NOTE XI. MÉMOIRE DE MARINIER, COMMIS DES BÂTIMENTS DU ROI, SOUS COLBERT, LOUVOIS ET MANSART.

Je dois à l'obligeance du savant bibliothécaire de Versailles, M. Leroy, la copie de ce mémoire, qui donne les chiffres exacts des dépenses de Louis XIV à Versailles et à Marly, de 1664 à 1690. Saint-Simon ne parle que d'une manière générale de ce palais si immensément cher ; et quant à Marly, il se borne à dire « que Versailles n'a pas coûté Marly. » On verra par la suite du mémoire la totalité des dépenses de Louis XIV en bâtiments jusqu'en 1690.

À Monseigneur, Monseigneur Hardouin Mansart, chevalier de l'ordre de Saint-Michel, conseiller du roi en ses conseils, surintendant et ordonnateur général des bâtiments, jardins, tapisseries, arts et manufactures de Sa Majesté.

« Monseigneur,

« Le manuscrit que je prends la liberté de vous offrir n'a point encore vu le jour. Il attendait son légitime protecteur pour paraître; le rang que vous tenez aujourd'hui, Monseigneur, n'est pas tant l'effet de la libéralité du prince, que de sa justice et de son discernement; les superbes édifices dont vous êtes le surintendant et ordonnateur général tiennent tout leur éclat et toute leur magnificence de la grandeur et de la beauté d'un génie inconnu jusqu'à vous; mais il n'en fallait pas moins pour remplir les grandes idées du plus grand prince du monde. Je n'entreprendrai ici, Monseigneur, ni l'éloge du roi que vous servez, ni le votre, l'un et l'autre sont fort au-dessus de moi; j'ose seulement vous supplier très humblement, Monseigneur, de vouloir agréer un travail qui est le fruit d'un autre infiniment plus étendu que feu mon père a fait sous les ordres de feu Mgr Colbert. Vous y verrez, Monseigneur, de grandes choses en peu d'espace, et en peu de temps; j'ai tout pris sur le mien pour ménager le vôtre! heureux si, par cet essai, je puis vous persuader du profond respect avec lequel je suis,

« Monseigneur,

« Votre très humble, très obéissant et très soumis serviteur,

« G. M. »

Mémoires curieux tirés des comptes des bâtiments du roi depuis et compris l'année 1664, que feu M. Colbert fut surintendant des bâtiments, et que les dépenses commencèrent à devenir considérables, jusques et compris l'année 1690, que Sa Majesté les a retranchés à cause de la guerre.

Le plan qu'on s'est proposé dans cet ouvrage a été de supputer la dépense qui a été faite pour chaque maison royale en chacune année, et composer un total de ce que chaque maison a coûté au roi pendant les vingt-sept années de ces mémoires. Et à l'égard de Versailles seulement, on a encore distingué ce qui a été dépensé pour chaque nature d'ouvrage.

Ensuite de ces chapitres particuliers, on a composé un chapitre général qui contient le total des dépenses que le roi a faites dans ses bâtiments depuis l'année 1664 jusqu'en 1690 inclusivement.

On aurait pu embellir cet ouvrage, très sommaire dans sa disposition, de plusieurs traits d'histoire qui l'auraient sans doute rendu agréable; mais persuadé que M. Félibien n'omettra rien dans son Histoire des Maisons royales, on n'a pas voulu le prévenir.

On a cru néanmoins qu'il était indispensable de donner une idée générale de chaque maison royale, avant d'exposer la dépense qui y a été faite, et cela pour satisfaire en quelque sorte la curiosité des personnes moins instruites, entre les mains de qui cet ouvrage pourrait tomber dans la suite.

CATALOGUE DE TOUTES LES MAISONS ROYALES ET ÉDIFICES APPARTENANT À SA MAJESTÉ.

Le château de Versailles et ses dépendances, qui sont: Trianon. —Clagny. — Saint-Cyr. — Les églises de Versailles. — La machine de la Seine. — L'aqueduc de la rivière d'Eure. — Noisy. — Moulineaux. — Le château de Saint-Germain en Laye et le Val. — Le château de Marly. — Le château de Fontainebleau. — Le château de Chambord. — Le Louvre et les Tuileries. — L'Arc de triomphe à Paris. — Le bâtiment et l'église des Invalides. — La place royale de l'hôtel de Vendôme, et couvent des Capucines. — Le Val-de-Grâce à Paris. — Le couvent de l'Annonciade de Meulan. — Le canal des communications des mers. — La manufacture des Gobelins et de la Savonnerie. — Les manufactures établies en plusieurs villes de France. — Les Académies de Paris et celle de Rome. — Le Palais-Royal (Sa Majesté l'a donné en propre à Mgr le duc de Chartres, pour partie de la dot de Mme la duchesse de Chartres). — La Bastille. — L'Arsenal. —L'Enclos du palais. — Le Châtelet. — La Monnaie. — La Bibliothèque. —Le Jardin-Royal. — Le Collège de France. — L'hôtel des Ambassadeurs. —La Pompe du pont Neuf —La Tournelle. — L'aqueduc d'Arcueil. —L'Hôpital général. — La Pépinière du Roule. — Le château de Madrid. —La [Muette] de Boulogne. — Le château de Vincennes. — Le château de Saint-Léger. — Le château de Limours. — Le château de Monceaux. — Le château de Compiègne. — Le château d'Amboise. — Le château de Marimont. — Le Jardin du Roi, à Toulon. — Le château et domaine de Villers-Cotterêts a été donné à S. A. R. Monsieur, en augmentation d'apanage. — Château-Thierry, engagé à M. le duc de Bouillon. — Le palais du Luxembourg, que le roi a acquis depuis la mort de Mademoiselle. — Le château de Meudon et ses dépendances, qui appartient à Monseigneur, au moyen de l'échange qu'il en a fait avec le château de Choisy, qui lui a été légué par Mademoiselle.

CHAPITRE PREMIER.

Château de Versailles et ses dépendances.

Le château de Versailles, et ses dépendances, surpasse toutes les idées que l'on en peut donner; aucun prince de l'Europe n'a porté la dépense aussi loin que le roi, pour se faire une demeure digne de la majesté royale, et le succès ne pouvait achever plus parfaitement de couronner la grandeur de l'entreprise. Ce château est situé sur une élévation qui commande à tous les environs. Ses aspects sont d'un côté sur Paris, de l'autre sur les jardins. Aux deux côtés du château sont les deux ailes eu arrière-corps qui s'étendent du côté du nord et du midi, dont les vues sont sur les jardins. De quelque côté qu'on envisage cet édifice, tout y est surprenant, tout y est admirable; on y trouve plus qu'on ne peut souhaiter; des appartements superbes et commodes, des logements infinis, des jardins, des fontaines dont les beautés toutes différentes tiennent plutôt de l'enchantement que de la nature qui n'a jamais rien produit de si extraordinaire.

Aux deux extrémités d'un canal qui se partage en deux-bras, sont la Ménagerie et Trianon. La Ménagerie est remplie de ce qu'il y a de plus rares animaux dans le monde, recherchés avec un soin et une dépense extraordinaires. Trianon est un palais où le marbre est plus commun que la pierre, où tout est brillant et splendide; c'est un séjour de repos et de plaisir où le roi va se promener avec très peu de monde.

Au bout de la grande aile droite du château, en entrant par l'avenue de Paris, est un grand réservoir, appelé le Château d'Eau, où se rendent les eaux élevées par la machine de Marly, duquel réservoir elles se communiquent dans toute la fontaine du petit parc.

Au bout et au-dessous de l'aile gauche est l'Orangerie, dont la structure est si noble et si magnifique, qu'on est toujours surpris lorsqu'après l'avoir considérée par dehors, on en examine le dedans. Jamais entreprise ne fut plus hardie et mieux exécutée que celle de ce bâtiment.

En sortant des jardins par le milieu du château, vous voyez en face la principale avenue, et des deux côtés la grande et la petite écurie du roi; deux édifices pareils en tout dont la beauté attire la curiosité de tous ceux qui ont du goût pour l'architecture.

Plus loin est le Chenil, et plusieurs autres bâtiments dépendant du château.

À côté droit du château, dans le même aspect, sont encore plusieurs grands édifices, savoir:

Derrière le Grand-Commun est le couvent des Récollets que Sa Majesté a fait bâtir à neuf.

Dans le même alignement du Grand-Commun, en descendant du côté du parc, est la surintendance des bâtiments, maison très belle et très commode, destinée pour le logement de M. le surintendant des bâtiments.

Plus loin, du même côté, est le potager du roi, jardin séparé de tous les autres, dont la culture et la fertilité surpassent tout ce que l'on en pourrait dire.

De l'autre côté de la ville est la Paroisse que Sa Majesté a fait construire de fond en comble, aussi bien que le logement des Pères de la Mission, par qui elle est desservie aux dépens du roi, avec toute la décence et l'exactitude possibles. C'est un des plus considérables édifices de la dépendance du château.

Plus loin, du même côté, est le château de Clagny, maison de plaisance très belle et très agréable, soit par la régularité de l'architecture, soit par la distribution des appartements et la disposition des jardins. Elle coûte au roi plus de deux millions.

Au bord de la Seine, sur le chemin de Saint-Germain en Laye, est la machine de Marly qui élève les eaux de la rivière jusqu'au sommet d'une tour bâtie sur une montagne. De cette tour, les eaux sont conduites par des aqueducs et des conduites de fer de fonte aux jardins de Versailles et de Marly. Cette seule machine demanderait une description particulière, si c'était le dessein de cet ouvrage; mais on peut juger de sa beauté et de son succès par l'abondance des eaux qu'elle fournit à Versailles. On verra ci-après qu'elle coûte au roi trois millions sept cent mille livres, sans y comprendre les remboursements des héritages acquis pour le passage des eaux, et aussi sans les conduites de fer de fonte qui sont confondues avec celles de Versailles.

Quoique le roi ait dépensé près de neuf millions pour la construction des aqueducs qui devaient conduire les eaux de la rivière d'Eure, de Maintenon à Versailles, comme ces aqueducs ne sont pas dans leur perfection, ils ne demandent pas une plus ample description.

La royale maison de Saint-Cyr, dont les dépenses sont confondues avec celles de Versailles, comme en étant une dépendance, mérite une plus particulière attention, la piété, la charité, la religion ont été les bases de cette fondation royale qui procure tous les jours un asile honorable à un grand nombre de jeunes demoiselles, qui, pourvues des avantages de la naissance, se trouvent dénuées de ceux de la fortune; il faut faire preuve [100] pour y entrer.

Je n'ai rien dit de la chapelle du château de Versailles, parce qu'elle n'est point encore bâtie. On y travaille actuellement. Sans doute la piété du roi n'omettra rien pour la rendre cligne, autant qu'elle le peut être de la majesté du Dieu qu'elle adore avec tant de sincérité et de zèle.

Les dépenses qui ont été faites aux châteaux de Noisy et Moulineaux sont confondues avec celles de Versailles, et ne méritent pas d'attention.

Voilà je crois l'idée la plus sommaire qu'on puisse donner du château de Versailles, et de ses principales dépendances. Un volume entier ne suffirait pas pour faire la description exacte des dedans et de chaque lieu en particulier, quand on n'entreprendrait que de rendre aux arts la gloire qu'ils s'y sont acquise, sans oser parler des actions héroïques de notre auguste monarque qui y sont représentées de toutes parts; leur nombre et leur suite glorieuse ont épuisé nos plus célèbres génies; l'histoire, toute féconde qu'elle est, aura peine à les rendre sensibles à la postérité; ce n'est point mon intention d'essayer de la prévenir.

Dépenses du château de Versailles par année.

Année.

livres.

sols.

den.

1664

834 037

2

6

1665

783 673

4

 »

1666

526 954

7

 »

1667

214 300

18

 »

1668

618 006

5

7

1669

1 238 375

7

 »

1670

1 996 452

12

4

1671

3 396 595

12

6

1672

2 802 718

1

5

1673

847 004

3

10

1674

1 384 269

10

3

1675

1 933 755

8

1

1676

1 348 222

10

10

1677

1 628 638

11

4

1678

2 622 655

3

10

1679

5 667 331

17

 »

1680

5 839 761

19

8

1681

3 854 382

2

 »

1682

4 235 123

8

7

1683

3 714 572

5

11

1684

5 762 092

2

8

1685

11 314 281

10

10

1686

6 558 210

7

9

1687

5 400 245

18

 »

1688

4 551 596

18

2

1689

1 710 055

10

 »

1690

368 101

10

1

Somme totale des dépenses du château de Versailles et dépendances.

81 151 414

9

2

Quatre-vingt-un millions, cent cinquante-un mille quatre cent quatorze livres, neuf sols, deux deniers.

Dans ce total de dépenses de Versailles et dépendances, j'ai compris les achats de plomb et de marbre en entier, quoiqu'on ait pu en prendre quelques parties pour d'autres maisons royales; mais j'ai compensé cela avec plusieurs autres dépenses pour Versailles employées dans d'autres chapitres des comptes, sous des titres généraux dont il était malaisé de les distraire, et je crois que la compensation peut être juste.

Après avoir vu en gros le total des dépenses de Versailles et ses dépendances, il m'a semblé qu'il serait assez curieux de voir séparément ce qui a été dépensé pour chaque nature d'ouvrage et de dépense, et le montant de chacune pour les vingt-sept années de ces mémoires.

On verra aussi les dépenses de Clagny, la machine de Marly et la rivière d'Eure qui seront distinguées des autres dépenses chacune en un article, quoique comprise dans le total.

Dépenses de Versailles par chapitres.

Maçonnerie de Versailles et ses dépendances, compris Trianon, Saint-Cyr, et les églises de Versailles pendant lesdites 27 années.

livres

 

 

21 186 012

sol.

 

 

4

den.

 

 

1

Charpenterie et bois

2 553 638

1

5

Couvertures

718 679

16

9

Plomberies et achats de plomb

4 558 077

2

6

Menuiserie et marqueterie

2 666 422

2

 »

Serrurerie et taillanderie

2 289 062

3

9

Vitrerie

300 878

10

7

Glaces et miroirs

221 631

1

6

Peintures et dorures, sans les achats de tableaux

 

1 676 286

 

11

 

8

Sculptures sans les achats des antiques

2 696 070

6

9

Marbreries et achats de marbres

3 043 502

5

8

Bronze, fonte et cuivre

1 876 504

6

3

Tuyaux de fer, de fonte, compris ceux de la machine

 

2 265 114

 

15

 

8

Pavé, carreau et ciment

1 267 464

13

 »

Jardinages, fontaines et rocailles

2 338 715

15

8

Fouilles de terres et convoi

6 038 035

1

10

Journées d'ouvriers

1 381 701

16

8

Diverses et extraordinaires dépenses

1 799 061

12

10

Château de Clagny et Glatigny dépendants de Versailles, sans les acquisitions de terre [101]

 

2 074 592

 

9

 

5

Machine de Marly, sans les conduites et acquisitions

 

3 674 864

 

8

 

8

Travaux de la rivière d'Eure et de Maintenon, sans les acquisitions

 

8 612 995

 

1

 

 »

Remboursements de terres et héritages pris pour le château et dépendances de Versailles susmentionnées

 

 

5 912 104

 

 

1

 

 

10

Semblable au total précédent par années

 

81 151 414

 

9

 

2

Autres dépenses pour Versailles.

Outre toutes les grandes dépenses qui viennent d'être expliquées, il en a été fait beaucoup d'autres très considérables pendant lesdites 27 années, pour l'embellissement de Versailles et de Trianon.

Voici les plus considérables:

Pour les achats de tableaux anciens et figures antiques de tous les grands maîtres

livre

509 073

sol.

8

den.

 »

Pour les étoffes d'or et d'argent payées sur le fonds des bâtiments

 

1 075 673

 

2

 

6

Pour les grands ouvrages d'argenterie, outre ceux payés par le trésorier de l'argenterie [102]

 

3 245 759

 

10

 

6

Pour le cabinet des médailles, cristaux, agates, et autres raretés, dont le roi a acheté les six dernières années de ces mémoires pour

 

 

556 069

 

 

 »

 

 

 »

Pour les appointements des inspecteurs et préposés auxdits bâtiments et travaux de Versailles et ses dépendances; gratifications aux contrôleurs et autres, a été payé pendant lesdites 27 années environ

 

 

 

1 000 000

 

 

 

 »

 

 

 

 »

Total de ces dernières dépenses

6 386 574

15

2

Et le total précédent

81 151 414

9

2

Total général des dépenses de Versailles

87 537 989

4

4

Quatre-vingt-sept millions, cinq cent trente-sept mille, neuf cent quatre-vingt-neuf livres, quatre sols, quatre deniers.

En sorte que si l'on joignait à ce total les autres dépenses qui ont été faites pour les meubles, les grands cabinets, les grands ouvrages d'argenterie et autres qui n'ont point été payés sur les fonds des bâtiments, on trouverait que Versailles et ses dépendances coûtent au roi plus de cent millions, sans les entretènements, dont ceux qui sont réglés montent à environ deux cent mille livres, et qui ne le sont pas à plus de trois cent mille livres.

Voici quels sont les entretènements réglés de Versailles et de ses dépendances.

 

Les couvertures

livre

7 500

sol.

 »

den.

 »

Les jardins de Versailles et Trianon, compris les marbres

 

33 416

 

 »

 

 »

Le potager de Versailles

18 000

 »

 »

Les fontaines, rocailles et cuivre

19 780

 »

 »

Les tuyaux de fer de fonte

10 000

 »

 »

Les figures et sculptures de marbre

1 695

 »

 »

Menus entretènements au dehors

2 286

 »

 »

Gages des officiers et matelots du canal

35 970

 »

 »

Les jardins de Clagny

10 200

 »

 »

Les entretiens de la machine de Marly

60 000

 »

 »

TOTAL

198 847

 »

 »

Nota. Les entretiens ci-dessus peuvent avoir été augmentés de quelque chose depuis que ces calculs ont été faits; mais cela n'est pas assez considérable pour être réformé.

CHAPITRE II.

Château de Saint-Germain en Laye et le Val.

Cette maison, illustrée par la naissance du roi, est très ancienne; elle consiste en deux châteaux, l'un vieil, l'autre neuf. Le vieil château est beaucoup plus beau et mieux bâti que le neuf. Ils ne sont séparés l'un de l'autre que d'une grande basse-cour, qui pourrait servir de manège.

Le vieil château est entièrement isolé, d'une forme assez irrégulière. Cinq gros pavillons en font le principal ornement. Un balcon de fer règne dans toute la circonférence du château, à la hauteur des principaux appartements qui sont très vastes. Ce château a pour principal aspect les jardins et la forêt; et le château neuf a sa principale vue sur la rivière de Seine. Le roi, qui y a séjourné très longtemps, y a fait faire des augmentations considérables. C'est une demeure toute royale, et quoique la cour n'y habite pas actuellement, ce ne laisse pas d'être un des plus beaux lieux des environs de Paris, pour sa situation naturelle.

Le Val est un jardin dépendant de Saint-Germain que Sa Majesté fait entretenir avec soin, et qui produit une infinité de beaux fruits dans toutes les saisons, surtout des précoces.

Je ne dis rien des autres dépendances de Saint-Germain, crainte d'ennuyer.

Dépenses des châteaux de Saint-Germain en Laye et dépendances par années.

Année.

livres.

sols.

den.

1664

193 767

13

6

1665

179 478

14

9

1666

59 124

11

6

1667

56 235

8

4

1668

120 271

18

3

1669

515 214

19

 »

1670

597 429

1

4

1671

361 020

11

11

1672

208 516

13

 »

1673

97 379

4

3

1674

112 168

19

11

1675

130 306

18

2

1676

176 118

14

10

1677

194 303

14

4

1678

196 770

5

 

1679

447 401

14

2

1680

607 619

9

2

1681

279 509

9

2

1682

662 826

13

4

1683

460 995

9

8

1684

380 218

19

 »

1685

189 598

 »

7

1686

47 618

4

5

1687

50 450

18

10

1688

152 950

2

1

1689

33 176

13

6

1690

25 388

15

3

Somme totale

6 455 561

18

 »

Six millions, quatre cent cinquante-cinq mille, cinq cent soixante-une livres, dix-huit sols.

CHAPITRE III.

Château de pavillons de Marly commencés en 1670.

Le château de Marly est situé dans un vallon à un quart de lieue de Saint-Germain en Laye. Il est composé: 1° d'un gros pavillon carré, qui est la demeure du roi. Le pavillon est isolé, situé sur le lieu le plus éminent, et l'on y monte par plusieurs degrés, en sorte qu'il commande à huit autres pavillons. Ces huit pavillons, aussi isolés, forment une espèce d'avenue spacieuse au Pavillon-Royal dans les jardins, et n'ont de communication, les uns avec les autres, que par des berceaux de fer sur lesquels on a fait plier des arbres qui les couvrent.

Les quatre faces de tous ces pavillons sont peintes à fresque, d'ornements d'architecture, couverts en terrasses, avec des vases sur les angles et au-dessus des pilastres.

Le Pavillon-Royal consiste au dedans en quatre vestibules au rez-de-chaussée, où l'on entre par les quatre faces dudit pavillon. Ces quatre vestibules conduisent à un grand salon de toute la hauteur du pavillon, et qui en fait le centre, et dans les quatre angles sont quatre appartements, qui ont leurs entrées et sorties sur ces vestibules. Au-dessus de ces quatre appartements, il y en a encore d'autres plus petits dégagés par un corridor qui tourne autour du dôme du grand salon.

Dans ce château tous les agréments et les commodités de la vie sont rassemblés avec tant de soin, d'art et de propreté, qu'il n'y reste rien à désirer.

Les autres pavillons sont occupés chacun par une des personnes de la cour, à qui le roi fait l'honneur de les nommer pour être de ses parties.

La chapelle et le corps de garde sont détachés du château et forment deux pavillons aux deux côtés de la principale entrée.

Les jardins sont très agréables, surtout dans la saison des fleurs, par la diversité et l'abondance qui s'y en trouvent.

Les fontaines et les cascades y sont en très grand nombre et très belles, et depuis peu Sa Majesté a fait encore tomber une cascade en forme de rivière du haut de l'allée du derrière du château, d'où elle se décharge dans toutes les autres fontaines des jardins. Je n'ai point supputé la dépense de cette nouvelle rivière, pour ne point innover aux calculs de ces mémoires On estime qu'elle passe cent mille écus.

Le roi embellira tous les jours cette maison de plaisance qu'il aime beaucoup, et qui passerait dans un autre pays pour un chef-d'oeuvre de l'art et de la nature en l'état qu'elle est. On prétend que c'est Sa Majesté qui en a donné les principales idées; ce qui est de vrai, c'est qu'elle est très singulière, et qu'elle ne ressemble à aucune autre maison royale.

Dépenses du château et pavillons de Marly.

Année.

livres.

sols.

den.

1679

470 764

 »

11

1680

489 002

17

1

1681

304 881

14

3

1682

305 628

9

11

1683

450 708

2

 »

1684

478 872

4

11

1685

676 046

18

 »

1686

443 153

6

 »

1687

249235

2

5

1688

293 062

4

2

1689

231 807

 »

10

1690

108 117

11

9

Somme totale

4 501 279

12

3

Quatre millions, cinq cent un mille, deux cent soixante-dix-neuf livres, douze sols, trois deniers.

CHAPITRE IV.

Château de Fontainebleau.

Le château est très ancien et très digne d'avoir si souvent fait la demeure de nos rois. Rien n'est plus agréable que la situation, voisin d'une forêt et au milieu des plus belles eaux du monde; d'où ce château, comme on sait, a pris son nom de la Fontaine-Belle-Eau, dont la maison se conserve encore actuellement.

Rien n'est plus charmant que la diversité des vues de ce château. De nouveaux jardins et de nouveaux canaux offrent de tous côtés des perspectives toutes différentes. La chapelle y est magnifique, et desservie par les révérends pères de la Très-Sainte Trinité. Les plaisirs de la chasse y sont les plus ordinaires et les plus agréables. Quoique ce château soit très illustre dans sou origine, il l'est devenu davantage encore par les augmentations et les embellissements que Sa Majesté y a fait faire, dont on pourra juger par la dépense qui suit.

Dépenses du château de Fontainebleau.

Année.

livres.

sols.

den.

1664

339 251

16

 »

1665

107 159

18

 »

1666

37 200

8

8

1667

27 820

15

6

1668

19 827

 »

5

1669

39 396

 »

 »

1670

23 106

15

3

1671

58 504

6

1

1672

56 560

12

10

1673

24 425

11

1

1674

66 145

17

 »

1675

61 670

17

1

1676

36 052

19

 »

1677

33 029

18

6

1678

394 509

15

1

1679

264 417

15

1

1680

204 463

 »

8

1681

188 886

19

3

1682

80 019

5

6

1683

98 881

11

8

1684

65 967

1

 »

1685

220 216

8

7

1686

92 246

5

3

1687

113 014

9

2

1688

87 988

7

2

1689

31 109

5

4

1690

21 853

14

3

Somme totale

2 773 746

13

5

Deux millions, sept cent soixante-treize mille, sept cent quarante-six livres, treize sols, cinq deniers.

Ne sont compris en ce total les gages d'officiers, et les entretènements réglés suivant les états.

CHAPITRE V.

Château de Chambord.

Le château est très ancien, bien bâti, bien situé, et dans un très bon pays de chasse. Son éloignement est cause que le roi il y va pas souvent. Sa Majesté n'a pas laissé d'y faire de temps en temps des augmentations et des dépenses assez considérables, comme il suit:

Année.

livres.

sols.

den.

1664

26 936

5

 »

1665

6 000

 »

 »

1666

11 021

2

 »

1667

3 496

3

6

1668

12 164

15

6

1669

57 739

12

 »

1670

79 367

5

 »

1671

16 000

 »

 »

1672

532

 »

 »

1673

3 000

 

 

1674

6 000

 

 

1675

3 000

 

 

1676

3 000

 

 

1677

3 000

 

 

1678

3 795

10

 »

1679

4 500

 

 

1680

72 200

 

 

1681

127 870

9

7

1682

11 667

16

6

1683

196 350

15

 »

1684

38 766

1

 »

1685

445 770

9

5

1686

14 980

13

 »

1687

54 558

15

5

1688

8 197

4

4

1689

8 036

2

9

1690

7 750

16

5

Somme totale

1 225 701

16

5

Douze cent vingt-cinq mille sept cent une livres, seize sols, cinq deniers.

CHAPITRE VI.

Louvre et les Tuileries.

Le Louvre n'étant point bâti, on n'a fait mention, dans ces mémoires, des dépenses qui y ont été faites que pour ne rien omettre. Il serait assez difficile de faire une description agréable de ce qui est commencé. Le dessin n'en paraît pas encore dans tout son jour; on croit même que si les vœux de la capitale du royaume étaient écoutés, et qu'il plut à Sa Majesté de s'y faire bâtir un palais, on prendrait de nouveaux alignements et de nouveaux dessins. Tout ce que l'on peut dire, c'est que rien ne paraît plus engageant que la situation de l'emplacement du Louvre, dans le plus bel endroit de la ville, ayant la rivière de Seine pour canal, et une étendue infinie pour les jardins et parcs du côté de la campagne.

La galerie du Louvre est occupée par ce qu'il y a de plus habiles gens dans les arts, que le roi loge gratis. C'est une marque de distinction pour eux.

Le palais des Tuileries n'est point habité, quoique très logeable. Sa façade est très agréable sur le jardin des Tuileries, dont on ne peut rien dire qui ne soit connu de tout le monde. Ce jardin passe dans toute l'Europe pour un des mieux entendus, et la plus agréable promenade que l'on pût souhaiter. C'est un des principaux ornements de la ville de Paris, aussi coûte-t-il au roi plus de vingt mille livres par an à entretenir.

Dépenses du Louvre et des Tuileries à commencer en l'année 1664, suivant l'ordre de ces mémoires, n'ayant point eu de connaissance de celles faites les années précédentes, qui ne peuvent pas être bien considérables.

Année.

livres.

sols.

den.

1664

1 059 422

15

 »

1665

1 110 685

10

2

1666

1 107 973

7

8

1667

1 536 683

8

2

1668

1 096 977

3

11

1669

1 203 781

3

9

1670

1 627 393

19

11

1671

946 409

3

4

1672

213 653

3

1

1673

58 135

18

 »

1674

159 485

8

11

1675

63 160

6

6

1676

42 082

14

6

1677

99 67

19

10

1678

119 875

12

8

1679

163 581

9

 »

Somme totale

10 608 969

4

5

Dix millions, six cent huit mille, neuf cent soixante-neuf livres, quatre sols, cinq deniers.

Depuis l'année 1679, il n'a point été fait aucunes dépenses considérables au Louvre et Tuileries; c'est pourquoi je n'en fais point de mention.

CHAPITRE VII.

Arc de Triomphe à Paris, commencé en 1699.

Le dessin de cet édifice est superbe, et tient beaucoup de la grandeur romaine. On en a vu le modèle en plâtre, et on en a jeté les fondements en pierre, dont les piles sont élevées jusqu'à la hauteur des socles qui doivent porter les piédestaux des colonnes. Il serait à souhaiter que cet arc de triomphe fût conduit à sa perfection; il serait d'un grand ornement à la ville, surtout dans les entrées publiques.

Année.

livres.

sols.

den.

1669

46 278

2

 »

1670

99 334

6

 »

1671

102 244

3

6

1672

Néant

1673

Néant

1674

14 225

 »

 »

1675

14 690

12

 »

1676

8 900

 »

 »

1677

41 863

16

6

1678

76 651

11

8

1679

80 676

4

5

1680

12 601

10

9

1681

16 288

11

3

Somme totale

513 755

18

1

Depuis l'année 1681, il n'a été fait aucune dépense audit arc de triomphe, si ce n'est 1696, pour le parfait payement du modèle et des fondations de pierre en l'état qu'elles sont. On peut juger, par cette dépense, de ce que cet édifice pourrait coûter s'il était élevé avec ses ornements.

CHAPITRE VIII.

Observatoire à Paris, commencé en 1667.

Cet édifice, construit en forme de tour pour observer les astres, est bâti sur le terrain le plus éminent de Paris, au dehors du faubourg Saint-Jacques, et commande à toute la ville. Là sont loges ce qu'il y a de plus célèbres astronomes et mathématiciens, à qui Sa Majesté fournit toutes sortes de lunettes d'approche et d'instruments de mathématiques nécessaires pour l'exercice de leur science. Le dessus de l'édifice est une terrasse pavée de cailloux; l'on y dresse des lunettes selon le besoin.

Comme ce terrain est au milieu des carrières, on a fait des descentes qui conduisent dans des voûtes naturelles si profondes et si étendues, qu'on aurait peine à ne s'y pas égarer sans guide; les lumières mêmes ne peuvent pas résister à l'humide fraîcheur qui y domine; ou n'y peut aller qu'avec des flambeaux.

Cet édifice renferme encore beaucoup d'autres singularités qui demanderaient un trop long détail.

Outre l'édifice de pierre, on a encore fait apporter et dresser à côté la tour de bois qui était à la machine de Marly, avant qu'elle fût construite en pierre. Cette tour de bois est encore plus élevée que l'Observatoire, et par conséquent très utile pour l'observation des astres.

Dépenses de l'Observatoire.

Année.

livres.

sols.

den.

1667

57 758

4

 »

1668

99 744

3

 »

1669

135 293

6

 »

1670

138 694

9

 »

1671

118 657

19

6

1672

50 305

14

8

1673

21 803

16

2

1674

14 766

9

 »

1675

14 393

13

 »

1676

13 225

13

 »

1677

27 894

7

 »

1678

2 999

18

 »

1679

5 195

9

 »

1680

5 902

11

6

1681

2 047

10

 »

1682

3 407

4

 »

1683

2 197

10

6

Depuis, pour transporter la tour de bois de Marly et la mettre en place

10 886

7

4

Somme totale

725 174

4

8

Sept cent vingt-cinq mille, cent soixante-quatorze livres, quatre sols, huit deniers.

Depuis 1683 jusqu'en 1690, il n'a été fait que très peu de dépenses à l'Observatoire, hors pour le transport et emplacement de ladite tour de bois.

CHAPITRE IX.

Hôtel royal et église des Invalides, commencé en 1679.

Cette maison, destinée pour la retraite des soldats devenus invalides au service de Sa Majesté, est d'une étendue extraordinaire et d'une régularité parfaite. Sa situation est très belle dans une plaine, en face du cours la Reine, la rivière entre-deux, de manière que ces objets différents se prêtent l'un à l'autre un ornement réciproque.

Les dedans de la maison sont très vastes, et en même temps très logeables. La discipline y est la même que dans une place de guerre. Elle est gouvernée par un nombre suffisant d'officiers, en sorte que la paix et le silence y règnent à peu près comme dans un cloître.

L'église est desservie par les pères de la Mission, qui ont leur logement séparé à côté de l'église, séparée des autres logements. Cette église est d'un dessin très magnifique. Le grand autel, isolé sous un dôme entre deux nefs très spacieuses, dont l'une qui a son entrée du côté de la maison est destinée pour ceux qui y habitent, et l'autre qui a son entrée par un portail magnifique du côté de la campagne est destinée pour le public. Rien n'est épargné pour rendre cet édifice admirable en toutes ses parties, comme il est un des plus glorieux à la piété du roi.

Les fonds pour la subsistance de cette maison sont levés par les trésoriers de l'extraordinaire des guerres sur le payement des troupes, à raison de trois deniers pour livre, et le trésorier des Invalides en fait l'emploi, suivant qu'il lui est ordonné par le commissaire ordonnateur.

Dépenses de l'hôtel royal et église des Invalides.

Année.

livres.

sols.

den.

1679

56 000

 »

 »

1680

80 667

11

6

1681

72 000

 »

 »

1682

87 000

 »

 »

1683

81 647

5

6

1684

103 332

 »

 »

1685

147 573

5

9

1686

176 505

15

 »

1687

169 460

9

7

1688

186 282

19

 »

1689

172 706

4

9

1690

143 432

10

10

1691

233 724

2

7

Somme totale

1 710 332

4

6

Dix-sept cent dix mille, trois cent trente-deux livres, quatre sols, six deniers.

On a excédé dans ce chapitre les bornes qu'on s'était prescrites, à cause de la dépense considérable qui a été faite aux Invalides l'année 1691. Il en a été fait d'autres depuis, et l'on peut compter que cet édifice reviendra à deux millions.

CHAPITRE X.

Place royale de hôtel Vendôme et nouveau couvent des capucines, commencé en 1685.

Les dépenses de ces deux édifices sont confondues, parce qu'ils ont été élevés sur le même terrain et en même temps.

La place n'a point encore d'autre nom que celui de l'hôtel dont Sa Majesté a acquis le fonds pour la construire. Elle n'est point encore achevée, mais la statue équestre du roi qui doit y être placée est jetée en bronze et entièrement réparée sur les dessins et par les soins des sieurs Girardon, premier sculpteur du roi, et Keller, qui en a fait la fonte.

Le couvent des Capucines est entièrement achevé, et tous ceux qui en ont vu les dedans conviennent que c'est un des plus beaux couvents de filles qui soient à Paris. L'église est bâtie dans le goût de simplicité et de propreté dont ces religieuses font profession. Elle s'enrichit tous les jours par les monuments superbes des personnes de qualité qui y choisissent leur sépulture.

Dépenses de la place royale de l'hôtel de Vendôme, fonte de la statue équestre du roi, et couvent des Capucines.

Premièrement. — L'acquisition de l'hôtel de Vendôme, du prix de six cent mille livres, les intérêts de moitié du prix, soixante-six mille livres que le roi a données a M. le duc de Vendôme, au delà dudit prix, et vingt-cinq mille livres pour les lods et ventes, et les frais du décret, le tout montant à la somme de 131 208l. 15s. »d.

Année.

 

livres.

sols.

den.

 

Acquisition

131 208

15

 »

1685

Ouvrages

21 708

3

7

1686

 

320 969

7

8

1687

 

467 063

8

3

1688

 

275 835

14

5

1689

 

71 215

5

7

1690

 

174 698

14

10

Somme totale

 

2 062 699

9

4

CHAPITRE XI.

Le Val-de-Grâce, à Paris.

Cet édifice, que la feue reine mère a fait bâtir, est superbe et magnifique en toutes ses parties. Il revient à trois millions; mais il n'en a été pris sur les fonds des bâtiments que trois cent soixante-dix mille livres dans les années ci-après nommées, savoir:

Année.

livres.

sols.

den.

1666

314 600

7

2

1667

30 571

11

9

1670

6 000

 »

 »

1681

10 400

 »

 »

1682

8 711

13

10

Somme totale

370 283

12

9

Il a encore été fait quelques dépenses depuis peu d'années pour revêtir de marbre le caveau des reines, destiné pour recevoir leurs cœurs et leurs entrailles.

CHAPITRE XII.

Couvent de l'Annonciade de Meulan, commencé en 1682.

Comme il y a peu de personnes qui sachent ce qui a engagé le roi a faire bâtir ce couvent, et que j'en suis parfaitement instruit, j'en dirai un mot.

Il y a eu longues années dans ce couvent une supérieure d'une vertu extraordinaire, que la feue reine honorait de son estime et de son amitié, et même quelquefois de ses visites. Le roi y alla aussi dans ses jeunes années, et y posa la première pierre dans le dessein d'y faire bâtir. Ce dessein a été différé pendant plusieurs années. Feu mon père, qui était allié à cette supérieure, la visitait souvent et négocia auprès de la reine mère l'accomplissement de son projet. En effet la reine lui ayant renouvelé ses promesses, et le mal dont elle mourut s'augmentant, elle eut la bonté d'en parler au roi, qui depuis a fait bâtir ce couvent, qui coûta près de trente mille écus, et de plus Sa Majesté fait une pension à la communauté, qui n'est pas riche.

Dépenses dudit couvent.

Année.

livres.

sols.

den.

1682

20 000

 »

 »

1683

29 400

 »

 »

1684

6 659

5

1

1685

11 551

1

 »

1686

6 544

 »

 »

1687

7 270

11

6

1688

6 987

11

6

1689

Néant

1690

Néant

Somme totale

88 412 10

10

1

Quatre-vingt-huit mille, quatre cent douze livres, dix sols, un denier.

CHAPITRE XIII.

Canal de communication des mers en Languedoc, commencé en 1670.

Comme ce canal n'est point encore achevé, je ne dirai rien de particulier quant à présent, ni de ses dimensions, ni de son usage. On sait qu'il porte de petits bâtiments. On peut voir sa situation sur la carte. On verra ici seulement les dépenses qui ont été faites sur les fonds des bâtiments du roi, qui montent à près de huit millions sans ce qui a été fourni par les états de Languedoc pour contribuer à une entreprise si grande et si utile pour le commerce de la province.

Dépenses.

Année.

livres.

sols.

den.

1670

125 000

 »

 »

1671

525 000

 »

 »

1672

Néant

1673

1 575 452

13

4

1674

1 235 242

14

 »

1675

64 105

 »

 »

1676

768 541

13

4

1677

561 944

8

8

1678

748 716

9

5

1679

1 194 503

18

11

1680

Néant

1681

460 000

 »

 »

1682

449 057

 »

 »

1683

28 992

1

8

Somme totale

7 736 555

19

4

Sept millions, sept cent trente-six mille, cinq cent cinquante-cinq livres, dix-neuf sols, quatre deniers.

Depuis l'année 1683, il n'y a eu aucunes dépenses dans les comptes des bâtiments pour ledit canal de Languedoc.

CHAPITRE XIV.

Manufactures des Gobelins et de la Savonnerie.

Les dépenses de ces deux manufactures sont jointes ensemble parce que les tapisseries sont leur principal objet.

Dans celle de la Savonnerie, qui est à Chaillot, près Paris, l'on ne fait que des ouvrages façon de Turquie et du Levant. Ces ouvrages sont une espèce de velours ras, entièrement de laine et servant à faire des meubles, comme des portières, des tapis, des formes et des tabourets.

La manufacture des Gobelins est établie au bout du faubourg Saint-Marcel, et est bien plus spacieuse. Elle renferme un très grand nombre d'ouvriers célèbres dans leurs arts, premièrement pour les tapisseries. On y travaille pour Sa Majesté, en haute et basse lisse, sur les dessins des plus habiles peintres, soit anciens soit modernes.

Les tapisseries qui s'y font représentent les unes des sujets d'histoire, d'autres les conquêtes du roi, les maisons royales, les assemblées et fêtes publiques, et toutes sortes de sujets indifférents. On sait assez le mérite de tous ces ouvrages où l'art du dessin surpasse infiniment la richesse et la finesse des étoffes.

Dans la même manufacture sont logés des peintres, des sculpteurs, des ébénistes et fondeurs, des orfèvres, des lapidaires qui travaillent aux pierres fines de rapport, manière de Florence. Dans le temps de paix, ces artistes sont occupés uniquement à faire des ouvrages pour le service de Sa Majesté, et n'ont pas le temps de travailler pour le public.

Cette maison est pourvue de toutes choses agréables, commodes et nécessaires; le service divin s'y célèbre; les ouvriers y sont instruits, et les enfants catéchisés aux dépens de Sa Majesté, ce qui marque dans quel détail sa piété le fait descendre.

Année.

livres.

sols.

den.

1664

95 885

 »

 »

1665

95 594

11

 »

1666

101 377

11

1

1667

290 744

13

4

1668

214 020

19

2

1669

133 209

13

 »

1670

141 486

15

3

1671

176 502

11

 »

1672

130 573

5

5

1673

139 747

11

4

1674

122 910

15

4

1675

107 958

13

 »

1676

98 004

19

4

1677

110 795

8

6

1678

107 456

15

1

1679

126 933

12

4

1680

117 698

1

6

1681

116 127

5

7

1682

126 358

7

1

1683

146 694

7

2

1684

95 570

9

 »

1685

224 321

18

7

1686

123 289

4

9

1687

127 217

1

8

1688

132 961

12

2

1689

146 724

6

3

1690

95 777

17

9

Somme totale

3 645 943

5

1

Trois millions, six cent quarante-cinq mille, neuf cent quarante-trois livres, cinq sols, un denier.

Pendant la guerre que les ouvrages ont cessé, Sa Majesté a fait des pensions aux principaux ouvriers de ladite manufacture des Gobelins.

CHAPITRE XV.

Manufactures établies en plusieurs villes de France.

Outre les manufactures des Gobelins et de la Savonnerie, Sa Majesté en a fait établir encore plusieurs autres en divers endroits du royaume; mais comme ces dernières ne sont plus du ressort des bâtiments du roi, mais du contrôle général des finances, je n'entrerai point dans le détail de ces différents établissements dont les dépenses, aussi glorieuses à Sa Majesté qu'utiles à l'État, montent pendant les 27 années de ces mémoires à près de deux millions, comme il suit:

Année.

livres.

sols.

den.

1664

66 121

5

8

1665

254 019

14

 »

1666

2 077

3

6

1667

248 14

13

 »

1668

179 767

15

 »

1669

535 705

16

 »

1670

131 030

10

 »

1671

110 625

15

2

1672

99 558

5

10

1673

49 046

 »

 »

1674

8 000

 »

 »

1675

18 000

 »

 »

1676

8 000

 »

 »

1677

8 000

 »

 »

1678

8 000

 »

 »

1679

18 298

 »

10

1680

19 120

 »

 »

1681

20 539

15

 »

1682

8 000

 »

 »

1683

15 520

 »

 »

1684

16 000

 »

 »

1685

8 000

 »

 »

1686

8 000

 »

 »

1687

42 283

13

 »

1688

50 690

 »

 »

1689

22 940

11

 »

1690

23 970

10

 »

Somme totale

1 979 990

9

 »

Dix-neuf cent soixante-dix-neuf mille, neuf cent quatre-vingt-dix livres, neuf sols.

CHAPITRE XVI.

Pensions des gens de lettres.

L'estime singulière que Sa Majesté a toujours fait des belles-lettres et des personnes qui par une longue étude et un travail assidu se sont rendues célèbres dans les sciences a porté Sa Majesté à animer ceux qui se trouvent nés avec d'heureuses dispositions par l'espérance des pensions attachées au seul mérite. Ces pensions ne se payent plus sur le fonds des bâtiments depuis l'année 1690:

Année.

livres.

sols.

den.

1664

80 870

 »

 »

1665

83 400

 »

 »

1666

95 507

 »

 »

1667

92 380

 »

 »

1668

89 400

 »

 »

1669

110 550

 »

 »

1670

107 550

 »

 »

1671

100 075

 »

 »

1672

86 800

 »

 »

1673

84 200

 »

 »

1674

62 250

 »

 »

1675

57 550

 »

 »

1676

49 200

 »

 »

1677

65 100

 »

 »

1678

52 400

 »

 »

1679

54 000

 »

 »

1680

53 600

 »

 »

1681

53 500

 »

 »

1682

52 800

 »

 »

1683

1 600

 »

 »

1684

42 100

 »

 »

1685

46 400

 »

 »

1686

41 400

 »

 »

1687

46 900

 »

 »

1688

44 900

 »

 »

1689

39 400

 »

 »

1690

11 966

13

4

Somme totale

1 707 148

13

4

Dix-sept cent sept mille, cent quarante-huit livres, treize sols, quatre deniers.

CHAPITRE XVII.

Académie de Paris et de Rome.

Académie française.

Cette académie est composée tant de la plupart des personnes qui ont les pensions dont il a été parlé au chapitre précédent, que d'autres personnes savantes. Elle ne coûte au roi, outre ces pensions, qu'environ sept mille livres par an. Savoir: environ 6400 livres en jetons d'argent; 300 livres pour une messe qui y est chantée en musique le jour de Saint-Louis, et 300 livres qui sont entre les mains du trésorier de ladite académie pour la fourniture de bois et bougies et transcriptions de cahiers.

Académies des sciences et des inscriptions.

Les dépenses de ces deux académies ne sont pas assez considérables pour en faire mention, et elles ne se prennent plus sur le fonds des bâtiments.

Académie d'architecture de Paris.

Cette académie ne coûte au roi qu'environ trois mille cinq cents livres par an, tant pour les appointements d'un professeur qui y tient les conférences publiques, que pour les assistances des architectes qui s'y assemblent en particulier et pour les menues nécessités.

Académie de peinture et sculpture de Paris.

Cette académie coûte en premier lieu au roi, six mille livres qui se mettent tous les ans entre les mains de son trésorier;

Plus, deux mille six cent quarante livres par an, pour la subsistance de dix élèves de peinture et de sculpture à chacun desquels le trésorier des bâtiments paye 264 livres par an, et de plus Sa Majesté fait distribuer des prix aux élèves, qui sont des médailles qui se payent sur le fonds des bâtiments au directeur du balancier du Louvre, où elles sont frappées. Cette dépense n'est pas fixe.

Académie de peinture, sculpture et architecture de Rome.

Sa Majesté a établi et entretient l'Académie de Rome, comme dans un lieu d'où sont sortis ce que nous avons eu de plus excellents maîtres, et qui est aussi la source des plus parfaites productions des arts. On y envoie les élèves pour s'y perfectionner. On peut compter sur une dépense d'environ soixante mille livres par an, pour l'entretien de cette académie; et ces fonds sont remis au directeur, qui en doit compte.

Voilà toutes les maisons royales dont j'ai cru devoir exposer les dépenses en détail, celles qui ont été faites aux autres maisons royales insérées au catalogue qui est en tête de cet ouvrage, n'étant pas assez considérables. Ces dépenses seront confondues dans l'état général des dépenses qui ont été faites dans les bâtiments du roi pendant les vingt-sept années de ces mémoires. Cet état terminera un travail plus vaste dans ses opérations qu'il n'est resserré dans sa perfection, toutes les sommes qui y sont assises étant le fruit d'un choix très circonspect et des calculs les plus exacts, à cause de la contusion des comptes.

CHAPITRE XVIII.

État général des dépenses des bâtiments du roi pendant les vingt-sept années de ces mémoires, suivant les états finaux et arrêtés des comptes et états au vrai.

Année.

livres.

sols.

den.

1664

3 221 731

2

2

1665

3 269 723

19

3

1666

2 826 770

3

5

1667

3 516 160

3

10

1668

3 616 486

 »

2

1669

5 192 957

8

6

1670

6 834 037

16

 »

1671

7 865 243

1

2

1672

4 168 354

12

6

1673

3 550 410

3

8

1674

3 898 466

5

10

1675

3 091 587

10

2

1676

3 195 381

7

2

1677

3 265 220

17

9

1678

4 977 253

10

6

1679

9 373 614

10

8

1680

8 615 287

18

9

1681

6 465 309

16

 »

1682

6 985 568

13

5

1683

5 995 996

2

10

1684

7 996 163

1

 »

1685

15 408 443

19

7

1686

9 064 446

15

6

1687

8 279 526

11

10

1688

7 347 966

6

9

1689

3 644 587

13

4

1690

1 616 134

18

8

Somme totale

153 282 827

10

5

Cent cinquante-trois millions, deux cent quatre-vingt-deux mille, huit cent vingt-sept livres, dix sols, cinq deniers.

Le roi a tellement augmenté sa maison royale pendant ces vingt-sept années, que quand Sa Majesté ne ferait point élever de nouveaux édifices, les seuls entretiens coûteront par nécessité quinze à seize cent mille livres par an, compris les gages des officiers et autres employés.

Mais si la grandeur et la magnificence du roi paraît dans la somptuosité de ses superbes édifices, et si par une dépense si considérable, il s'élève au-dessus de tous les princes de l'Europe, il ne paraît pas moins de grandeur dans les motifs qui l'ont porté à exécuter de si vastes desseins. Élever des palais, bâtir des temples au Seigneur, faire fleurir les sciences et les arts, c'est immortaliser sa grandeur, sa piété et son mérite; faire subsister une infinité de personnes, qui par ce moyen ont trouvé dans le sein de leur patrie de quoi élever leurs familles; récompenser les gens de mérite et célèbres dans les arts; encourager les élèves, et leur procurer les moyens d'arriver à la perfection des plus excellents maîtres, c'est l'effet d'une bonté toute paternelle, qui mérite au roi, avec autant de justice qu'à l'empereur Auguste, le glorieux nom de Père de la patrie.

Le roi n'a pu rien faire de plus glorieux, surtout dans les temps de paix, qui pour un prince moins attentif à sa gloire et au bonheur de ses peuples auraient été des espèces d'interrègnes, et auraient laissé des vides à remplir dans son histoire. Mais notre prince compte tous ses moments, et il croirait avoir perdu un jour, s'il l'avait passé sans donner quelques marques de sa grandeur, de sa justice ou de sa bonté; s'il n'était pas aussi grand dans ces temps heureux de repos et de silence que dans ceux où ses armées portent l'effroi dans les terres ennemies, nous n'aurions pas vu tous les princes conspirer contre un si glorieux repos. La religion a paru le motif de leur dernière considération; mais elle n'en a été que le prétexte, et le roi a soutenu pendant dix campagnes tant d'efforts redoublés, seul contre tous. Il a pris leurs villes, gagné des batailles, dissipé leurs armées, déconcerté leurs projets. La Flandre, la Savoie et l'Allemagne, la Catalogne, les mers ont été en même temps le théâtre de la guerre; disons mieux des conquêtes du roi. Que n'a-t-il point fait, ce pieux monarque, pour épargner le sang de tant d'ennemis, et pour finir une guerre si longue par une paix aussi glorieuse que solide? L'histoire développera un jour tous ces secrets de son grand cœur. Mon dessein n'est pas d'entrer dans une si vaste carrière. Ces faibles caractères échappés à l'ardeur de mon zèle, partent d'un cœur pénétré de la part qu'il prend à la reconnaissance publique. Eh! sous un règne si grand, faut-il s'étonner que le roi soit chéri de ses plus petits sujets, comme de ceux qui, ayant l'honneur d'approcher de sa royale personne, ont aussi le bonheur de voir de plus près cette étendue de grandeur, de majesté et de mérite, qu'on ressent mieux qu'on ne peut l'exprimer, et qui remplit les cœurs autant d'amour que de respect ?

De l'amour des sujets dépend en quelque sorte la fortune d'un prince; aussi voyons-nous de quels succès les entreprises du roi sont toujours suivies. Sa sagesse, qui fait revivre celle du plus sage prince du monde, anime ses ministres et son conseil. Son héroïque valeur imprimée dans le cœur et sur le front des généraux qui comptent pour rien le sang qu'ils versent pour leur prince, passe jusque dans l'âme des soldats, et l'expérience nous a appris que combattre pour le roi, et vaincre, ç'a toujours été la même chose.

Une si longue suite de prospérités est le pur ouvrage du Dieu des armées, qui disposant des volontés de tous les hommes, selon ses desseins éternels, tient en sa main d'une manière spéciale les coeurs des rois. Aussi Sa Majesté Très-Chrétienne qui, comptant pour peu ses propres forces, rapporte à la protection divine tout le bonheur de ses armes, a cru ne pouvoir mieux lui en marquer sa reconnaissance, qu'en abolissant dans son royaume tout culte impur, et en nous montrant tous les jours par la sincérité de son zèle, et par l'assiduité de ses exemples, que le vrai Dieu du ciel et de la terre doit et veut être adoré en esprit et en vérité dans l'unité de la religion catholique. Veuille ce même Dieu conserver longues années la personne sacrée de Sa Majesté. Ce sont les vœux de tous ses sujets qui ne sauraient trop souhaiter la durée d'un règne si rempli de piété, de justice et de gloire.

Suite
[100]
Preuve de noblesse. Voy. l'Histoire de Saint-Cyr par M. Théoph. Lavallée.
[101]
Il y a eu environ 300 000 liv. dépensées pour Clagny, qui sont confondues avec les dépenses de Versailles depuis l'année 1682.
[102]
Tous ces grands ouvrages d'argenterie ont été portés à la Monnaie pendant la dernière guerre. (Note de l'auteur.)