NOTE V. ARRESTATION DE FLOTTE ET DE RENAUT.

Saint-Simon parle (p. 300 et, suiv. de ce volume) de l'accusation que l'on porta contre le duc d'Orléans à l'occasion des affaires d'Espagne, ainsi que de l'arrestation de ses agents Flotte et Renaut. On trouve dans la correspondance d'Amelot quelques passages relatifs à cette accusation. Voici les principaux :

LETTRE D'AMELOT À LOUIS XIV [53] .

« 29 juillet 1709.

« Sire,

« Je n'ai point été honoré des ordres de Votre Majesté par le dernier ordinaire. J'ai rendu compte, il y a huit jours [54] , à Votre Majesté de tout ce qui regarde la détention du sieur Flotte. Il a été conduit au château de Ségovie et a dit, sans être pressé, aux officiers qui l'ont approché, le sujet de sa négociation avec le sieur Stanhope avec des circonstances qu'il a crues propres à rendre sa conduite moins odieuse, ajoutant qu'il faudrait faire une alliance entre le roi d'Espagne et Mgr le duc d'Orléans, auquel Sa Majesté Catholique pourrait céder quelque partie de sa monarchie. Je ne crois pas, Sire, devoir entrer dans de plus grands détails à cet égard, sachant que le roi d'Espagne envoie des extraits à Votre Majesté des déclarations volontaires du sieur Flotte.

« Don Bonifacio Manrique, gentilhomme biscaïen, lieutenant général des armées de Sa Majesté Catholique, dont la conduite a été désagréable au roi son maître, et qui ne servait plus depuis trois ans, a été arrêté à Madrid, sur un grand mémoire écrit de sa main, qui a été trouvé dans les papiers du sieur Flotte. Il promet par ce mémoire d'engager plusieurs gens de distinction dans le projet et d'aller catéchiser (ce sont ses termes) dans les provinces d'Andalousie et d'Estrémadure, où il a beaucoup de connaissances. »

Amelot revient sur ce sujet dans une lettre adressée à Louis XIV le 19 août 1709 [55] :

« Votre Majesté me marque, par rapport à l'affaire du sieur Flotte, que les circonstances en sont si fâcheuses de quelque côté qu'on les regarde, que le seul parti qu'il y ait à prendre est celui de l'assoupir au plus tôt et de finir les recherches dont la découverte ne peut produire que de mauvais effets; que Votre Majesté demande au roi, votre petit-fils, d'observer un secret que vous souhaiteriez pour ses propres intérêts qu'il n'eût jamais laissé pénétrer; qu'il ne faut plus songer qu'à faire cesser l'éclat que la résolution du roi d'Espagne a causé et que j'y dois travailler pendant le temps qu'il me reste à demeurer à Madrid.

« J'ai commencé à m'acquitter, Sire, des ordres de Votre Majesté en informant le roi d'Espagne que je les avais reçus et en le pressant, autant qu'il m'a été possible, de finir les recherches dont il s'agit, remettant les sieurs Flotte et Renaut à la disposition de Votre Majesté. Je lui ai représenté les raisons expliquées dans la dépêche de Votre Majesté et celles que la connaissance de l'affaire offre naturellement à l'esprit. Sa Majesté Catholique m'a répondu qu'elle souhaitait montrer en tout sa déférence aux sentiments de Votre Majesté; qu'elle avait envoyé ordre à Ségovie d'interroger encore une fois les sieurs Flotte et Renaut, surtout le premier qui s'était contredit dans ses déclarations sur plusieurs articles importants, et qu'aussitôt après qu'elle aurait vu leurs réponses elle prendrait sa résolution, dont elle me ferait part. Ce prince m'a dit que, pour ce qui est du secret, il avait été gardé de sa part avec la dernière exactitude, et que, si le sieur Flotte n'avait pas tenu les discours que l'on sait à un grand nombre d'officiers et d'autres personnes, le véritable motif de sa prison n'aurait jamais été pénétré. Je continuerai, Sire, à presser Sa Majesté Catholique d'assoupir entièrement cette affaire., ainsi que Votre Majesté me l'ordonne. »

La lettre d'Amelot à Louis XIV, en date du 26 août 1709, parle encore de Flotte et de Renaut:

« Le roi d'Espagne a reçu avant-hier les dernières interrogations des sieurs Flotte et de Renaut; elles sont différentes des premières en bien des choses et presque conformes entre elles; ainsi il y a lieu de croire qu'elles contiennent les faits dans leurs véritables circonstances. Je presse Sa Majesté Catholique de finir au plus tôt cette affaire, suivant l'avis de Votre Majesté. J'espère que cela n'ira pas loin, et je pourrai peut-être en savoir quelque chose de plus positif avant le départ de l'ordinaire. »

Suite
[53]
Papiers des Noailles, Bibl. imp. du Louvre, ms. F 325, lettre 41°. Copie du temps.
[54]
Cette lettre ne se trouve pas dans les papiers des Noailles.
[55]
Papiers des Noailles, ibidem., lettre 50.