NOTE II. QUERELLE ENTRE LES PRÉSIDENTS DU PARLEMENT ET LES DUCS-PAIRS.

La querelle des présidents du parlement et des ducs et pairs, sur laquelle Saint-Simon revient si souvent, était déjà ancienne. Un manuscrit des Archives de l'empire (sect. judiciaires, U. 96, f° 199 et suiv.) fournit quelques renseignements sur ces discussions, et donne les arrêts et requêtes dont parle Saint-Simon.

L'extrait que nous donnons de ce manuscrit, est le complément naturel des Mémoires de Saint-Simon. L'auteur anonyme parle d'abord de l'arrêt rendu en avril 1664 :

« Les mémoires des ducs furent communiqués aux présidents, et, après que la matière eut été amplement discutée par plusieurs arrêts imprimés de part et d'autre, et alors remis entre les mains de M. le chancelier le 26 avril 1664, le roi, par un arrêt de son conseil d'État, où il était présent en personne, décida cette contestation, maintint et garda les pairs au droit d'opiner et dire leurs avis avant les présidents au parlement de Paris, lorsque Sa Majesté y tiendrait son lit de justice, sans qu'ils y puissent être troublés pour quelque cause et occasion que ce soit. Cet arrêt fut enregistré au parlement, le roi séant en son lit de justice, le mardi 29 avril 1664, et exécuté le même jour par M. le chancelier, qui prit l'avis de MM. les pairs avant que de le prendre de MM. les présidents. »

«  Arrêt du conseil d'État portant règlement entre les ducs et pairs et les présidents du parlement de Paris sur leur droit d'opiner lorsque le roi tient son lit de justice. (26 août 1664. — Enregistré au parlement le 29 dudit mois et an. — Extrait des registres du conseil d'État.)

« Le roi s'étant fait représenter, en son conseil, les mémoires mis entre les mains de M. le chancelier, tant par les officiers de la cour du parlement de Paris que par les pairs de France, suivant le commandement qu'ils en avaient reçu de Sa Majesté; et, ayant vu par lesdits mémoires les raisons, par lesquelles le parlement prétend que les présidents en icelui doivent opiner avant les pairs, lorsque Sa Majesté y tient son lit de justice, comme aussi les moyens dont les pairs se servent pour appuyer le droit par eux prétendu de dire leurs avis en de pareilles séances avant les présidents; Sa Majesté voulant terminer ce différend, et prévenir les difficultés qui pourraient naître en de semblables occasions, étant en son conseil, a maintenu et gardé, maintient et garde les pairs de France au droit d'opiner et dire leurs avis avant les présidents au parlement de Paris, lorsque Sa Majesté y tiendra son lit de justice, sans qu'ils puissent être troublés pour quelque cause et occasion que ce soit; veut pour cette fin Sa Majesté que le présent arrêt soit enregistré ès registres de ladite cour. Fait au conseil du roi, Sa Majesté y étant, tenu le 26 avril 1664. Signé: deGuénégaud.

« Et attendu que, depuis l'arrêt du conseil du 26 avril 1664, il y a de nouvelles contestations entre les ducs et les présidents, il est a propos de rapporter en cet endroit les conclusions des requêtes, qui sont à juger au conseil entre les ducs et les présidents, à l'occasion de leurs séances et opinions aux lits de justice, où ces contestations ont été formées.

«  Extrait des conclusions des requêtes présentées par MM. les ducs au roi Louis XV et à M. le régent, au sujet de nouvelles contestations formées par MM. les présidents à mortier contre MM. les ducs, depuis l'arrêt du règlement du 26 avril 1664.

PREMIÈRE REQUÊTE.

« Les ducs demandent, par leur première requête qu'ils ont présentée au roi et à M. le régent, et par leurs mémoires, imprimés chez Urbain Coutelier, libraire, et par les conclusions de ladite requête, qu'il soit ordonné: 1° que le premier président sera tenu, aux séances de rapport, de prendre l'avis des pairs, en les saluant; 2° qu'à ces mêmes séances de rapport et aux audiences des bas sièges, l'ordre de séances des pairs ne pourra, sous quelque prétexte que ce soit, être interrompu par des conseillers placés à l'extrémité des bancs remplis par les pairs; 3° que les réceptions des pairs se feront dorénavant aux lits de justice ou bien aux audiences des hauts sièges, suivant l'usage constamment pratiqué avant l'année 1643; 4° que dans toutes les affaires, où les pairs auront été invités, leur présence sera exprimée dans le prononcé de l'arrêt par l'ancienne formule : La cour suffisamment garnie de pairs.

SECONDE REQUÊTE.

« Les pairs demandent, par les conclusions de leur requête et mémoires, qu'en attendant son jugement sur les contestations avec les présidents, Sa Majesté ordonne que l'arrêt du parlement de 1715, rendu avant l'arrivée des pairs, pour leur ôter voix délibérative dans cette séance, au cas qu'ils voulussent, en opinant, interrompre l'usurpation des présidents, sera déclaré attentatoire à l'autorité de Votre Majesté, contraire à toutes les lois, et, en conséquence, comme tel, il sera dès à présent rayé et biffé des registres du parlement, et cancellé.

« L'arrêt du 2 septembre 1715 portait que, si les pairs persistaient à demander le salut, c'est-à-dire que le premier président ôtât son bonnet en leur demandant leur opinion, ou donnaient leurs avis le chapeau sur la tête, leurs voix ne seraient pas comptées. »

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