CHAPITRE XIX.

1713

Proposition de mariage conduite par Mlle de Conti entre une fille de M. le duc d'Orléans et M. le prince de Conti. — Mlle de Conti, accusée de faire manquer le mariage pour son intérêt, en est irréconciliablement brouillée avec Mme la duchesse de Berry. — Mme la Princesse fait ordonner par le roi le double mariage de M. le Duc avec Mlle de Conti, et de M. le prince de Conti avec Mlle de Bourbon. — Présent ordinaire du roi aux princes et princesses du sang qui se marient. — Fiançailles, mariage, festin, chemises et visites du double mariage de M. le Duc et de M. le prince de Conti. — Mauvais ménage du prince et de la princesse de Monaco. — Grâces très-insolites accordées à M. de Monaco pour la transmission de son duché-pairie. — Mariage du fils du comte de Roucy proposé avec Mlle de Monaco, que Mme de Monaco rompt avec éclat; [elle] vient à Paris et à la cour, où elle trouve peu d'agréments. — Mariage du duc d'Olonne avec Mlle de Barbezieux. — Mariage de Pontchartrain avec Mlle de Verderonne, où le chancelier me force d'assister. — Mort de la comtesse de Prado. — Extraction et fortune des Prado. — Mort de la duchesse d'Angoulême, veuve du bâtard de Charles IX. — Mort de l'évêque de Rosalie; sa famille; sa vie. — Mort de l'abbé Régnier. — Changement de charges chez Madame. — Beauvau archevêque de Toulouse. — Amusements du roi chez Mme de Maintenon. — Audience de congé du duc et de la duchesse de Shrewsbury, à Marly, tout à fait inusitée.

Mlle de Conti était amie de Mme la duchesse de Berry dès leur jeunesse, quoique la première eût six ans plus que l'autre. Elles se voyaient souvent. Leur séjour de Paris y contribuait. Les filles de Mme la Duchesse étaient élevées à Versailles, et il n'y avait jamais eu d'amitié entre Mme la Duchesse et Mme la princesse de Conti sa belle-sœur. Il y avait bien longtemps aussi qu'elle était éteinte entre Mme la duchesse d'Orléans et Mme la Duchesse, tellement que, outre l'éloignement des lieux, leurs enfants n'étaient pas pour vivre ensemble. Mlle de Conti menait une vie fort contrainte; Mme sa mère avait de l'humeur et tenait quelque chose de M. le Prince son père. Mme la Princesse, à qui feu M. le prince de Conti était attaché d'un tendre respect, l'avait fort aimé, et elle chérissait Mlle de Conti avec d'autant plus de tendresse que M. le prince de Conti l'avait toujours aimée avec passion, et lui en avait laissé de grandes marques par son testament. C'était donc Mme la Princesse qui était l'appui et la consolation de Mlle de Conti, qui avait en elle toute confiance, qui versait dans son sein toutes ses peines, mais chez qui, par son âge, sa dévotion et son genre de vie, elle ne pouvait pas trouver d'amusement. La connaissance faite avec Mademoiselle lui en procura par de petites parties à Paris et à Saint-Cloud, et l'amitié se lia tellement entre elles qu'elle subsista depuis le mariage de Mme la duchesse de Berry, qui lui sut un gré infini de la joie qu'elle en eut, et qu'elle ne cacha point malgré le dépit public de Mme la Duchesse et de ses filles, de Mme la princesse de Conti sa tante, et de celui même que Mme la Princesse en voulut bien prendre, en quoi elle fut autorisée par Mme sa mère; la seule princesse du sang qui en fut bien aise. Cela serra encore les liens de leur amitié, tellement que Mlle de Conti, qui ne paraissait presque jamais à Versailles, y venait quelquefois pour Mme la duchesse de Berry, laquelle aussi lui donnait souvent des rendez-vous et des collations à Saint-Cloud.

Ces dispositions de la mère et de la fille firent naître la pensée à Mme la duchesse d'Orléans de faire sonder Mlle de Conti, par Mme la duchesse de Berry, sur le mariage d'une de Mlles ses sœurs avec M. le prince de Conti son frère, et si cela prenait, de se servir d'elle auprès de Mme sa mère pour le faire réussir. M. le duc d'Orléans approuva ce dessein. Pour moi je le trouvai hasardeux, parce qu'il me semblait difficile d'obvier à tous les hasards qui pouvaient instruire le roi de ces démarches, et que, jaloux au point où il l'était de disposer seul de tout dans sa famille, et parmi les princes du sang, non-seulement il romprait le mariage, mais disposé aussi mal qu'il l'était alors à l'égard de M. le duc d'Orléans et de Mme la duchesse de Berry, ils s'exposeraient tous aux suites de son mécontentement et du déplaisir qu'il aurait, et où il serait poussé de reste à leur faire sentir qu'il ne faisait pas bon traiter des mariages à son insu. Mlle de Chartres, belle et bien faite, avait alors quinze ans, mais elle était extrêmement bègue, et montrait déjà quelque goût pour se faire religieuse. Mlle de Valois, parfaitement belle, mais plus grasse, en avait treize, et on aurait laissé choisir entre les deux. Mes réflexions n'arrêtèrent ni M. [le duc] ni Mme la duchesse d'Orléans, à qui ces princesses commençaient à peser, et qui étaient suivies de trois autres. Mme la duchesse de Berry parla à Saint-Cloud à Mlle de Conti, qui parut ravie de la proposition et de ce qu'on s'adressait à elle. Elle en rendit compte à Mme sa mère, qui goûta fort la chose. Mlle de Conti, qui avait promis un secret sans réserve, en fit confidence à Mme la Princesse. Elle avait vingt-cinq ans. Elle se lassait cruellement d'être tenue comme une petite fille dans l'ennui et les humeurs de l'hôtel de Conti, et elle n'y voyait par son âge d'autre débouché que d'épouser M. le Duc, à quoi l'aigreur extrême du procès de la succession de M. le Prince ne disposait pas Mme la Duchesse ni Mme la princesse de Conti. Elle avait beaucoup d'esprit et de douceur, d'agrément et d'insinuation dans l'esprit. Elle avait un beau visage; mais sa taille, quoique assez grande, n'y répondait pas.

De cette confidence, il résulta que Mme la Princesse, qui avait jusqu'alors fait des efforts inutiles pour porter ses enfants à s'accommoder sur la succession de M. le Prince et à se raccommoder ensemble, ouvrit tout à coup les yeux à un moyen fort naturel auquel elle n'avait point pensé jusque-là, qui fut un double mariage entre ses petits-enfants. De les y porter par elle-même, elle n'en pouvait attendre aucun succès; mais pensa que le roi, qui avait tâché aussi de les empêcher de plaider et de les raccommoder, et qui s'en était bien voulu entremettre plus d'une fois, pourrait être susceptible d'un expédient si convenable en lui-même, et qui partait naturellement à éteindre les aigreurs et à engager un accommodement sur le testament de M. le Prince, et que le roi serait d'autant plus porté à leur imposer pour faire faire le double mariage, qu'il serait sûrement blessé d'apprendre, par une voie étrangère, qu'il y avait des pourparlers très-avancés d'un mariage de M. le prince de Conti avec une fille de M. le duc d'Orléans. Je n'entreprendrai point de percer un mystère qui se passa tête à tête entre Mlle de Conti et Mme la princesse sa grand'mère. Ce qui est certain, c'est que les apparences ne parurent pas pour Mlle de Conti, qui trahit le secret qu'elle avait promis. Mme la Princesse n'avait jamais passé pour avoir de l'esprit ni de la résolution. Son état et sa vertu la faisait respecter extérieurement dans sa famille; son peu de lumière et de force l'y faisait mépriser en effet; en sorte qu'avec des millions dont elle était maîtresse absolue de disposer comme elle eût voulu par la nature des biens, et par les lois et les coutumes, elle ne laissa pas d'être toujours comptée pour rien, et de n'influer pas le moins du monde sur quoi que ce soit dans sa famille. Sa timidité était extrême avec le roi; elle en avait à l'égard de tout le monde, et de tous ses enfants. M. le Prince l'avait matée jusqu'à l'avoir abrutie, et la disposition naturelle y était entière. Il est donc très-difficile d'imaginer qu'elle ait pris d'elle-même, et subitement, la vue d'un double mariage sûrement à faire malgré les mères veuves, et dans la plus vive aigreur l'une contre l'autre, qui de plus ne s'étaient jamais aimées; de rompre pour cela avec la même violence un mariage goûté et comme arrêté; et d'opérer tout cela par l'autorité absolue du roi sans nul autre instrument auprès de lui qu'elle-même ; tandis que Mlle de Conti faisait par là le plus grand mariage qu'elle pût espérer, et l'unique auquel son âge et sa naissance lui pussent permettre d'arriver, et d'espérer de ne passer pas le reste de sa jeunesse dans l'ennui et dans l'esclavage sous lequel elle se désespérait.

La résolution prise par Mme la Princesse d'aller parler au roi, Mlle de Conti se trouva bien embarrassée pour se tirer d'affaires avec Mme sa mère et avec Mme la duchesse de Berry. Entre la résolution et l'exécution il n'y eut qu'un point, parce qu'il était à craindre que, les choses avancées autant qu'elles l'étaient entre M. [le duc] et Mme la duchesse d'Orléans et Mme la princesse de Conti, ils n'en parlassent au roi, et que, le mariage une fois agréé, il n'y eût plus de remède. Mlle de Conti demanda donc un rendez-vous à Mme la duchesse de Berry à Saint-Cloud, pour chose fort pressée, pour le lendemain de son message, qu'elle n'envoya que tard. Toutes deux partirent de Versailles, et de Paris pour Saint-Cloud, en même temps que Mme la Princesse pour Versailles, afin que celle-ci ne pût être gagnée de la main auprès du roi par M. le duc d'Orléans averti.

Je ne sais comment Mlle de Conti tourna son discours à Saint-Cloud; mais il fallut bien avouer au moins qu'elle n'avait pas gardé le secret qu'elle avait promis, et par là tout au moins elle était cause de la résolution que Mme la Princesse avait prise, et de la promptitude avec laquelle elle l'exécutait. Il n'en fallut pas davantage pour persuader à Mme la duchesse de Berry que Mlle de Conti ne s'était servie de la confiance qu'elle avait eue en elle que pour en profiter pour elle-même, en violant son secret et en poussant Mme la Princesse à une démarche dont la force et la promptitude lui ressemblaient si peu, et dont tout le fruit était pour Mlle de Conti. Elle ne lui cacha pas ce qu'elle en pensait, et la traita avec toute l'indignité et toute la hauteur qu'elle crut qu'elle méritait. Les larmes de colère et de dépit allongèrent la visite plus que les discours. Jamais Mme la duchesse de Berry ne lui a pardonné, et s'est piquée jusqu'à la mort de lui faire sentir en toute occasion publique, car de particulières il n'y en eut plus entre elles, tout le poids de sa haine, de son mépris et de son rang. Elle rendit à M. [le duc] et à Mme la duchesse d'Orléans ce qu'elle venait d'apprendre. Tous trois comprirent aussitôt qu'il n'y avait plus à compter sur leur mariage, et furent bien en peine du silence qu'ils en avaient gardé au roi.

Mme la Princesse, tout en arrivant à Versailles, fit dire au roi qu'elle le suppliait de lui marquer un moment où elle pût avoir l'honneur de lui rendre compte en particulier de quelque chose qui pressait fort, et qui était très-important à sa famille. Le roi ne la fit pas attendre, et la manda dans son cabinet. L'audience fut longue; je n'en dirai rien; mais, si on en ignora le détail, on sut bientôt que le roi s'était fort offensé d'avoir appris un mariage arrêté dans sa famille, sans qu'aucune des parties lui en eût dit un mot, qu'il trouva que Mme la Princesse avait raison d'être piquée de son côté du secret que lui en faisait Mme sa fille, et que sur-le-champ le double mariage fut décidé. Le roi désirait d'autant plus ardemment de pouvoir remettre la paix dans cette famille, que l'aigreur y était parvenue au plus haut degré, parce qu'il prévoyait sagement que M. du Maine y serait toujours la partie faible, et que cette paix lui était d'une plus grande importance que ne pouvaient être les biens qu'il tirerait par des arrêts.

Dans cette résolution bien arrêtée, il lava la tête rudement dès le soir même à M. [le duc] et à Mme la duchesse d'Orléans, et à Mme la duchesse de Berry, et leur défendit de penser davantage à un mariage qu'ils avaient osé non-seulement penser, mais fort avancer sans lui en avoir parlé, et su s'il l'aurait agréable. Ce même soir, il parla à Mme la Duchesse en père, mais en maître qui veut être obéi sans réplique, sur le mariage de son fils avec Mlle de Conti, et de sa fille aînée avec M. le prince de Conti, dont Mme la Duchesse fut d'autant plus étourdie qu'elle ignorait parfaitement l'autre mariage si prêt à faire, et ce que Mme la Princesse était venue faire à Versailles. Mme la princesse de Conti fut mandée à Paris. Le roi la vit dans son cabinet, et trouva en elle la plus ferme résistance. Elle dit au roi qu'il fallait que les procès fussent jugés avant qu'elle pût entendre à rien; que de plus on lui avait fait d'autres propositions très-convenables pour Mlle sa fille, dans lesquelles elle était entrée; qu'enfin Mlle de Bourbon n'avait point de bien. Le roi discuta avec elle, il prit toutes sortes de tons; puis, voyant qu'il n'avançait pas davantage, il parla en roi et en maître, et déclara à Mme la princesse de Conti qu'il voulait le double mariage, qu'il le voulait présentement, et qu'il les ferait tous deux malgré elle, si elle ne se rendait pas à sa volonté, à la raison et à tous les ménagements qu'il voulait bien avoir pour elle. Elle sortit en furie du cabinet du roi, et s'en alla tout de suite à Paris, où elle se retrancha sur les difficultés, et où Mlle de Conti passa cruellement son temps jusqu'à son mariage.

M. le prince de Conti n'eut aucun tort dans le cours de cette affaire. Il était élevé dans la haine des Condé; il fut fâché de la rupture de son mariage avec une fille de M. le duc d'Orléans, et fâché aussi d'épouser celle de Mme la Duchesse, que cet établissement ne consola pas d'avoir, comme on l'a vu, manqué M. le duc de Berry, après tant de soins, de menées et de cabales, quoique la mère et la fille ne fussent pas insensibles au dépit de M. [le duc] et de Mme la duchesse d'Orléans, et à celui de Mme la duchesse de Berry, de se voir enlever avec hauteur pour elles le parti dont ils se tenaient assurés.

Mme la Princesse, ravie d'un si prompt et si entier succès, se tint à Versailles à tout événement, et vit le roi plusieurs fois tête à tête, pour rompre les difficultés dont Mme sa fille se hérissait, et pour presser la conclusion. Le roi lui envoya plusieurs fois Pontchartrain, qui par son ordre employa à la fin les menaces. Elles eurent leur effet, et on envoya à Rome pour les dispenses, tandis qu'on se mit à travailler aux contrats de mariage. La négociation fut fort courte. Le roi voulut que ces mariages fussent faits et consommés avant que M. le Duc et M. le prince de Conti partissent pour l'armée d'Allemagne. Il en coûta cinq cent mille livres au roi, qui donne toujours cent cinquante mille livres à chaque prince du sang qui se marie, et à chaque princesse du sang qui se marie cent mille livres.

Enfin les deux fiançailles se firent le samedi 8 juillet, sur le soir, dans le cabinet du roi, par le cardinal de Rohan, revenu exprès de Strasbourg, où il ne faisait que d'arriver. Mme la Duchesse et Mme la princesse de Conti n'y firent prier que les parents, mais jusqu'à un degré assez étendu. La foule ne laissa pas d'y être grande de tout ce qui ne l'avait pas été. Mlle de Charolais et Mlle de La Roche-sur-Yon portèrent la queue de la mante des deux fiancées. Le lendemain dimanche 9, le cardinal de Rohan dit la messe à midi dans la chapelle, en présence du roi et de toute la cour, et il y maria les deux princes et les deux princesses, qui furent mis tous quatre sous le même poêle. Il n'y eut point de dîner ni de plaisirs. Le soir, toute la maison royale, tous les princes et princesses du sang, M. et Mme du Maine et leurs deux fils, et M. le comte de Toulouse, soupèrent avec le roi chez lui. Il passa avec eux tous dans son cabinet, au sortir de table; et un quart d'heure après il descendit dans l'appartement de feu M. le Prince, que Mme la Princesse avait conservé entier, et qui était double. Les deux noces y couchèrent; le roi donna la chemise aux deux mariés, et Mme la duchesse de Berry aux deux mariées. Ce ne fut pas sans prodiguer à l'une des deux ses plus perçants dédains. Le lendemain lundi, après dîner, le roi retourna au même appartement voir les deux mariées chacune sur son lit, où toute la cour abonda le reste de la journée. Dès le soir M. le prince de Conti entra après le souper dans le cabinet du roi, jusqu'à son coucher, comme mari de sa petite-fille, privilége attaché uniquement à cette qualité. M. le Duc avait près de quatre ans moins que sa nouvelle épouse, et M. le prince de Conti deux moins que la sienne. De cette affaire Mme la princesse de Conti demeura indignée contre sa fille, outrée contre Mme la Princesse, plus aigrie que jamais contre Mme la Duchesse, de plus en plus attachée à suivre les procès et à ne vouloir pour rien ouïr parler d'aucun accommodement, et en amitié liée et publique avec M. [le duc] et Mme la duchesse d'Orléans et avec Mme la duchesse de Berry. Un mariage moins important fit aussi bien du désordre et de l'éclat. Ce fut celui de la fille aînée de M. de Monaco avec le fils aîné du comte de Roucy. M. de Monaco avait, comme on l'a vu en son lieu, épousé autrefois une fille de M. le Grand, pour obtenir le rang de prince étranger. Il l'avait eu; mais, dès l'instant du mariage, son père et M. le Grand s'étaient fort brouillés, comme on l'a vu aussi en même temps, et peu après le mari et la femme avaient fort mal vécu ensemble. À la fin elle avait été emmenée à Monaco une première fois, d'où on a vu aussi qu'elle s'était tirée par la plus abominable calomnie contre son beau-père. Celui-ci étant mort quelques années après ambassadeur à Rome, son fils, qui prit le nom de prince de Monaco, y remena sa femme, et l'y tint avec lui bien des années. Le ménage n'en fut pas plus concordant; la vie de Monaco, avec un mari qu'on n'aima jamais, était bien différente de la vivacité de la vie et des plaisirs de la cour, et de la maison ouverte et magnifique de M. le Grand. Elle demeura même quelquefois seule pendant quelques courts voyages que M. de Monaco faisait à Paris et à la cour.

Il n'avait que des filles; il n'espérait plus avoir d'enfants, et son unique frère était prêtre. Sa branche finissait en eux, et le duché-pairie de Valentinois s'y éteignait. Il chercha donc à faire un mariage pour sa fille aînée, qui plût au roi, dont il se proposa d'obtenir la continuation de sa dignité pour sa fille, et le roi ne s'y rendit pas difficile. Il lui promit une nouvelle érection avec le rang d'ancienneté de cette nouvelle date pour celui qui épouserait sa fille aînée, et la permission de se démettre de son duché en sa faveur dès le moment du mariage pour que sa fille, qui depuis ce rang de prince était assise, ne se trouvât pas debout. Dès que cela fut enfilé de la sorte, M. de Monaco représenta qu'encore qu'il ne pût espérer d'autres enfants, et que son âge et bien plus sa santé ne lui dût pas faire envisager de survivre à sa femme, ce cas néanmoins pouvait arriver; qu'alors la grâce extraordinaire que le roi lui accordait lui deviendrait bien amère, parce qu'elle lui ôterait le moyen de continuer sa dignité dans sa postérité en se remariant, et ayant un fils, cas même qui au fond serait embarrassant pour son gendre par les règles du droit. Le roi, qui avait commencé à le favoriser dans ses dispositions domestiques, voulut bien encore ajouter une grâce bien plus singulière. Il lui promit un clause dans l'érection nouvelle qui se ferait en faveur du gendre qu'il chaisirait qu'advenant la mort de Mme de Monaco, un second mariage de M. de Monaco, et qu'il en eût un fils depuis le mariage de sa fille, ce fils lui succéderait en la dignité et en l'ancienneté de son duché-pairie de Valentinois, et pour sa postérité, auquel cas son gendre demeurerait sa vie durant duc et pair, mais que sa dignité demeurerait éteinte en sa personne, et ne passerait pas aux fils de son mariage avec sa fille. M. de Monaco, plus comblé qu'il n'avait osé l'espérer, se mit à chercher pour sa fille un parti qui fût agréable au roi, et qui lui convînt à lui-même, et en fut d'autant plus pressé que ces grandes et insolites grâces ne pouvaient s'exécuter, ni même s'expédier, qu'en faisant actuellement le mariage de sa fille, et qu'il lui était important de les faire consommer par celui qui les lui accordait.

Le monde en fut bientôt informé, et ce fut à qui pourrait se faire duc et pair par ce mariage, Le comte de Roucy y pensa des premiers pour son fils. Le chancelier, à qui la mémoire de sa belle-fille était toujours infiniment chère, l'y servit de tout son pouvoir, MM. de La Rochefoucauld et de La Rocheguyon de même, il fit agir tous ses amis, et il gagna M. de Monaco, Le roi ne voulut pas s'en mêler, mais témoigna approuver et avoir ce mariage très-agréable. Pour venir au contrat, il fallut venir à Mme de Monaco, parce qu'il fallait qu'elle y parlât, et que, par la disposition des affaires de M. de Monaco, on ne s'y pouvait passer d'elle. Enragée comme elle était contre lui, c'en fut assez qu'il voulût ce mariage pour qu'elle refusât d'y consentir. Le besoin qu'on eut d'elle dressa vers elle toutes les batteries, et rendit M. de Monaco complaisant. Elle eut peur d'être forcée par l'autorité de M. le Grand. Elle sembla donc se radoucir et entrer en examen, tandis qu'elle travailla à le gagner. L'examen lui en fournit les moyens. On ne marie point ses enfants sans mettre papiers sur table. Le comte de Roucy avait été toute sa vie un panier percé, la comtesse de Roucy noyée de dettes et de procès de sa maison. On vit donc de grandes terres, de grandes dettes, nul ordre, de grands embarras, et des gens qui avaient toujours vécu d'industrie, de crédit, et de faire ce qu'on appelle des affaires. D'un autre côté M. de Monaco avait des terres d'une grande étendue. Valentinois est immense, c'était son duché. Ni ce morceau ni Monaco ne pouvaient aller qu'à l'aînée; il y avait beaucoup de dettes, quatre filles à pourvoir, et l'abbé de Monaco à partager qui ne l'était pas encore. Mme de Monaco fit démontrer cela à sa famille, s'assura de son appui, et déclara après que jamais elle ne consentirait à un mariage qui par l'état et la nature des biens et des affaires de part et d'autre, se trouvait impossible sans folie. L'argument était pressant et souffrait peu de réplique. M. le Grand, avec sa hauteur et sa brutalité ordinaire, s'emporta à la cour; ses enfants, le maréchal de Villeroy, le secondèrent; le vacarme fut très-grand. M. de Monaco de dépit mit sa fille dans un couvent à Aix, avec défense de la laisser voir à sa mère, qui assurée de sa famille prit le temps que son mari s'en était allé se dissiper à Gênes, et arriva à Paris chez M. le Grand.

Elle crut y régner comme du temps de sa mère, et nager comme autrefois dans les plaisirs de la cour. Elle y fut trompée. Mlle d'Armagnac était devenue la maîtresse de la maison; elle se souvenait des préférences continuelles que sa sœur lui avait fait essuyer du temps de Mme d'Armagnac. M. le Grand reçut Mme de Monaco froidement, et tout d'abord lui déclara qu'une femme brouillée avec son mari, et qui pour cela venait chez son père, ne devait pas en sortir un instant, ne faire sa cour au roi que par devoir et rarement, ne faire aucune visite et n'en recevoir point, se contenter du grand monde qui abondait chez lui, mais ne point jouer, ne point se parer, être très-uniment vêtue, et négligemment coiffée, et s'éloigner régulièrement de toutes parties et de tous plaisirs. Cette harangue fut moins une remontrance qu'un ordre très-positif, et d'un père devant lequel tout tremblait dans sa famille. Mme de Monaco n'avait ni équipage, ni domestique, ni un sou pour s'en donner. Son mari n'était pas pour lui laisser toucher quoi que ce fût, et M. le Grand aussi peu d'humeur à lui donner plus que le couvert et la nourriture à sa table. Onze ans de séjour de suite à Monaco l'avaient changée à n'être pas connaissable; elle ne put se le dissimuler à l'accueil qu'elle reçut à la cour, où elle ne sortit pas de l'appartement de son père, à y voir régner sa soeur, et y jouer le plus gros jeu du monde. Elle fit rompre le mariage avec éclat, mais d'ailleurs elle ne fit que changer d'ennuis et de peines. Nous verrons bientôt que Matignon en profita.

Un autre mariage se fit avec moins de bruit. Le duc de Châtillon, plus qu'estropié d'une blessure au pied qui peu à peu lui avait engourdi les nerfs et l'avait rendu comme paralytique, se démit de son duché à son fils unique, qu'il fit appeler duc d'Olonne, et le maria à la fille unique et fort riche que Barbezieux avait laissée de son premier mariage avec la sœur du duc d'Uzès, dont Mme de Louvois fit magnifiquement la noce.

Il y avait cinq ans au plus que Pontchartrain avait perdu une femme de tous points adorable, l'unique peut-être qui eût pu avoir la vertu, la raison, la conduite et l'incomparable patience de l'être de lui, et dont la considération, comme on l'a vu en son lieu, l'avait soutenu et lui avait sauvé sa place. Il s'était bientôt lassé de la comédie forcée de sa douleur, et quoiqu'il eût deux fils, il voulut absolument se remarier. Sa figure, hideuse et dégoûtante à l'excès, mais agréable, et même charmante en comparaison de tout le reste, n'empêcha pas la séduction de l'éblouissement de sa place. Mlle de Verderonne, qui était riche, et qui était L'Aubépine comme ma mère, mais parente éloignée, en voulut bien.

Le chancelier, qui voyait avec la dernière peine la façon dont je me conduisais à l'égard de son fils, se mit dans la tête un replâtrage pour le public, et d'exiger que j'allasse à la noce. Je m'écriai à la proposition. Il ne se rebuta point. Je m'adressai à la chancelière qui, là-dessus plus raisonnable que lui, essaya de le persuader: tout fut inutile. Il pria, pressa, conjura, se fâcha, prit le ton d'autorité qu'il avait sur moi. Finalement nous capitulâmes. Je lui déclarai donc que la violence qu'il exerçait sur moi par cette complaisance était une tyrannie; que je ne changerais pour son fils ni de disposition, ni de volonté, ni de projet; que je les lui réitérais même, moyennant quoi je ne voyais pas ce qu'il y avait à gagner ni pour les uns ni pour les autres, à me traîner à une noce où, par le souvenir de sa première belle-fille, je ne pourrais être qu'affligé, et où, par ce qui s'était passé, il était bien difficile que son fils ne se trouvât fort embarrassé de ma présence, et moi au désespoir de la sienne. Je ne sais ce que le chancelier imagina, mais il me passa tout, pourvu que j'allasse à cette noce, que je visse par-ci par-là M. de Pontchartrain, c'est-à-dire que je ne fisse plus profession de ne point voir son fils, et de lui tourner le dos partout où je le rencontrais. Il voulut peut-être lui ôter un dégoût public fort nouveau à sa place, détourner par là les remarques journalières du monde, et ses raisonnements sur une conduite à laquelle le chancelier semblait bien consentir, puisqu'elle n'avait rien changé dans l'intimité, ni dans la continuité de notre commerce, et par conséquent aggraver les torts de son fils. [J'ignore] s'il espéra, en ôtant cette rudesse extérieure, que le temps nous rapprocherait, émousserait ma haine, mes résolutions, mes projets; quoi qu'il en fût, je ne pus résister au chancelier.

Il n'osa exiger de Mme de Saint-Simon la même complaisance. La mémoire de sa chère cousine était trop avant dans son cœur pour lui permettre de voir une cérémonie qui la lui rappellerait d'une manière si touchante. Elle ne put même répondre à tout ce que la nouvelle femme lui prodigua d'avances; la place qu'elle tenait lui fut insupportable. Elle le lui avoua, et ne la vit presque point.

Pour moi, je fus donc à la noce comme on va à la potence. Elle fut faite à Pontchartrain avec un très-petit nombre de personnes. L'évêque de Chartres diocésain les maria. Le chancelier et la chancelière ne cessèrent d'y pleurer leur première belle-fille; ils ne s'en cachèrent pas même. Les amis et les proches s'en contraignirent peu. Tout le domestique ne discontinua d'être en larmes. Ce qui s'y trouva du côté de Mlle de Verderonne demeura dans un sombre que les maussaderies du bel époux ne rassérénèrent pas. Jamais je ne trouvai deux jours si longs en ma vie.

De si tristes noces font souvenir de la mort, et pénètrent de réflexions. Aussi apprit-on la mort d'une fille du maréchal de Villeroy, mariée à Lisbonne au comte de Prado en 1688, dont nous avons vu longtemps le fils logé, nourri et entretenu de tout très-noblement par le maréchal de Villeroy, avec lequel il fit quelques campagnes, et longtemps depuis la paix à Paris. Il s'appelait J. de Souza, et il était troisième marquis Das Minas, sixième comte de Prado, huitième seigneur de Beriguel, gentilhomme de la chambre du roi de Portugal, conseiller de guerre, mestre de camp général dans ses troupes, général de sa cavalerie, tous grands titres qui s'acquièrent promptement et ne sont pas grand'-chose. L'entêtement du roi de Portugal pour la grandeur de la dignité de patriarche de Lisbonne qu'il avait obtenue du pape pour le siége de cet archevêché dont il fit un colosse, causa l'exil du comte de Prado et la confiscation du peu qu'il avait, et le réduisit, de peur de pis pour sa personne, à se sauver de Portugal pour n'avoir pas voulu arrêter son carrosse devant celui du patriarche dans les rues de Lisbonne. C'est ce qui le fit venir à Paris. Sa paix faite enfin avec le roi de Portugal, il retourna à Lisbonne, où peu après il fut assassiné sortant d'une église, en septembre 1622, par don Juan de La Cueva et Mendoza. Il n'avait qu'un seul fils qu'il avait perdu depuis quelques mois sans alliance, et il ne faisait que de commencer à jouir de son bien. Il n'y avait pas un an que son père était mort.

Ce père, qui s'appelait le marquis Das Minas et avait près de quatre-vingts ans, est celui qui a toujours commandé l'armée portugaise contre Philippe V, qui prit force places en Espagne, qu'il garda peu, entra même dans Madrid, qu'il ne put conserver, et qui commandait une aile de l'armée de l'archiduc avec dix-huit bataillons portugais à la bataille d'Almanza, que le duc de Berwick gagna complètement le 25 avril 1707, et qui eut de si grandes suites. Das Minas continua de servir en chef jusqu'à la paix. Il avait été vice-roi du Brésil, président du conseil des Indes à son retour, et successivement gouverneur de plusieurs provinces de Portugal. Son père avait eu un gouvernement de province, la présidence du conseil des Indes, l'ambassade de Rome. Il avait été grand écuyer et grand maître des rois Jean IV et Alphonse VI. Il était la sixième génération directe et masculine de Roderic de Souza, bâtard de Martin-Alphonse de Souza, fils de Pierre-Alphonse de Souza, dont le père Alphonse-Denis était bâtard d'Alphonse III, roi de Portugal, mort en 1279. Ce fut une chose très-rare de voir encore une belle-fille de Charles IX bâtarde vivre jusqu'en cette année, dans laquelle elle mourut en ce temps-ci, de vieillesse et de misère. Elle s'appelait Fr. de Nargonne. Elle était fille du baron de Mareuil, et avait eu un frère page du duc d'Angoulême, bâtard de Charles IX. Il avait épousé, en 1591, la fille aînée du dernier connétable de Montmorency à Pézénas, dont il ne lui resta qu'un fils qui ne le survécut que de trois ans, qui a été le dernier duc d'Angoulême. Le père, veuf de la Montmorency en 1636, devint amoureux de la sœur de son page, et l'épousa en février 1644. C'était une grande femme parfaitement belle et bien faite encore quand je l'ai vue, qui avait quelque chose de doux, mais de majestueux. Elle représentait la dignité et la vertu, qui fut chez elle sans tache et sans ride en tout genre toute sa vie. M. d'Angoulême la laissa veuve sans enfants et fort mal pourvue, en 1650. Il avait près de soixante-dix-huit ans. Son fils ne s'en mit pas fort en peine, qui mourut à la fin de 1653, à cinquante-sept ans; sa veuve encore moins, qui était La Guiche, fille du grand maître de l'artillerie, la même dont j'ai parlé au commencement de ces Mémoires, chez qui ma mère fut élevée et mariée, et qui mourut, en 1682, à quatre-vingt-quatre ans. Elle ne pouvait supporter une belle-mère, et si inférieure, après laquelle il fallait passer.

Cette belle-mère était donc fort pauvre et fort abandonnée dans un appartement d'un couvent de Sainte-Élisabeth à Paris, où elle vivait d'une pension du roi de vingt mille livres et de fort peu d'autre chose. Elle venait une fois ou deux l'année à la cour, où sa vertu et sa conduite la faisait bien recevoir de tout le monde et du roi avec distinction, mais sans avoir jamais participé à aucun des nouveaux honneurs comme la duchesse de Verneuil, sous prétexte que la bâtardise de son mari n'était pas des rois Bourbons. Les malheurs de la guerre, qui avaient porté tout à l'extrémité, suspendirent le payement des pensions. Mme d'Angoulême eut beau représenter qu'elle n'avait au monde de subsistance que la sienne, le roi ne fut point touché de la laisser mourir de faim, dont elle serait très-certainement morte sans une vieille demoiselle qui lui était attachée depuis longtemps, et à elle, qui avait un petit bien à douze ou quinze lieues de Paris. Elle l'y mena, ne pouvant plus payer son couvent ni sa nourriture, et elle a vécu plusieurs années chez cette demoiselle à ses dépens, et y est morte sans que le roi, ni ses bâtards, ni les riches héritiers des deux ducs d'Angoulême, aient pu l'ignorer, et sans qu'ils en aient eu la moindre honte.

Un autre personnage singulier mourut en ce même temps à Paris, dans le séminaire des Missions-Étrangères. Il était troisième fils du célèbre Lyonne, ministre et secrétaire d'État, et il était né à Rome en 1655, pendant l'ambassade de son père vers les princes d'Italie. Il n'avait que seize ans quand il le perdit. Son frère, qui avait la survivance du père, n'en put soutenir seul le poids. Il culbuta presque aussitôt, et cette famille tomba en désarroi malgré l'alliance du duc d'Estrées qui ne put la soutenir. La dévotion et le désastre firent prendre à l'abbé de Lyonne le parti des missions d'Orient. Il fut sacré évêque in partibus de Rosalie. Il travailla plus de vingt ans avec un grand zèle dans ces pays éloignés, et il acquit une grande connaissance des lettres et des sciences chinoises. Il revint en France avec les ambassadeurs de Siam en 1686, et s'en retourna avec eux l'année suivante. De Siam il passa à la Chine, où il se brouilla fort avec les jésuites sur les cérémonies chinoises, ainsi que tous les autres missionnaires. Ces affaires-là le firent revenir à Rome en 1703, pour y soutenir la cause contre les jésuites. Il y demeura plusieurs années. Il revint de Rome à Paris, dans le séminaire des Missions-Étrangères, y travailler avec eux pour la même affaire, et il y mourut dans une vie fort retirée et fort appliquée, sans avoir quitté le dessein de retourner aux missions, qui lui avait toujours fait conserver sa grande barbe.

L'abbé Regnier, secrétaire perpétuel de l'Académie française, mourut aussi à plus de quatre-vingts ans. Il avait un talent particulier pour les langues et la poésie, et il avait fait quantité de vers français, latins, espagnols et italiens. Il avait passé presque toute sa vie dans l'hôtel de Créqui, et il était fort répandu et bien reçu dans les meilleures compagnies.

Souliers, chevalier d'honneur de Madame, mourut aussi. C'est un Janson, fort bon homme, et que Mme de Maintenon envoyait quelquefois chercher les après-dînées à Marly, pour venir jouer au trictrac avec elle. Je ne sais comment cela s'était fait. Il était l'unique qui eût cette privance, mais il n'en tira aucun parti. Mortagne, qui était premier écuyer de Madame, passa à la charge de chevalier d'honneur, et il vendit celle de premier écuyer à un arrière-Simiane, mais ce ne fut que quelque temps après, parce que le frère de Souliers, qui était en Provence, eut d'abord la charge de chevalier d'honneur.

Le roi fut si content de la conduite de Beauvau, évêque de Tournai, pendant et après le siége de cette place, surtout de ce qu'il n'avait pas voulu en demeurer évêque depuis la prise, qu'il lui donna l'archevêché de Toulouse, vaquant par la mort du frère de Villacerf et de Saint-Pouange. Il passa depuis à Narbonne, et fut avec le marquis de Beauvau, son frère, de la promotion de l'ordre de 1724.

Les amusements étaient de plus en plus fréquents les soirs chez Mme de Maintenon, où rien ne pouvait remplir le vide de la pauvre Dauphine. Le duc de Noailles qui, comme on l'a vu, y était devenu fort étranger, chercha à s'y raccrocher par une idylle dont il fit faire les paroles par Longepierre, sur la paix, et la musique par La Lande, maître de la musique de la chapelle. Le roi la fit chanter plusieurs fois. C'était à Marly, où le voyage fut fort long.

Le duc de Shrewsbury, pressé de retourner en Angleterre, obtint ce qui ne s'était point fait encore pour aucun autre ambassadeur, ni autre ministre étranger, et il le regarda comme une grâce. Il vint seul sans cortége et sans introducteur des ambassadeurs à Marly, comme un courtisan, dîner chez Torcy, qui lui donna de la part du roi son portrait enrichi de soixante mille livres de diamants. Il vit le roi le matin en arrivant, et, seul avec lui dans son cabinet, prit congé. Sa femme était venue le même jour dîner chez Mme la princesse de Conti, et l'après-dînée elle fut prendre aussi congé du roi dans son cabinet, et tous deux s'en retournèrent le soir à Paris, d'où ils partirent, sans avoir pris d'autres congés.

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