. Il séjourna longtemps à Rome où il fit secrètement son abjuration. Le pape lui accorda un bref qui lui permit de la tenir cachée, en sorte que jusqu'à ses domestiques y furent trompés. Deux ou trois domestiques affidés gardèrent un secret impénétrable, par le moyen desquels il entendait la messe, dans sa chambre, du P. Salerne, et y approchait souvent des sacrements avant qu'on fût levé chez lui. Il vint en France en ce temps-ci, et prit toute une maison garnie sur le quai Malaquais, au coin de la rue des Petits-Augustins.
Il arriva le 26 septembre à Fontainebleau, ayant passé quelques jours à Paris. Il vit Madame en arrivant, qui le présenta au roi sous le nom du comte de Lusace au sortir de son souper. Il parut un grand et gros garçon de dix-huit ans, bien frais, blond, avec de belles couleurs, et faisant fort souvenir de M. le duc de Berry, l'air sage, modeste, attentif à tout, fort poli mais avec mesure et dignité, et qui, sous un incognito qui ne prétendit jamais rien, montrait sentir fort ce qu'il était, et sans embarras. Son palatin plut extrêmement à tout le monde par son esprit, sa sagesse, le discernement qu'on lui remarqua, l'air du grand monde, et une aisance mesurée à propos dans sa liberté, et qui ne laissait jamais apercevoir au dehors qu'il fût le mentor du jeune prince.
Il dîna le vendredi 28 septembre chez l'électeur de Bavière, qui avait vu le roi dans son cabinet après sa messe, et qui s'en alla le soir à Saint-Cloud et de là à Compiègne. Le lendemain le roi courut le cerf. Il fit donner de ses meilleurs chevaux au prince électoral et au palatin, et d'autres aux principaux de sa suite. Il eut pendant son séjour toutes les attentions pour lui que l'incognito permit, et traita aussi le palatin avec distinction. Les principaux de la cour leur en firent fort bien les honneurs. Le roi le convia souvent aux chasses, et sur ce qu'il versa dans Paris, envoya un gentilhomme ordinaire savoir de ses nouvelles.