NOTE I. COMPARAISON ENTRE LES PARLEMENTS DE FRANCE ET D'ANGLETERRE.

La comparaison entre les parlements de France et d'Angleterre, dont parle Saint-Simon, a été tentée à plusieurs époques, quoique, dans la réalité, il fût impossible d'assimiler des corps de magistrature, dont les charges étaient vénales, avec des assemblées élues par la nation pour représenter ses intérêts. Au XVIe siècle, Michel de Castelnau, qui écrivit en Angleterre la plus grande partie de ses Mémoires, exalte la puissance des parlements français; il en parle « comme de huit colonnes fortes et puissantes, sur lesquelles est appuyée cette grande monarchie de France [24] . » Il les compare positivement au parlement d'Angleterre, et leur subordonne en quelque sorte la puissance royale, lorsqu'il ajoute que « les édits ordinaires n'ont point force et ne sont approuvés des autres magistrats, s'ils ne sont reçus et vérifiés des parlements, qui est une règle d'État, par le moyen de laquelle le roi ne pourrait, quand il voudrait faire des lois injustes, que bientôt après elles ne fussent rejetées. »

Les prétentions des parlements trouvaient une sorte de sanction dans une décision des états de Blois (1577), qui avaient déclaré que « tous les édits devoient être vérifiés et comme contrôlés ès cours de parlement, lesquelles, combien qu'elles ne soient qu'une forme des trois états, raccourcie au petit pied, ont pouvoir de suspendre, modifier et refuser les édits [25] . »A la faveur des troubles des guerres de religion, le parlement accrut considérablement son pouvoir. L'ambassadeur autrichien, Büsbeck, qui résida à la cour de Henri III, écrivait, en 1584, « qu'en France les parlements ne règnent pas moins que le roi lui-même [26] . » Deux minorités fortifièrent encore l'autorité du parlement de Paris. Il en vint, pendant la Fronde, à se regarder comme supérieur aux états généraux. À l'occasion d'une lettre du parlement de Rouen, qui demandait au parlement de Paris, s'il devait envoyer une députation à l'assemblée projetée des états généraux, M. de Mesmes dit : « que les parlements n'y avaient jamais député, étant composés des trois états; qu'ils tenaient un rang au-dessus des états généraux, étant juges de ce qui y était arrêté, par la vérification; que les états généraux n'agissaient que par prières et ne parlaient qu'à genoux, comme les peuples et sujets; mais que les parlements tenaient un rang au-dessus d'eux, étant comme médiateurs entre le peuple et le roi [27] . »Ces prétentions hautaines des parlements furent réprimées par Louis XIV; mais elles reparurent pendant la régence, et provoquèrent, des plaintes dont Saint-Simon s'est fait l'interprète.

Suite
[24]
Mémoires de Castelnau, liv. I, chap. IV.
[25]
Mémoires de Nevers, t. I, p. 449.
[26]
« Concilia, quae parlamenta vocant, regnant in Gallia, non minus fere quam ipse rex. » Lettre du 4 octobre 1584.
[27]
Journal d'Oliv. d'Ormesson, à la date du lundi 1er mars 1649.