NOTE VI. RÉCIT OFFICIEL DE L'ARRESTATION DE FOUQUET, RÉDIGÉ PAR ORDRE DE COLBERT.

Aussitôt après l'arrestation de Fouquet (5 septembre 1661), Colbert, qui avait dirigé toute cette affaire, fit instituer une chambre de justice pour juger le surintendant et ses complices. Joseph Foucault, père de l'intendant dont on cite plus loin le journal, fut nommé greffier de ce tribunal. Il nous reste de lui un recueil des procès-verbaux sous le titre de Registres de la chambre de justice [86] . Il a fait précéder ces procès-verbaux d'un récit de l'arrestation de Fouquet rédigé d'après les documents officiels. C'est une pièce d'une authenticité incontestable où l'on trouve des détails importants:

« Le bruit d'un voyage que le roi devait faire en Bretagne ayant longtemps couru sans que personne en pût conjecturer la cause, quoiqu'on en parlât fort diversement, Sa Majesté, partie de Fontainebleau le premier jour de septembre 1661, suivie de M. le Prince, de M. le duc de Beaufort, de MM. de Charost, de Villequier, de Saint-Aignan, de Villeroy et de peu d'autres seigneurs, prit la poste à Blois et se rendit trois jours après à Nantes.

« M. Fouquet [87] , lors surintendant des finances, et qui peu de jours auparavant avait disposé de sa charge de procureur général au parlement de Paris en faveur de M. de Harlay, maître des requêtes, partit un jour avant le roi en relais de carrosse qui avaient été disposés en divers lieux de sa marche. Mme sa femme et M. de Lyonne l'accompagnèrent jusques à Nantes, où il se rendit en même temps que Sa Majesté, bien qu'il fût travaillé d'une fièvre double tierce [88] .

« M. Le Tellier, secrétaire d'État, et M. Colbert, intendant des finances, firent ce voyage en même carrosse.

« La cour étant à Nantes, le roi assista aux états de Bretagne qui avaient été convoqués et dont M. Boucherat, maître des requêtes, était commissaire de la part de Sa Majesté. Toute la province était en suspens et l'on voulait faire appréhender au peuple quelque chose d'extraordinaire. Mais enfin on connut qu'il n'y avait rien à craindre que pour M. Fouquet que le roi fit arrêter, et comme cette résolution était importante et que Sa Majesté n'en voulait commettre l'exécution qu'à une personne de confiance, elle fit choix du sieur d'Artagnan, sous-lieutenant de la compagnie des mousquetaires, qu'elle manda le jeudi premier jour du mois de septembre pour lui prescrire les ordres qu'il avait à suivre. On le trouva dans le lit avec une grosse fièvre, nonobstant laquelle le roi lui fit commander de se rendre près de Sa Majesté en quelque état qu'il fût. Le sieur d'Artagnan ne put obéir à cet ordre qu'en se faisant porter dans la chambre du roi qui, le voyant en si mauvais état, ne lui dit autre chose, sinon que prenant une active confiance en sa fidélité, il avait jeté les yeux sur lui pour l'exécution d'une résolution qu'il lui aurait communiquée, s'il avait été en meilleur état; mais qu'il fallait remettre la partie à deux ou trois jours, pendant lesquels il lui recommanda d'avoir soin de sa santé.

« Le vendredi et le samedi, le sieur d'Artagnan fut visité de la part du roi sous divers prétextes, et le dimanche s'étant rendu chez le roi sur le midi, Sa Majesté lui demanda tout haut des nouvelles de sa compagnie et témoigna qu'elle en voulait voir le rôle qu'il lui remit entré les mains. Le roi entra en lisant dans le cabinet; il en ferma lui-même la porte, dès que le sieur d'Artagnan y fut entré, et, après quelques paroles qui témoignaient une obligeante confiance, Sa Majesté lui déclara qu'étant mal satisfaite de M. Fouquet, elle avait résolu de le faire arrêter. Elle lui recommanda d'exécuter cet ordre avec prudence et avec adresse, et lui mit en main un paquet dans lequel étaient les ordres qu'il avait à suivre, lui recommandant d'en aller faire l'ouverture chez M. Le Tellier. Comme le sieur d'Artagnan se voulait retirer, le roi lui dit qu'il fallait payer de quelque défaite ceux qui étaient à la porte, et qui l'avaient vu demeurer si longtemps dans le cabinet. Ce qui l'obligea de dire à ceux qu'il rencontra, en sortant qu'il venait de demander au roi un don que Sa Majesté lui avait accordé de la meilleure grâce du monde, et de ce pas s'étant rendu chez M. Le Tellier qu'il trouva environné de beaucoup de gens, il lui dit tout haut que le roi lui avait accordé une grâce, dont il lui avait commandé de venir demander promptement les expéditions. Ce qui donna occasion à M. Le Tellier de l'emmener dans son cabinet, où le sieur d'Artagnan se trouva si faible qu'il fut obligé de demander du vin pour prévenir une défaillance. S'étant remis il ouvrit le paquet, où il vit une lettre de cachet pour arrêter M. Fouquet, une autre lettre contenant la route qu'il fallait tenir, et tout ce qu'il avait à faire pour le conduire jusques au lieu de sa prison, une autre lettre pour envoyer un brigadier et dix mousquetaires en la ville d'Ancenis pour exécuter l'ordre qui leur serait envoyé le lendemain de leur arrivée, qui fut d'arrêter tous autres courriers que ceux de Sa Majesté, afin d'empêcher que la nouvelle de cet emprisonnement ne vint à Paris par d'autres voies. Il y avait encore dans le paquet diverses lettres adressées aux gouverneurs des places, et toutes ces lettres étaient écrites de la main de M. Le Tellier.

« Le lundi 5 septembre, le roi, pour mieux couvrir ce dessein, avait fait une partie de chasse [89] , pour laquelle il fit commander les mousquetaires et les chevau-légers qui se trouvèrent tous à cheval, lorsqu'il sortit du conseil. Il parla encore assez longtemps à M. Fouquet, tandis que M. Le Tellier alla joindre M. Boucherat, qui s'était rendu à la porte du conseil par un ordre exprès, et lui donna une lettre de cachet qu'il avait toute écrite de sa main comme les autres, par laquelle le roi, faisant part de la résolution qu'il avait prise à M. Boucherat, lui enjoignait d'aller, aussitôt que M. Fouquet serait arrêté, saisir les papiers qui se trouveraient en sa maison, et en celle du sieur Pellisson son commis.

« Le roi voyant que toutes choses étaient bien disposées quitta M. Fouquet, lequel en descendant l'escalier parla à tous ceux qui avaient quelque chose à lui dire. Il rentra dans sa chaise sur les onze heures [90] , et comme il sortait du château, dont il avait passé la dernière sentinelle, le sieur d'Artagnan fit arrêter sa chaise en lui disant qu'il avait à lui parler. M. Fouquet lui demanda s'il fallait que ce fût sur-le-champ ou s'il pouvait attendre que ce fût en sa maison. Mais le sieur d'Artagnan lui ayant fait entendre que ce qu'il avait à lui dire ne se pouvait remettre, M. Fouquet sortit de sa chaise en ôtant son chapeau à demi. En cet état, le sieur d'Artagnan lui dit qu'il avait ordre du roi de l'arrêter prisonnier. À quoi M. Fouquet ne répondit autre chose, après avoir demandé à voir cet ordre et l'avoir lu, sinon qu'il avait cru être dans l'esprit du roi mieux que personne du royaume [91] , et en même temps il acheva de se découvrir, et l'on observa qu'il changea plusieurs fois de visage en priant le sieur d'Artagnan que cela ne fît point d'éclat. Ce qui donna occasion au sieur d'Artagnan de lui dire qu'il entrât dans la maison prochaine qui se trouva celle du grand archidiacre, dont M. Fouquet avait épousé la nièce en premières noces.

« En y entrant, il aperçut le sieur Codur, une de ses créatures, à qui il dit en passant ces mots: À Mme du Plessis, à Saint-Mandé.

« Le sieur d'Artagnan envoya incontinent le sieur Desclavaux donner avis au roi de ce qui s'était passé et dépêcha un mousquetaire en la ville d'Ancenis, pour donner ordre au brigadier qu'on y avait envoyé avec dix mousquetaires le jour précédent d'arrêter tous autres courriers que ceux de Sa Majesté.

« Ensuite le sieur d'Artagnan demanda à M. Fouquet les papiers qu'il avait sur lui, et les ayant mis en un paquet cacheté, il chargea le sieur de Saint-Mars, maréchal des logis de la compagnie des mousquetaires, de les porter au roi avec un billet écrit de sa main, par lequel il faisait savoir à Sa Majesté qu'aussitôt qu'il aurait fait prendre à M. Fouquet un bouillon qu'il avait envoyé quérir à la bouche, et que le sieur Saint-Mars serait de retour auprès de lui, il partirait pour suivre ses ordres.

« En effet, dès que le sieur de Saint-Mars fut de retour et que M. Fouquet eut pris un bouillon, le sieur d'Artagnan le fit monter dans un des carrosses du roi, dans lequel entrèrent les sieurs de Bertaud, gouverneur de Briançon, de Maupertuis et Desclavaux, gentilshommes servants de Sa Majesté.

« La première couchée fut à Houdan, où le sieur d'Artagnan demanda de la part du roi à M. Fouquet un ordre de sa main au commandant de Belle-Isle de remettre la place entre les mains de celui que Sa Majesté y enverrait. Ce que M. Fouquet fit incontinent par un billet qui fut aussitôt porté au roi par le sieur de Maupertuis.

« Le mardi 6 septembre, le sieur d'Artagnan partit de Houdan et alla coucher à Ingrande, où le roi passa à deux heures après minuit.

« Le mercredi 7 septembre, M. Fouquet arriva au château d'Angers, et fut loger dans le château que le commandant avait remis suivant l'ordre du roi, entre les mains du sieur d'Artagnan qui retint, pour le garder, soixante mousquetaires avec les sieurs Saint-Mars et de Saint-Léger, maréchaux des logis de la compagnie, et renvoya le reste au roi.

« Cependant M. Boucherat [92] , qui, dès le moment que M. Fouquet avait été arrêté, s'était transporté en la maison où était Mme Fouquet, l'a trouvée gardée par six mousquetaires. Il entra dans la chambre et lui fit entendre avec civilité l'ordre que le roi lui avait donne de visiter les papiers de M. son mari. Elle demanda où il était et s'il ne lui serait pas permis de l'accompagner. Mais M. Boucherat, qui n'avait rien à lui répondre sur cela, ne songea qu'à exécuter sa commission. Il fit ouvrir les cassettes qui étaient dans sa chambre, dans lesquelles il ne rencontra aucuns papiers. Il entra ensuite dans le cabinet de M. Fouquet, d'où il fit transporter tout ce qu'il y trouva de papiers. On observa que, dans cette occasion, Mme Fouquet fit paraître beaucoup de courage, qu'elle ne fit rien d'indécent, qu'elle ne dit rien qui témoignât de la faiblesse, et même qu'elle ne pleura pas.

« Le sieur Pellisson [93] , commis de M. Fouquet, et celui en qui il avait le plus de confiance, fut aussi arrêté dans sa maison par des mousquetaires que le sieur d'Artagnan y avait envoyés, et M. Boucherat, s'y étant transporté, se fit représenter ses papiers, qui furent enfermés dans une malle et portés à M. Le Tellier.

« Le sieur Pecquet, médecin de M. Fouquet, et Lavallée, son plus ancien valet de chambre, s'étant présentés pour le servir, furent enfermés avec lui sans aucune communication avec les gens du dehors.

« M. Fouquet, prisonnier, parut inquiet et abattu pendant les premiers jours de sa détention. Il mit toutes choses en usage pour gagner ses gardes et pour avoir des nouvelles; mais tout cela fut inutile par les soins et l'application extraordinaire du sieur d'Artagnan, qui faisait d'ailleurs à son prisonnier tous les bons traitements dont il se pouvait aviser. Ce qui n'empêcha pas M. Fouquet de tomber dans une maladie qui le mit à l'extrémité.

« Le 22 novembre, M. d'Artagnan reçut ordre du roi d'envoyer quérir le sieur Pellisson, qui était prisonnier dans le château de Nantes, et de le faire conduire dans celui d'Angers par tel nombre de mousquetaires qu'il aviserait. Ce qui fut exécuté par vingt mousquetaires commandés par le sieur de Saint-Mars, entre les mains duquel M. le maréchal de La Meilleraye remit le prisonnier, qui arriva au château d'Angers le 25 dudit mois de novembre.

« Le 1er décembre, par un nouvel ordre du roi, le sieur d'Artagnan conduisit les deux prisonniers au faubourg de Saumur, du côté du pont; le second, il les conduisit à la Chapelle-Blanche; le troisième, au faubourg de Tours, et le quatrième au château d'Amboise [94] , où il mit M. Fouquet, son médecin et son valet de chambre à la garde du sieur Talois, enseigne des gardes du corps, suivant le commandement exprès de Sa Majesté, et partit, le sixième jour de décembre, d'Amboise pour mener le sieur Pellisson à la Bastille, où il le mit à la garde du sieur de Bessemaux, le 12 du même mois.

« Peu de temps après, le roi donna ordre aux sieurs de Talois et de Carrat, préposés à la garde de M. Fouquet, de le mener à Paris dans un carrosse de louage qui leur fut envoyé à cet effet; le sieur de Talois lui fit entendre ce nouvel ordre dont il parut surpris. Il témoigna le lendemain qu'on lui avait fait plaisir de le préparer à ce voyage, et que ce changement lui faisait de la peine. Il demanda même à diverses reprises au sieur de Talois à quoi ce voyage qui le rapprochait du roi devait aboutir, et si c'était pour quelque chose de mieux ou de pis. Sur quoi, le sieur de Talois lui dit quelques bonnes paroles pour le remettre.

« Le jour de Noël, le sieur de Talois le fit monter dans un carrosse où entrèrent le sieur Pecquet, Lavallée, le sieur de Talois, le sieur Batine, maréchal de la compagnie des mousquetaires, et les sieurs Bonin et Blondeau, qui avaient amené le carrosse à Amboise, d'où le prisonnier fut conduit en la ville de Blois par vingt-six mousquetaires. Il coucha à l'hôtellerie de la Galère. Le second jour, il coucha à Saint-Laurent-des-Eaux, aux Trois-Rois; le troisième à Orléans, au faubourg de Paris, à la Salamandre; le quatrième à Toury, au Grand-Cerf; le cinquième à Étampes; le sixième à Corbeil, aux Carnaux, d'où il fut conduit au château de Vincennes le dernier décembre.

« Il dit en passant près de sa maison de Saint-Mandé qu'il y aurait plus de plaisir à prendre à gauche qu'à droite, mais que puisqu'il avait été si malheureux que de déplaire au roi il fallait prendre patience.

« Il fut accueilli avec beaucoup d'injures dans tous les lieux où il passa [95] , et quelques soins que les gardes pussent prendre pour écarter la populace, il fut impossible d'empêcher qu'il n'entendît les imprécations que l'on faisait partout contre lui. Ce qu'il supporta avec beaucoup de courage et de résolution.

« On le mit dans la première chambre du donjon du château que l'on meubla avec tous les cabinets qui l'accompagnent de meubles qu'on avait tirés de sa maison de Saint-Mandé. L'on enferma avec lui les sieurs Pecquet et Lavallée. Le sieur Talois, avec vingt-quatre mousquetaires, fut chargé de garder le dedans, et le sieur de Marsac, lieutenant au gouvernement de Vincennes, et capitaine-lieutenant de la compagnie des petits mousquetaires, fut chargé de la garde des dehors. Mais ne s'étant pu accommoder sur l'exécution de leurs ordres, le roi prit résolution de remettre la garde du prisonnier au sieur d'Artagnan, et lui en donna les ordres le 3 janvier 1662.

« Le lendemain, le sieur d'Artagnan s'étant rendu au donjon du château de Vincennes, sur les quatre heures du matin, avec cinquante mousquetaires de sa compagnie, deux maréchaux des logis et le sieur Bertaud, le sieur de Marsac lui remit la place entre les mains; M. Talois remit aussi la personne de M. Fouquet, son médecin et son valet de chambre. Depuis ce temps, jusques au jugement du procès de M. Fouquet, le sieur d'Artagnan a continué cette garde avec tant d'exactitude que lui seul entrait dans la chambre de M. Fouquet. Il lui portait toutes les choses nécessaires, sans souffrir que tout autre que lui eût communication avec M. Fouquet, son médecin et son valet de chambre. Et cela fit que M. Fouquet, qui avait témoigné beaucoup d'inquiétude et de curiosité pendant les premiers jours de sa détention, se voyant si bien renfermé et si soigneusement gardé, perdit l'espérance de recevoir des nouvelles de ce qui se passait au dehors, et ne pensant plus qu'à soi-même, on ne l'entendit plus parler que du mépris des vanités du monde et du bon usage qu'il ferait de son affliction, s'il plaisait au roi de le reléguer en quelque lieu aux extrémités du royaume. »

Suite
[86]
Bibl. Imp., ms. nos. 235-245 des 500 de Colbert.
[87]
Nicolas Fouquet, né en 1615, maître des requêtes en 1636, à vingt et un ans, procureur général au parlement de Paris en 1650, surintendant des finances en 1653, mort en 1680.
[88]
D'après les Mémoires de Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne, Fouquet fit une partie du voyage sur la Loire. Voici le passage (édit de M. F. Barrière, t. II, p. 187): « M. Fouquet, accompagné de M. de Lyonne son ami intime, passa dans une fort grande cabane, à plusieurs reprises et je les saluai. Un moment après passa une autre cabane, où était M. Le Tellier avec M. Colbert ; et je les saluai encore, et Ariste dit, sans que je fusse préparé à cela : « Ces deux cabanes, que nous voyons encore l'une et l'autre, se suivent avec autant d'émulation que si les rameurs disputaient un prix sur la Loire. L'une des deux, ajouta-t-il, doit faire naufrage à Nantes. »
[89]
Le jeune Brienne parle aussi de cette partie de chasse (t. II, p. 204, des Mémoires de H. L. de Loménie, publies par M. F. Barrière).
[90]
On trouvera des différences notables entre ce récit officiel, et celui qu'a laisse le jeune Brienne. Je n'ai pas besoin d'ajouter qu'entre les détails un peu romanesques donnes par Brienne, et le caractère sérieux et positif de notre récit, on ne peut hésiter.
[91]
Ces détails sont d'accord avec les discours que le jeune Brienne prête à Fouquet. Voy. Mémoires de H. L. de Loménie, t. II. p. 200.
[92]
Louis Boucherat, ne le 26 août 1616, chancelier de France en 1685, mort le 2 septembre 1699.
[93]
Paul Pellisson-Fontanier, ne 1624, mort en 1693; il a laissé plusieurs ouvrages, et entre autres des mémoires composes pour la défense de Fouquet.
[94]
La Fontaine, qui a montré tant de dévouement à Fouquet, parle dans ses lettres à sa femme (édit. Lahure, t. II. p. 554) de son voyage au château d'Amboise où il visita la chambre qu'avait habitée Fouquet. « Je demandai, dit-il, à voir cette chambre; triste plaisir, je vous le confesse; mais enfin je le demandai. Le soldat qui nous conduisait n'avait pas la clef ; au défaut je fus longtemps à considérer la porte et me fis conter la manière dont le prisonnier était gardé. Je vous en ferais volontiers la description; mais ce souvenir est trop affligeant. Qu'est-il besoin que je retrace / Une garde au soin nonpareil? / Chambre murée, étroite place, / Quelque peu d'air pour toute grâce; / Jours sans soleil,Nuits sans sommeil: / Trois portes en six pieds d'espace ! / Vous peindre un tel appartement, / Ce seroit attirer vos larmes. / Je l'ai fait insensiblement: / Cette plainte a pour moi des charmes. Sans la nuit on n'eût jamais pu m'arracher de cet endroit. »
[95]
Ce fait est confirmé par le journal inédit d'Olivier d'Ormesson, IIe partie. fol. 27 r°. D'Artagnan raconta à d'Ormesson qu'à Angers, « les habitants dirent mille injures à M. Fouquet lorsqu'il passa par les rues, et voyant le soin que M. d'Artagnan prenait de le garder, ils lui disaient: « Ne craignez pas qu'il sorte; car si nous l'avions en nos mains, nous le pendrions nous-mêmes. » La même haine parut à Tours, et il (d'Artagnan) fut obligé d'emmener M. Fouquet dès trois heures du matin pour éviter les injures du peuple. »