NOTE I. DES ANCIENNES PAIRIES; PAIRS ECCLÉSIASTIQUES ET LAÏQUES.

À l'époque féodale, et spécialement aux xiie et xiiie siècles, les douze pairs de France étaient en grande renommée. Le poëte Robert Wace, qui vivait au xiie siècle, parle, dans son Roman du Brut, de Douze comtes d'aulte puissance, Que l'on clamoit les pairs de France.

Suivant l'usage de cette époque, les poëtes transportaient l'institution des douze pairs dans tous les pays, et à la cour de tous les princes dont ils chantaient les exploits. Ainsi, dans le Roman d'Alexandre, le roi de Macédoine, avant de commencer la guerre contre les Perses, mande toute sa noblesse et ses chevaliers, puis choisit douze pairs, dont l'un doit porter l'étendard royal. L'Écosse et l'Angleterre ont aussi leurs douze pairs dans le Roman de Perceforêt. Ces légendes poétiques constatent la haute renommée dont jouissaient les douze pairs de France. Mais quels étaient, en réalité, les personnages qui formaient cette cour féodale des douze pairs? Il y avait six archevêques ou évêques, trois ducs et trois comtes.

Les pairs ecclésiastiques étaient: 1° l'archevêque-duc de Reims, auquel appartenait le droit de sacrer les rois de France; en son absence, c'était l'évêque de Soissons qui remplissait cette fonction; 2° l'évêque-duc de Laon, qui portait la sainte ampoule au sacre des rois; 3° l'évêque-duc de Langres, auquel était confiée l'épée royale dans la même cérémonie; 4° l'évêque-comte de Beauvais; il présentait au roi le manteau royal; il allait, avec l'évêque-duc de Laon, chercher le roi au palais de l'archevêque de Reims, et l'amenait à l'église; ces deux prélats se tenaient aux côtés du roi pendant qu'il recevait les onctions, l'aidaient à se lever de son fauteuil, et demandaient à l'assemblée, par un souvenir des anciennes élections des rois barbares, si elle était disposée à reconnaître le prince pour son souverain; 5° l'évêque-comte de Châlons-sur-Marne; il portait au sacre l'anneau royal; 6° l'évêque-comte de Noyon; la ceinture et le baudrier royal lui étaient confiés.

À la tête des pairs laïques, on plaçait primitivement le duc de Normandie. Matthieu Pâris, parlant des douze pairs, dit positivement: « Le duc de Normandie est le premier entre les pairs laïques, et le plus illustre [34].» 2° Le duc de Bourgogne. Lorsque Jean le Bon donna le duché de Bourgogne à son fils Philippe le Hardi, en 1363, il lui accorda le premier rang entre les pairs de France; et depuis cette époque, les ducs de Bourgogne en restèrent en possession. Au sacre de Charles VI, en 1380, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, précéda son frère aîné, Louis d'Anjou, en sa qualité de doyen des pairs de France. Des lettres patentes de Louis XI, en date du 14 octobre 1468, confirmèrent la prérogative des successeurs de Philippe le Hardi, et déclarèrent que le duché de Bourgogne était la première pairie. Au sacre des rois, le duc de Bourgogne portait la couronne. 3° Le duc de Guyenne ou d'Aquitaine. C'était à lui qu'était remise, dans cette cérémonie, la première bannière carrée ou étendard royal. 4° Le comte de Flandre; il portait au sacre une des épées du roi. 5° Le comte de Champagne. On lui donnait le titre de palatin ou comte du palais, parce qu'il exerçait primitivement la juridiction sur tous les officiers du palais. Il était chargé de la seconde bannière royale ou étendard de guerre. 6° Le comte de Toulouse. Il avait aspiré au premier rang entre les pairs laïques, comme comte de Narbonne; mais sa prétention ne fut pas admise. Au sacre, il portait les éperons du roi.

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[34]
« Dux Normanniæ primus inter laicos et nobilissimus.»