NOTE IV. PAYS OU PROVINCES D'ÉTATS.

Les pays d'états, ou provinces d'états, étaient ceux qui jouissaient du privilège d'avoir une assemblée provinciale. Ils se réduisaient depuis le règne de Louis XIV, au Languedoc, à là Bretagne, à la Bourgogne, à la Provence, au Hainaut et au Cambrésis (Flandre française), au comté de Pau (Béarn), au Bigorre, comté de Foix, pays de Gex, Bresse, Bugey, Valromey, Marsan, Nébouzan, Quatre-Vallées (Armagnac), Soulac et Terre de Labourd. Les états de Dauphiné, supprimés sous Louis XIII, ne furent rétablis que peu de temps avant la Révolution. Les pays d'états votaient eux-mêmes l'impôt qu'ils payaient à la couronne, et qu'on appelait don gratuit; ils en faisaient la répartition. La quotité de cet impôt était le principal sujet du débat dans les états provinciaux, et l'affaire la plus importante pour les commissaires qui représentaient le gouvernement. Les états devaient aussi pourvoir aux autres dépenses provinciales, parmi lesquelles figuraient les frais mêmes qu'entraînait la session des états, et les gratifications votées aux gouverneurs, intendants et principaux fonctionnaires de la province. Le don gratuit n'avait rien d'uniforme; il variait de province à province, et, dans la même province, d'année en année, suivant les besoins du gouvernement et les ressources du pays.

Si l'on veut étudier les avantages et les inconvénients de ces pays d'états, il faut surtout consulter la Correspondance administrative sous Louis XIV, publiée dans la collection des Documents inédits relatifs à l'histoire de France. On y suit les efforts tentés par Louis XIV pour obtenir le concours des états provinciaux et les soumettre à ses volontés. Dès le commencement de son gouvernement personnel (le 21 octobre 1661), ce roi écrivait à M. de Fieubet, premier président du parlement de Toulouse [102] : « Dans l'application que je donne à toutes mes affaires généralement, sans en négliger aucune, je serai bien aise de savoir le nom du capitoul [103] qui sera député aux prochains états de ma province de Languedoc, et même ses intentions à l'égard de mes intérêts. Vous me ferez donc plaisir de m'en informer au plus tôt; et comme vous pouvez beaucoup dans cette députation, il sera bon de vous prévaloir du crédit que vous y avez pour prendre des précautions avec ledit capitoul, afin que non seulement il ne se rende pas chef des avis qui me seront préjudiciables, comme tous ses prédécesseurs ont fait, mais aussi afin qu'il se joigne aux bien intentionnés pour favoriser les choses qui seront proposées de ma part. J'approuve dès à présent tout ce que vous ferez pour cet effet, vous assurant au surplus que le secret vous sera gardé, et que vous ne me sauriez rendre un service plus agréable. »

Les évêques de Lavaur, d'Albi, de Saint-Papoul et de Viviers, reçurent, ainsi que l'archevêque de Toulouse, des lettres pressantes pour se rendre aux états et soutenir le commissaire de Louis XIV [104] . Le zèle des prélats et des principaux membres des états enleva un vote unanime [105] . Dans la suite, l'assemblée devint de plus en plus docile aux volontés du roi [106] . La Provence fut intimidée par quelques exils [107] et se montra aussi docile que le Languedoc [108] ; il en fut de même en Bourgogne [109] . La Bretagne paraissait plus obstinée; mais elle finit par céder [110] . Les plaintes de Mme de Sévigné sur le sort de la Bretagne, jadis « toute libre, toute conservée dans ses prérogatives, aussi considérable par sa grandeur que par situation, » attestent qu'on ne tenait plus compte « du contrat de mariage de la grande héritière [111] . » Les états des petites provinces n'auraient pu tenter une résistance qui avait été si facilement vaincue en Languedoc, en Provence, en Bourgogne et en Bretagne. Colbert songeait à les supprimer, et à faire vivre tous ces pays sous une loi commune [112] ; mais il céda aux remontrances de l'évêque de Tarbes, qui lui représentait que ce changement ne pouvait « rencontrer qu'un consentement forcé de tous ces peuples, qui regardaient la grande puissance du roi et Sa Majesté armée auprès d'eux, et ne ressentiraient pas moins la perte de leur liberté et de tant de glorieuses marques de leurs services que les rois prédécesseurs de Sa Majesté leur avoient laissées de règne en règne. » [113]

Les pays d'états continuèrent d'exister jusqu'à l'époque de la Révolution.

Suite
[102]
Cette lettre ne se trouve pas dans les Oeuvres de Louis XIV. Je l'ai copiée dans le recueil de Rose (ms. de l'Arsenal, n° 199, n° 127-128).
[103]
Magistrat municipal de Toulouse.
[104]
Même ms., n° 160.
[105]
Correspondance administrative, t. I, p. 54 et 64.
[106]
Ibid., p. 288, 289, 290, 308, 316.
[107]
Ibid., p. 399.
[108]
Ibid., p. 403, 405.
[109]
Ibid., p. 445-446.
[110]
Ibid., p. 498 et 500.
[111]
Lettres de Mme de Sévigné du 6 novembre 1689 et du 18 janvier 1690.
[112]
Correspondance administrative sous Louis XIV, t. I, p. 112.
[113]
Ibid.